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Critique de pgranarolo


Lecteur passionné de la plupart des ouvrages de vulgarisation consacrés à l'astrophysique depuis de longues années, je n'étais pas certain, en lisant "Genèse", de vivre une révélation. Si les sept journées résumant l'histoire de l'univers n'ont fait que confirmer ce que je savais déjà, les 50 premières pages du livre m'ont amené à réviser des contenus que je croyais bien établis, oubliant sans doute que la science est en perpétuelle évolution.
Ce qui m'a en effet à la fois le plus intéressé et le plus troublé dans "Genèse", sans que j'aie la moindre certitude d'avoir vraiment compris de ce dont il s'agit, c'est tout ce que ces 50 premières pages énoncent à propos du « vide qui n'est pas vide ».

1- Avant de lire "Genèse", j'avais été convaincu par la thèse défendue par Martin Bojowald dans "L'univers en rebond" (Albin Michel, 2011), une série infinie de Big Bang et de Big Crunch se succédant éternellement, peut-être parce que le philosophe nietzschéen que je suis y trouvais une analogie avec le Retour Éternel du philosophe allemand auquel j'avais consacré mon premier livre sur Nietzsche "L'individu éternel / L'expérience nietzschéenne de l'éternité" (Vrin, 1993, réédition 2019). La lecture de Genèse m'a mis dans une grande perplexité. En effet, l'argument majeur qui, selon Guido Tonelli, a amené les scientifiques à abandonner la thèse de la « fluctuation quantique » à l'origine de l'univers, serait le fait que cette fluctuation exigerait d'avoir été précédé par un « Big Crunch », hypothèse incompatible avec les dernières découvertes de l'astrophysique quant à la masse de l'univers (p. 38 à 49 / résumé p. 48). Or la nouvelle hypothèse « de remplacement », celle du vide, me semble présenter des difficultés au moins aussi grandes quant à la question de l'origine. Quelle est en effet l'origine de ce vide ? A-t-il existé de toute éternité ? Mais nous sommes incapables de nous représenter l'éternité. Ou bien est-il apparu ? Mais qui donc a créé ce « vide » au milieu de nulle part ?

2- Un second élément de trouble est le fait que Guido Tonelli parle assez peu du temps dans son ouvrage. Quelle en est la raison ? Est-ce parce qu'à la manière d'Einstein, il pense que le temps n'existe pas vraiment ? Cependant, y a-t-il du temps dans le « vide qui n'est pas vide » ? de la même façon que le vide n'est pas l'absence de nombres, mais la totalité des nombres positifs et la totalité des nombres négatifs (p. 47), dont la somme est égale à zéro, pourrait-on dire que le vide contient tous les temps, les temps positifs et les temps négatifs, dont la somme serait zéro, donc une absence de temps qui ne serait pas véritablement absence de temps mais présence de tous les temps ? Quand je lui ai posé cette question au cours de la magnifique rencontre organisée par Babelio le mardi 10 mai, le physicien a répondu que le temps serait le sujet de son prochain livre, Genèse devant prendre la forme d'une trilogie qu'on attend évidemment avec impatience.

3- Ce vide qui, d'une certaine manière, contient tout, présente-t-il une analogie avec ce que certains physiciens quantiques, tel Erwin Schrödinger, nomment le « champ de potentiel » d'où émerge tout ce qui nous paraît exister (matière, monde sensible, etc.) ? Ou encore une analogie avec ce que certains spiritualistes nomment la « matrice », cette dimension qui contiendrait tout ce qui a existé, tout ce qui existe, et tout ce qui pourrait exister mais qui n'existera jamais ?

4- Guido Tonelli écrit (p. 61), en exposant les premiers moments de l'univers : « Toutes les parties étaient en contact les unes avec les autres ». Peut-on alors supposer que toutes les particules de l'univers soient intriquées depuis ce moment initial, ce qui confirmerait la thèse de David Bohm d'un univers « implié » (« implicate order ») explicitée en particulier dans son livre majeur "La plénitude de l'univers" (Le Rocher, 1983).

Telles sont mes premières réactions après avoir littéralement dévoré un ouvrage exigeant, parfois difficile, mais remarquablement écrit, à la fois rigoureux et poétique. Si les deux prochains volumes de ce qui doit prendre la forme d'une trilogie sont du même niveau, cette trilogie devrait occuper une place majeure au sein des rares ouvrages de vulgarisation scientifique réussis dont nous avons tant besoin.
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