Poèmes (1970 - 1976)

 
 
Recueil composé de Trois moments :
. FRAGMENTS
. C'EST LA FIN DE L'ÉTÉ
. LA CAPTURE IMAGINAIRE

" FRAGMENTS
Un geste de la main
Une pliure du genou droit
Un demi-cercle figurant la demi-lune du cou. Il tourne lentement
à gauche de son axe
Je viens à ta rencontre
Ton bras se déplie, ressemble à une tulipe rapide
Alors dans un rêve inespéré et inspiré de folle correspondan-
ce d'idée fixe ou de pensée longuement mûrie
Comme on dit
Je t'aime dit-il, oui et nous aurons des papillons au mois de mai
Les papillons grattent leurs ailes de faux coléoptères dans leur
gaine de haricots bigarrés
Doute
Zone de silence
Règle lourde comme marbre de Carrare
J'aimerai une glace à la vanille dit une toute petite fille qui
ignore tout de nous, des papillons et de ce temps
qui nous sépare
En attendant
p.7


Françoise THIECK avec des riens, fabrique des histoires
loufoques de crevettes n'étant pas des langoustes des prés,
ou de cornes de rhinocéros transformées en poudre sternutatoire.
De l'humour, de l'humour…

" Un rhinocéros dans un jardin plein de soleil et de gardénias
rouges et jaunes. On lui ménage un petit panier pour dormir la
nuit. Je lui propose une peau de chamois pour astiquer sa cor-
ne. Il me répond poliment " qu'il y a assez de choses qui brillent
comme ça, sans compter les reflets, les miroirs, les cuivres dans
la cuisine de cette maison bretonne, chez les charmants anglais
chez lesquels je me repose " : les plateaux d'argent, les cen-
driers du salon et même les avions étincelants dans le ciel lui
occasionnent des vertiges, des éblouissements-pas-du-tout-
mystiques s'il vous plaît précise-t-il. Et puis si vous voulez sa-
voir, ajout-t-il avec vivacité, ce n'est pas tellement que j'en ai
marre de toutes ces choses luisantes, mais moi, en ce qui
concerne ma corne, je n'y tiens pas. Non Merci. Il y a un tas
d'histoires qui courent au sujet des cornes de rhinocéros. On
en fabrique des poudres lubriques et des poudres érotiques, se-
lon les usagers, des poudres éternuiques. Pour vivre heureux
cachons la corne.
p.8

" Dimanche
Une petite crevette de temps en
temps
Ronde rose
Les crevettes ne sont pas les langoustes des prés, les langoustes
des prés ne sont pas des homards des montagnes, les homards
des montagnes ne sont pas les dragons qu'on imagine
Ne nous y trompons pas
Donc
Deux crevettes printanières
Un jour d'hiver
Trois crevettes libertine habillées
de velours chaussées
de bottines à boutons
Inventaire inventons
Une fleur derrière l'oreille, oeillet à l'espagnole
évite paraît-il une pneumonie
p.13


Et que penser de ce Samedi 16 septembre 1967
où bouillonne l'automne partout.

" Samedi 16 septembre 1967
L'automne partout, dans
les jardins, dans les bois, dans la ville, que
tu connais me renversent
Et tous les châteaux forts du voisinage,
les châteaux de cartes, s'écroulent.
Permanences d'étoiles frissonnantes,
mer en chair en
sang, bruyant bouillonnement
dans les rues de la ville
promenade parmi des fleurs offertes étrangement
Mais files ton temps soyeux dans ta
coquille de verre
Ailleurs
…
p.9


Le 16 mars comme un autre, poétique de l'indevenue
pierre blanche.

" 16 mars comme un autre
« comme les oiseaux volent bas » dit un petit garçon
Je ne deviendrai rien qu'une indevenue
Une pierre blanche
…
En vérité les étoiles du jour et de la nuit dénouent leurs rubans,
perdent leurs corsets de laine
Confondent noir, blanc, nuit rêvée, réelle
Et je me joins tremblement à l'obscurité anonyme
échos,
déplacement des choses,
errements qui ressembles à des vacances
p.10


Poésie voletante, palpitante.

" …
Immédiatement après toi les baobabs et les palétuviers explosent
Marcher
Pont de Sully 15 tonnes je t'aime
p.11


En ce 3 juin 1968, il est question de Guillevic
l'escargot et son ami disparu-retrouvé.

" 3 juin 1968
Guillevic Guillevic et les escargots
les escargots deviennent Guillevic
me font penser au garlic anglais
sous le soleil
Sur la pelouse verte de Massa en pente douce les roses
  églantines
et le vent vaguement du bord de la mer
Guillevic et son ami disparu retrouvé dans un hôpital rejoint
Le cri de la manifestation de la gare Montparnasse à la gare
  d'Austerlitz
Victoire quand même
Où sont les disparus
Où sont les disparus
Où sont les disparus
Cet après-midi les disparus retrouvés
Ce soir, les disparus disparaissent
…
Dans la nuit des disparus
et en voie de disparition
À massa en voie de disparition
les fleurs d'acacias sur le sol
volent par poignées de main
deviennent des étoiles-fleurs et les étoiles-pleurs d'un instant.
p.15-16



Que pense le printemps ?
Que pensent les poissons ?

" C'EST LA FIN DE L'ÉTÉ

C'est le printemps
Costume et masque comme à la naissance d'un véritable amour
Des lilas gémissent dans la pénombre.
Faut-il le dire ? c'est un paravent.
Tout redevient route rapide, sablier vertigineux
Tout redevient joie saisonnière et terrestre
Sans une âme à l'horizon.
Printemps 71
p.21

" Entre les lignes
La pêche à la ligne
cruelle
On cache les lignes
points de repère
cruelles et torturantes pêches
Au bord des eaux calmes
miroirs

Tout ce bleu étouffant où des
failles
s'installent
p.23


Quelques jeux d'angle et de parole,
d'énigmatique parole-sphinx.

" histoires lacérées n° 34 (1 et 2)
Jeu d'angle des quatre yeux.
B E be le B A ba d'un discours souterrain qui surgit de temps
à autre et constitue les accidents de terrain de l'autre discours
parlant celui-là.
Jeu d'une parole tellement forte qu'elle la projette contre des
falaises paraît-il imprenables.
…
p.31



Drôle de Je, curieux Jeu.
En marge.

" LA CAPTURE IMAGINAIRE
" 21 mars 72
On accoste sur des rivages bruns. Des coquillages et des four-
mis laissent l'empreinte de leur trajectoire sur les bras de voya-
geurs alourdis par le rêve.
Sommeil, sommeil où j'ai rêvé ses images sans les retenir.
p.47

" 20 avril 72
Je et Lui,
Jeu sans lui
c
a
recommencer
…
p.47

" lundi 7 août 72
C'est une marge, un espace blanc qu'il faut dépasser, un espa-
ce bleu qui fait miroir où je me noie.
p.58