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Critique de JustAWord


Elle a 33 ans, elle est blogueuse, éditrice et… autrice !
Assurément, Julia Thévenot aime multiplier les casquettes et, surtout, elle sait particulièrement bien les porter !
Après son roman jeunesse Bordeterre, déjà remarqué par la critique, la française nous revient chez Gallimard Jeunesse avec la première partie d'un diptyque, Mille Pertuis, et une sacrée dose d'imaginaire dans ses bagage. Si vous aimez les sorcières et que vous avez toujours rêvé de découvrir leur Secret, vous êtes au bon endroit !

Le pouvoir des trois !
Les trois soeurs au centre de ce Mille Pertuis ont des noms pour le moins atypiques : Ronce, Épine et Ortie.
On découvrira par la suite que ce ne sont pas sous ces sobriquets qu'elles se présentent auprès des autres communs, mais, peu importe, pour nous, l'histoire commence avec Ortie et la révélation de son pouvoir de sorcière.
Sa préceptrice, Tante Viv, lui a bien expliqué : dans le nombril de chacune d'entre elles se cache un lieu de pouvoir, noyau des sorts et centre de tout, le « Nor(d) ».
Si vous le perdez, vous n'êtes plus rien, ou du moins rien que de très banal, de très commun.
Toute jeune, Ortie commence à comprendre l'étendue de ses capacités.
Elle peut jeter des sorts avec ses fluides (la salive, le sang, oui, surtout le sang !) en les formulant en rimes et avec application, toujours.
La douleur n'existe pas pour elle, elle peut même s'ouvrir le ventre pour visiter l'intérieur de son péritoine et replacer ses organes à sa guise, comme un jeu de construction sponsorisé par David Cronenberg.
Certaines vont encore plus loin, comme sa soeur Ronce, capable d'avaler et de digérer à peu près tout ce qui traîne, préférant souvent le Destop au jus d'orange du matin.
Ortie est une sorcière, pas de doute. Malgré ses pouvoirs formidables, elle doit cependant faire attention à respecter certaines règles et jalousement garder le Secret. Car les communs aussi ont des Chasseurs… sans parler du Consulat de ses semblables qui veille au grain.
Que pourrait-il bien arriver à Ortie, une jeune fille aussi bien éduquée ?
La naïveté de la jeunesse, bien sûr, et se lier d'amitié avec le petit Corentin à qui elle va accidentellement… donner son Nord !
Voici qu'en une seule bêtise, notre héroïne se voit porter le fardeau de deux secrets au lieu d'un. Bien des années plus tard, alors que l'adolescence menace du haut de ses quinze ans, Ortie va tomber sur une personne aussi atypique qu'elle, un certain Wandrille, fan d'Harry Potter et qui rêve d'être sorcier lui aussi.
Mais au fait, où sont passés les sorciers garçons dans tout ça ?
Mille Pertuis est un régal d'imagination et de pétulance, le genre d'objet qui réjouit en recyclant le mythe archi-connu et rebattue de la sorcière mais en brisant les barrières de la convenance (avec du fouillage de tripes et de la décapitation en règle) et en mariant le tout à notre époque et à nos moeurs. Julia Thévenot déroule une histoire aussi accrocheuse qu'originale dans laquelle les sorcières sont avant tout des soeurs qui se protègent les unes les autres contre la férocité et le bêtise des hommes.
Si vous en doutez, d'autres ont cramé pour le vérifier.

Ouverture aux autres
Imposant une écriture fluide et entraînante, modèle de fausse simplicité qui permet à l'adolescent comme à l'adulte de profiter de l'histoire sans trébucher ou s'agacer, Julia Thévenot se penche sur ces jeunes gens biberonnés à Harry Potter qui aimeraient bien un jour voir de vrais sorciers. Pas de baguette ou d'elfe pour autant, mais une bonne rasade de sorts et de familiers pour un système de magie aussi simple qu'efficace qui ne cesse d'inventer de nouvelles choses, entre mondes parallèles et sorts délicieusement pervers. Bien sûr, Mille Pertuis ne serait pas aussi amusant s'il ne naviguait pas entre les différentes couches de féminisme et d'intolérance qui lui donnent finalement tout son intérêt. Rompant avec la vision en noir et blanc, Julia Thévenot montre ainsi ce que la haine de l'autre, même si elle paraît parfois fondée, va finir par engendrer.
Que sont devenus les hommes sorciers ? C'est bien là l'enjeu principal de ce premier volume, plus encore que le passage à l'âge adulte d'une jeune fille qui réclame le droit à l'amour et à la sensualité.
Tomber amoureux, c'est perdre le Nord. Et pour une sorcière, vous comprendrez bien que cela peut être la plus terrible des malédictions !
Pour parfaire le tout, Julia Thévenot n'a pas son pareil pour créer des personnages attachants et profonds, les trois soeurs, chacune à leur façon, ont leur caractère bien trempée et leurs failles, toujours solidaires dans l'épreuve peu importe l'enjeu. Reste alors Wandrille, pauvre diable échappé de sa boîte, comme celui qui a entrevu les possibles et qui ne rêve depuis que d'y retourner pour être ce qu'il a toujours senti être au fond de lui.
Ce n'est pas du cinéma, c'est bien la vie, la vraie.
Si le roman laisse bien entendu des pistes en suspens à la fin de ce premier tome, c'est, on l'espère, pour mieux explorer les mondes et les dimensions qu'il laisse devant lui, car Mille Pertuis cache forcément bien d'autres choses surprenantes sous ses airs magiques.

Que l'on aime se perdre dans le monde d'Ortie et des sorcières, détricoter les boyaux de ces personnages aux sentiments complexes, admirer le travail d'imagination de Julia Thévenot lorsqu'elle nous cause sorcellerie et amour(s).
Mille Pertuis est une réussite pour tous les âges, le genre à vous faire perdre le Nord et à causer des orages de grêles inattendus.
Lien : https://justaword.fr/mille-p..
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