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Critique de Petit-Jean


J'avais adoré Chimaeris, le premier roman de cet auteur, dans la veine d'un Stephen King qui partait du thriller pour aller vers le fantastique et l'anticipation.

Émergence est une saga contemporaine, un « page turner » — aussi efficace Chimaeris quoi que très différent.

On peut parler de véritable OVNI de l'édition au sujet de ce roman brillant, ironique et inquiétant.

Le narrateur relate trois années qui vont changer le monde. Michel Depraz est un mathématicien de haut niveau qui, désabusé par la médiocrité ambiante, quitte une recherche universitaire prolétarisée pour rejoindre Villeneuve et Letelier, les deux fondateurs de Turing Technologies : une startup spécialisée dans les solutions d'intelligence artificielle.

Grâce à un premier contrat dans la grande distribution (le groupe Deklerck !), Turing Technologies va engranger les contrats et progressivement devenir le leader mondial de l'intelligence artificielle attirant l'attention de l'Élysée, mais également des concurrents chinois et américains.

Le président de la République — qui ressemble furieusement à Emmanuel Macron — développe alors le concept de AI Nation et mise sur cette société en plein développement.
Avec la mise en place du premier ordinateur quantique, Turing Technologies va franchir un nouveau seuil en créant InGA, la première intelligence artificielle quantique, rejoignant les GAFA avec une capitalisation boursière gigantesque. Une saga technologique et entrepreneuriale qui se double d'histoires d'amour impossible.

Le roman brosse avec une finesse souvent hilarante un portrait cruel de la société française actuelle.

Cela va des émissions télévisées comme « L'amour est dans le pré » ou le journal de Jean-Pierre Pernaut, aux hauts fonctionnaires qui ne sont pas non plus épargnés. On y croise pas mal de célébrités actuelles — milliardaires, grands patrons ou hommes politiques — aisément reconnaissables et vaguement masqués avec un simple pseudonyme. J'ai, pour ma part, reconnu, entre autres, Xavier Niel, Cédric Villani, Emmanuel Macron, Michel Édouard Leclerc, Bruno Lemaire, Thierry Breton, Anne Hidalgo… L'humour est omniprésent, mais il masque souvent une forme de désespoir.

Le monde des startups en prend également pour son grade. le roman n'épargne personne ni le panier de crabes de la recherche universitaire ni le monde de la grande distribution ni le narrateur lui-même...

Mais, derrière l'ironie, le lecteur découvre une société française inquiète et confrontée à des bouleversements majeurs. Plusieurs passages m'ont fait penser à l'écriture désabusée de Michel Houellebecq, notamment dans les moments tragiques qui laissent une impression de détachement et de fatalisme de la part des personnages touchés par l'adversité, mais également dans leurs histoires d'amour.

Mais si « Soumission » explorait la place de l'islam dans la société française, ici c'est l'intelligence artificielle qui devient un enjeu de puissance internationale bouleversant la vie des protagonistes et menaçant l'équilibre du monde jusqu'au final inattendu et bouleversant.

Voilà un roman à la fois plein d'humour, cette politesse du désespoir, mais surtout un roman dont on ne sort pas indemne tant il donne matière à réflexion sur la société actuelle, la place de l'homme face aux technologies d'intelligence artificielle.
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