Miracle à la combe aux Aspics

Chapitre un : Consacré aux dizaines de manières de préparer la polenta, aux choses à ne pas faire lorsqu'on lave des vêtements de couleur, et à la soupe servie dans un cendrier. Deux hommes manquent de se faire assassiner, un autre se marie, et l'on ne sait pas qui est le plus à plaindre.

- Aujourd'hui, il y a des agences, j'ai lu ça dans le journal l'autre jour : tu leur fournis des renseignements - qui tu es et d'où tu viens, ce que tu aimes et comment tu l'aimes - et l'ordinateur choisit la fille qui te convient le mieux. Pas besoin de chercher, en cinq minutes tout est plié, qu'ils disent.
- Oh, je ne les toucherais même pas avec un bâton, ces filles de l'ordinateur, dit la tante avec défiance. Qui te dit qu'elles sont en bonne santé, qu'elles ne sont pas contaminées ?
- Contaminées ? Par quoi ? s'étonna oncle Ive.
- Par un virus électronique, pardi.
- Oh, Rosa, bon Dieu, tais-toi. Tais-toi avant que quelqu'un t'entende. Comment ces petites pourraient-elles être contaminées par un virus électronique ?
- Je ne sais pas, moi..., répondit Rosa avec prudence.
- Tu vois que tu ne sais pas. Tu te mêles de choses dont tu n'as pas idée.
- Trouve-t'en une dans une agence, plus cultivée que moi répliqua la tante en se tournant vers le fils aîné de sa défunte sœur. Ne l'écoute pas. Personne, dans la famille, ne s'est marié par ordinateur, toi non plus. Sors un peu. Il fait beau, c'est le printemps, la ville est pleine de belles filles, c'est un plaisir de les regarder. Tu ne vas pas aller dans une agence, en passant à côté de ces merveilles du bon Dieu. (p.34)

Puissent tes yeux suinter et les vers te bouffer ! criait Jozo de son coin.
- Puisses-tu crever d'un carcinome macrocellulaire des poumons, hurlait Nikola de l'autre côté, avec des métastases au cerveau et au médiastin !

- Bon Dieu, avec quelle merde tu l'as épicée?
- Avec de la moutarde.
- Papa, t'es un malade.
- Pardon, pour ceux qui n'aiment pas, la cuisine est par là, disait Jozo, pointant un doigt en résolu direction du fourneau.
Ce phare mettà un terme à toute rébellion dans la salle à manger, personne d'autre ne voulant s'occuper de la cuisine. De la même manière, personne ne se permettait de critiquer Domagoj, le plus jeune d'entre eux, qui, après la mort de l'épouse et de la mère regrettée, se chargeait de la lessive. Sans plainte aucune, tous portaient des sous-vêtements rosâtres, assez peu masculins, Domagoj ignorant qu'il fallait laver séparément le linge blanc et celui de couleur.

C'étaient des hommes fiers et insoumis, des brigands et des contrebandiers : dissimulés sous des peaux de mouton, ils bondissaient hors du troupeau, et, de leurs lames courtes et recourbées, tranchaient la gorge tour à tour aux percepteurs ottomans, aux géomètres autrichiens, aux gendarmes, policiers et facteurs yougoslaves.

Regarde-toi ! Des chaussettes brunes avec des chaussures noires ! Je ne veux plus voir de chaussettes brunes avec des chaussures noires. Je suis particulièrement allergique à ce genre de détails. Comme quand un homme se baisse et qu'on lui voit la raie des fesses. Horrible ! Ça, et les poils dans le nez. J'ai envie de vomir quand je vois un type qui se laisse pousser les poils du nez comme un morse.La même chose avec les ongles. Tu dois te couper les ongles, et les jeter à la poubelle. Je ne veux pas les ramasser derrière toi. Et gare à toi si je trouve des poils dans le lavabo après le rasage ! Ou tes caleçons sales au milieu de la chambre. Je tue sans semonce. Idem pour la lunette des toilettes : si tu pisses dessus, tu peux dire adieu à la vie.

Où l'on appelle tous les citoyens à dénoncer au poste de police le plus proche la présence d'un taliban adopté par un combattant tchétchène marié à un séparatiste basque.

C’est la deuxième fois en trente ans qu’ils viennent me facturer l’électricité. Je ne peux plus tolérer ça.

- Comment tu as connu papa ? Avait-il demandé une fois à sa mère, dans l’espoir que son exemple lui enseignerait les règles mystérieuses pour pouvoir aborder une fille.
Sa maman avait souri. C’était manifestement un souvenir agréable.
- Mon père l’a surpris en train de voler un veau. C’était le mariage ou une balle dans la tête.

Dans une parfumerie :

Boss? c'est un parfum pour les chefs ? vous n'auriez pas un parfum pour les simples employés, pour les maçons et les menuisiers, par exemple ?
Elles ne surent pas quoi lui répondre.