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Critique de Shakespeare


Connu pour son essai Walden ou la vie dans les bois (1854), qui expose ses réflexions sur une vie sauvage aux antipodes de la civilisation ou encore pour son oeuvre La Désobéissance Civile (1949), qui préfigure la philosophie non-violente de Gandhi ou Martin Luther King, Henry D. Thoreau exprime dans ce petit ouvrage ses vues sur une vie sans principes.

Dès les premières lignes de cet abrégé, le ton est donné : « comme il serait merveilleux de voir, pour une fois, le genre humain s'adonner au loisir ! Il n'y a rien d'autre que le travail, le travail et encore le travail » ou encore « j'estime qu'il n'existe rien de plus opposé à la poésie, à la philosophie, que dis-je à la vie elle-même que cette incessante activité, pas même le crime. »
De fait, les développements gnomiques parsèment les pages : « presque sans exception, les moyens qui permettent de gagner de l'argent abaissent l'homme » ; « Si celui qui travaille n'en tire rien de plus que le salaire que lui verse son employeur, il est volé, il se vole lui-même. » En bref, l'exorde est bien mené.

Cependant, les arguments qui suivent peinent à convaincre car ils ne sont jamais développés. Par exemple, lorsque Thoreau se prend en exemple et souligne qu'il se contente de peu dans sa vie d'arpenteur – en ne travaillant par exemple que des demi-journées – il ne développe pas plus avant la critique qu'il fait de ceux qui travaillent toute la journée : « S'il me fallait vendre à la fois mes matinées et mes après-midis à la société, comme beaucoup semblent le faire, je suis certain qu'il ne me resterait plus aucune raison de vivre. » Quelles sont les raisons valables de vivre ? Peut-on fonctionner sur un système économique où le temps de travail est moindre ? Quels principes doivent prévaloir ? Pourquoi le loisir est-il important ? Si nous sommes tentés de partager les pensées de l'auteur, l'argumentation manquante représente une frustration certaine.

En outre, en termes plus formels, le mélange des genres philosophiques et lyrico-poétiques ne fait pas toujours mouche. Si certaines comparaisons ou métaphores sont efficaces, comme celles où il compare notre esprit à un enfant innocent qu'il faut tenir à distance des mauvaises influences, d'autres apparaissent aussi très étranges, notamment dans les dernières pages où il compare le fonctionnement de la société à la dyspepsie, trouble de la digestion. Ce style s'avère parfois encombrant et obscurcit plus les idées de l'auteur qu'il ne les éclaire.

Finalement, un moralisme douteux ressort parfois des lignes. Thoreau revendique ne pas lire les colonnes politiques des journaux pour ne pas voir son « sens moral s'émousser ». Est-ce à dire que les lecteurs de ces colonnes voient leur sens moral s'émousser ? Ou encore, après avoir critiqué ceux qui se ruent vers l'or en Californie, Thoreau assure que « la conclusion de tout cela sera que l'humanité finira par se pendre à un arbre. » Une personne se revendiquant sans principes ne devrait-elle pourtant pas chercher à comprendre les autres plutôt que de les juger ?

En résumé, La vie sans principes s'apparente plus à une ébauche de réflexions pleine de potentiel qu'à une défense réelle et argumentée d'une vie sans principes. le titre est trompeur car il laisse entendre le contraire.
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