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Critique de BazaR


Je me suis régalé avec ce livre qui regroupe trois nouvelles de Tolstoï tournant autour de l'idée de la mort.

Tout d'abord chapeau à l'éditrice qui a conçu le dossier. Les notes viennent à propos expliquer des détails utiles de l'Histoire de la Russie, ou un mot russe peu connu, ou encore dénouer la pelote des noms, surnoms et autres diminutifs par lesquels les Russes s'interpellent.

Trois morts est une courte nouvelle écrite plutôt en début de carrière (1858). C'est la moins palpitante des trois tout en étant quand même bien agréable à lire. Elle permet de montrer le contraste entre la mort d'un homme du peuple – un cocher – et d'une noble dame. Si le premier s'enfonce lentement dans la maladie, couché sur le poêle d'une isba (une habitude à l'époque), sans se plaindre et meurt en douceur sans un mot, la dame est terrifiée par la maladie, la dénie, pleure, enrage. Quant à la troisième mort, je vous laisse sur votre faim. Elle est surprenante.
Une bonne introduction aux deux autres nouvelles.

Tolstoï publie La mort d'Ivan Ilitch en 1886, soit presque trente ans après Trois morts. La Russie et l'auteur ont bien changé.
On est dans la bonne société. le début présente le comportement des « amis » et de la famille d'Ilitch dans les heures qui suivent son décès ; des gens moins effondrés de chagrin qu'ennuyés par cette séance qui vient parasiter leur routine ou par les problèmes financiers que la mort va impliquer (ça c'est sa femme). La mort elle-même ne les atteint pas ; elle ne peut pas les concerner, eux. La suite narre la vie d'Ivan Ilitch, une vie en forme de parabole avec une montée vers les sommets de la réussite sociale et une chute d'abord lente puis de plus en plus rapide à cause d'une blessure mal soignée (les médecins en prennent pour leur grade dans le texte). On suit pas à pas la progression de l'idée de sa propre mort qui fait son trou dans l'esprit de plus en plus paniqué d'Ilitch. C'est pathétique, terrible et finalement effrayant. L'homme si fier de sa carrière finit par se convaincre que c'est parce qu'il a choisi la « mauvaise route » qu'il a été en quelque sorte puni. Jusqu'à la fin il s'accrochera à n'importe quel élément – un serviteur, la religion – pour tarir son effroi.

Maître et serviteur est ma préférée. Publiée en 1895, elle s'intéresse moins à la mort, même si celle-ci est la fin obligée du voyage pour un individu trop peu prévoyant. Elle m'a fait penser à une sorte de Jack London russe. Vassili, le maître, un marchand qui a réussi, et Nikita, un paysan aux besoins simples, partent pour ce qu'ils pensent être un court voyage. Vassili a une affaire à régler qui ne souffre aucun retard. C'est l'hiver, la tempête de neige menace. Il part en traineau tiré par un bon cheval. Inquiète, son épouse l'a obligé à emmener Nikita. Vassili est une sorte d'Harpagon addict à l'argent. L'affaire commerciale, but du voyage, capte toutes ses pensées. Il ne parvient pas à saisir les signes multiples du danger que ce voyage représente, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Quand la nature, son froid, son vent, son immensité nocturne, s'impose à lui, il panique. Nikita, lui, vit le moment, cherche des solutions et ne râle même pas sur son maître si peu prévoyant et qui prend des décisions stupides. Les deux personnages iront au bout de ce que vers quoi leur caractère les pousse. Enfin, … pas tout à fait. Les caractères peuvent exploser quand la nature se déchaine au point de menacer votre vie.

C'est mon deuxième livre de Tolstoï, après Les cosaques lu il y a longtemps. Je compte bien poursuivre l'aventure, même si je ne suis pas prêt à me lancer dans ses briques littéraires les plus célèbres.
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