Epouses et concubines

Qiqie Chengqun
Traduction : Anne Au Yeung & Françoise Lemoine

Ce roman réjouira avant tout les amateurs de textes courts. Il dépasse en effet de très peu les cent-vingt pages. Mais attention : sous un style faussement dépouillé, se dissimulent bien des chausse-trappes, des non-dits et des silences qui laissent libre cours à l'imagination du lecteur.
Nous est racontée l'histoire de Songlian qui, à dix-neuf ans, se voit contrainte d'abandonner ses études universitaires pour épouser un riche quinquagénaire, Chen Zuoqian. Nous sommes dans la Chine des années vingt et les concubines sont encore à l'honneur. D'ailleurs, c'est en qualité de quatrième épouse que Songlian fait son entrée chez les Chen.
Elle est appelée à co-habiter avec trois autres épouses : Yuru, l'aînée, qui a la responsabilité pleine et entière de la maisonnée ; Zhuoyun, tout sucre, tout miel et l'altière Meishan, ancienne chanteuse d'opéra. Peu à peu, les rivalités, les sympathies et les antipathies vont se révéler, enfler ... avant un dénouement aussi tragique que celui du film.
Un texte purement asiatique, c'est-à-dire qu'il nécessite peut-être un effort de la part du lecteur occidental désireux d'en saisir toute la réelle profondeur. ;o)

L'intrigue pour un lecteur européen est à couper le souffle. Les stratégies qui se mettent en place pour ces épouses sont intéressantes et même étonnantes car elles sont prêtes à tout. Seulement, le roman malgré sa petite taille semble long. Est-ce volontaire? le temps qui passe se sent vraiment. Je l'ai lu après avoir vu le film et force est de constater que le film est bien meilleur et laisse passer plus de sensibilité.

Très court, ce roman se lit avec une certaine fascination. N'ayant jamais vu le film, j'ai pu découvrir Epouses et concubines avec des yeux "neufs" et l'histoire de la jeune Songlian ne m'a pas laissé indifférente.

Justement, parlons-en de Songlian, héroïne ou plutôt anti-héroïne de ce court roman. A 19 ans, à la suite du suicide de son père qui n'arrivait pas à affronter la faillite de son entreprise, la jeune femme décide de se marier. Son mari idéal : il doit être riche. Elle accepte donc de devenir la Quatrième Epouse de Chen Zuoqian.

On va donc découvrir son quotidien, où elle peine à trouver sa place face aux autres épouses, qui voient d'un mauvais oeil l'arrivée de la nouvelle venue, plus jeune et séduisante. !car pour les quatre femmes, il est essentiel de s'attirer les faveurs du "Maître" : celle qui a le privilège de passer la nuit avec lui contrôle toute la maisonnée le lendemain.

Songlian n'est pas de taille face aux mesquineries de ses rivales et tombe progressivement dans une langueur parfaitement retranscrite selon moi par l'auteur. Réussir à imposer une atmosphère aussi prenante et pesante en si peu de pages, cela relèverait presque du génie ! Et cette fascination morbide de la jeune femme pour le puits maudit du jardin, fil directeur de l'intrigue, on la ressent aussi bien que Songlian. Même en ne s'identifiant pas du tout à elle, l'auteur parvient à nous faire ressentir exactement les mêmes sensations qu'elle et je dirai que c'est cela qui m'a fait apprécié ce roman.

Une belle découverte en somme, même si Epouses et concubines est paru il y a une vingtaine d'années déjà !

l'écriture est délicate, ciselée. C'est un tout petit roman qui nous fait suivre le parcours de cette jeune fille, ses doutes, sa révolte... Les non-dits sont assourdissants et la mélancolie tout à fait perceptible. C'est magnifique mais il faut éviter de le lire si vous avez le moral en chute libre.