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Citations sur L'échiquier (57)

Le premier livre que j'ai écrit, au début des années 1980, s'appelait Echecs, il racontait l'histoire d'un championnat du monde d'échecs qui durait dix mille parties, qui durait toute la vie, qui était la vie même.

(o.26)
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L'instituteur nous donne un devoir pour le lendemain, des lignes de lettres à tracer. (...) soudain je fais une tache d'encre sur la feuille. Blop. Un pâté. Ma poitrine se contracte, je suis sans force, le monde vient de s'écrouler autour de moi. C'est la première catastrophe absolue à laquelle je suis confronté dans ma vie professionnelle. Je ne sais comment réagir. Je suis un petit garçon de six ans ( même pas six ans, cinq et demie à la rentrée scolaire de 1963) et je suis effondré.

(p.13)
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J'étais là, immobile, devant l'échiquier de ma mémoire - et j'y resterai tout au long de ces pages, c'est le présent de ce livre, dans son présent infini.

(p.9)
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(…) à l’époque, j’ignorais que tout joueur d’échecs de bon niveau est capable de jouer une partie à l’aveugle, et même, avec un peu de pratique et d’entraînement spécifique, d’affronter plusieurs adversaires sans voir l’échiquier. En 1933, Alekhine, ouvrant le bal, s’était ainsi mesuré à l’aveugle à trente-deux adversaires, et, le record, aujourd’hui, est détenu par un grand maître qui s’est servi de la méthode mnémotechnique dite du palais de la mémoire pour affronter simultanément quarante-huit adversaires. Ce Timour Gareïev, originaire d’Ouzbékistan, a choisi de faire son show en 2016 en direct de Las Vegas, et, pour l’aider dans sa performance, il avait exigé un accessoire particulier, auquel je n’aurais pas pensé spontanément, une bicyclette de fitness. Pendant toute la durée de la simultanée, il avait pédalé lentement sur son vélo d’appartement, les yeux bandés, seul au milieu du cercle de ses adversaires assis devant leurs échiquiers.
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L’écriture romanesque est une méthode de connaissance de soi. Il suffit de supposer que les épisodes d’un livre, ce qu’un livre évoque, ce qu’il convoque, ce qu’il raconte, les images qui le hantent, les mots qui le composent, ne surviennent jamais par hasard et traduisent toujours une fatalité qui le dépasse : un conflit psychique, un désir inconscient, un nœud secret qu’il s’agit d’élucider. Dès lors, l’écriture d’un livre serait cette quête qui consiste à essayer de faire apparaître, à dévoiler, à mettre en mots ou à formuler, ce nœud secret, profondément enfoui, inexprimé, qui peut être autant source de terreur que trésor inestimable.
C’est un parcours vers les origines. L’origine, voilà, le moment initial de l’apparition d’une chose, son étincelle primitive. Le livre que je suis en train d’écrire est un livre d’origine. C’est l’histoire d’une vocation, non pas comment je suis devenu joueur d’échecs – non, je ne suis pas devenu joueur d’échecs –, mais comment je suis devenu écrivain.
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Chaque livre qu’on écrit est une quête pour atteindre ce continent englouti. Quel que soit le nom que l’on donne à cette Atlantide – le territoire de l’urgence ou l’intérieur même de notre esprit –, c’est la destination ultime de toute quête littéraire. Passé les colonnes d’Hercule qui en gardent l’accès, on pénètre prudemment dans l’enclos de l’île engloutie. (…)
Alors, l’esprit en suspension, on continue de flotter à l’horizontale entre deux eaux. Dans les espaces immergés qu’on parcourt lentement, on croise les vestiges d’une île engloutie, des murs en ruine, une végétation fabuleuse mangée d’algues et de lichens, et on observe ces monticules de sédiments mystérieux, ce limon infranchissable de couches de souvenirs enfouis, d’émotions disparues, de douleurs tues, vives, lointaines, de traumatismes oubliés, de pulsions morbides, d’inhibitions, certaines persistantes, d’autres vaincues, d’élans affectifs mort-nés, d’espérances brisées, de vexations infimes, de blessures d’amour-propre, dont les fragiles lueurs luisent sous l’eau dans le scintillement inaccessible de nos ténèbres intimes.
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Qu’importe ce que je recherche à travers l’écriture, qu’importe, finalement, ce que les livres racontent, l’écriture est cet abri mental dans lequel je me réfugie pour résister au monde. Le livre, pendant que je l’écris, devient un sanctuaire, un lieu clos où je suis protégé des offenses du monde extérieur. C’est en moi qu’il se terre, c’est en moi que se trouve le livre que je suis en train d’écrire, voilé, inconnu, et c’est à moi d’aller à sa rencontre. J’émets cette hypothèse : j’écris pour mettre au jour quelque chose d’enfoui, pour délier en moi quelque chose de noué. Je l’ai déjà dit dans d’autres circonstances, quand on écrit, il faut plonger, très profond, prendre de l’air et descendre, abandonner le monde quotidien derrière soi et descendre dans le livre en cours, comme au fond d’un océan. On n’atteint pas le fond tout de suite, il y a des étapes, des paliers de décompression. Dans les premières phases de la descente, on pressent encore le monde visible au-dessus de soi, on peut encore le voir, on peut encore s’en inspirer. C’est qu’on n’est pas descendu assez profond, il faut descendre encore, persévérer. À partir de 130 mètres, on ne voit quasiment plus rien, on commence à deviner des ombres nouvelles, le souvenir des personnes réelles s’estompe, des créatures fictives apparaissent et nous entourent, un grouillement de microorganismes vivants de tailles et de formes diverses. Nous sommes dans un monde trouble, entre la réalité et la fiction. On descend encore, et, au-delà de 200 mètres, plus aucun rayonnement solaire ne nous parvient. C’est que nous avons atteint le territoire de l’urgence, le monde des abysses, plus de 300 millions de kilomètres carrés d’obscurité et de silence où règnent des pressions écrasantes et où prolifèrent d’incessantes présences aveugles, d’infimes potentialités de vie en mouvement. Nous y sommes, c’est la bonne profondeur, nous avons maintenant le recul nécessaire, la distance idéale pour restituer le monde, pour retranscrire, dans les profondeurs mêmes de l’écriture, tout ce que nous avons capté à la surface.
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Je me suis souvent demandé ce qui définit l’espace mental de l’écriture d’un livre. Comment appréhender cet espace clos qui permet pourtant à la pensée un rayonnement illimité ? Comment le délimiter, comment circonscrire cet espace intime qui ne s’appréhende ni en superficie ni en volume, mais plutôt en durée, les heures et les semaines que l’on consacre à l’écriture ? Ne perçoit-on pas, quand on écrit, que notre esprit est séparé, de façon étanche, du monde extérieur, de ses périls, de ses épreuves ? Aujourd’hui, plus que jamais, dans un monde que la crise sanitaire a rendu hostile, je me sens en sécurité quand j’écris.
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Mais, en dessous de ces puissantes eaux de surface, sous les grands courants du journal intime et de l’autobiographie, je sentais gronder et se mouvoir des courants beaucoup plus intimes et essentiels. J’avais l’intuition que le sujet secret de ce livre, enfoui au plus profond de moi, restait encore à découvrir.
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e voulais que ce livre soit bien autre chose, je voulais qu’il soit une ouverture, une disponibilité, une liberté, une audace, mais aussi un rempart contre le monde extérieur, un talisman, une égide. Je voulais que ce livre soit une réflexion plus ample sur la littérature, je voulais que ce livre dise l’origine de ce livre, qu’il en dise la genèse, qu’il en dise la maturation et le cours, et qu’il le dise en temps réel. Je voulais que ce livre soit sensible, concret, malicieux, humain, ombrageux, imprévu, généreux, je voulais que ce livre soit tout à la fois un journal intime et la chronique d’une pandémie, je voulais que ce livre ouvre la voie à la tentation autobiographique, qu’il soit une conjonction de hasards et de destinée, de contingences et de nécessité. Je voulais que ce livre ait une dimension de kairos, de moment opportun, puisque c’est la crise sanitaire qui l’a suscité et que jamais je ne l’aurais écrit si nous n’avions vécu la pandémie de Covid-19. Je voulais aussi évoquer dans ce livre l’affleurement de la vieillesse qui commence à m’envelopper comme une brume inexorable qui monte autour de moi, je voulais que ce livre traite autant des ouvertures que des fins de partie, je voulais que ce livre me raconte, m’invente, me recrée, m’établisse et me prolonge. Je voulais raconter mon enfance dans ce livre, dire ma jeunesse et mon adolescence, je voulais débobiner, depuis ses origines, mes relations avec le jeu d’échecs, je voulais faire du jeu d’échecs le fil d’Ariane de ce livre et remonter ce fil jusqu’aux temps les plus reculés de mon enfance, je voulais qu’il y ait soixante-quatre chapitres dans ce livre, comme les soixante-quatre cases d’un échiquier.
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