Je comprends que c’est ça, le vingt-et-unième siècle.
Une sédimentation de fictions
et la prison que nous construisons,
pierre après pierre, dans l’espoir
de nous libérer du vertige.
Pour retrouver un sol, une Terre,
où habiter.
...où l'on dénonce le fou,
le dément, sans voir la complicité profonde
de la langue et de l'esprit.
Voyez. L'identité réarmée.
Partout, l'obsession du soi et du non-soi.
Pédagogie ancienne reconduisant
le meurtre.
Les gamins ne croient plus ce qu'ils voient.
Ils savent que tout, désormais,
est susceptible de se métamorphoser.
Le traducteur sait que l'entre-des-langues est
le seul endroit sauvage qu'il nous reste.
Là, pas de maître-mot, mais un trou,
un vertige, une hésitation.
Mais nous avons quitté le temps
des certitudes.
Et nous voilà à l'orée du vingt-et-unième siècle,
condamnés à mendier le sens.
Nous oscillons sans cesse entre le vertige – vertige d'une origine à jamais disparue ou effacée ou coupée ou brouillée – et le désir de consolation. D'un côté le trait d'union de Césaire. Trait d'union qui porte la trace de la coupure – la mémoire d'un h pour honte, pour hantise, qui a tranché entre l'homme moderne et la nature, qui a divisé les espèces, hiérarchisé les races. Et l'autre polarité : ce qui prospère, hélas, sur les décombres du vingtième siècle : les chants trompeurs de la consolation contre lesquels Stig Dagerman nous mettait en garde ...
D'un jeu. Issu du vingtième siècle.
Enfants enfermés dans une île sans dehors
en Norvège ou dans une école,
à Columbine, dans un tableau où nous mourrons
pour de vrai sous les balles d'un gamin
qui se prend pour le diable.