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Critique de SophieLesBasBleus


Jamais Lise et Louis n'auraient dû se rencontrer. Jamais cette improbable rencontre n'aurait dû se transformer en coup de foudre mutuel. Et jamais, enfin, ces deux jeunes étudiants n'auraient dû tenter de donner corps et âme à ce coup de foudre en vivant leur histoire d'amour en dépit de tout ce qui a-priori les séparait : elle, enfermée dans les silences de son père vietnamien et dans les contes noirs de sa mère française, persuadée de ne pouvoir être "aimable" que par l'intervention magique d'un prince charmant ou d'une fée bienveillante ; lui, programmé pour la réussite sociale et financière, possédant au plus haut point la confiance en soi des nantis et leur condescendance envers ceux qui ne sont pas de leur classe. La petite voix intérieure de Lise lui affirme dès le départ que la vie n'est pas un conte, que leur couple n'a aucun avenir, mais la jeune femme est trop affamée d'amour pour tenir compte de tous ces avertissements. Dès lors le drame est en marche...
Construit sur l'alternance de la voix de Lise et de celle de "L'Autre" dont l'identité n'est révélée qu'à la toute fin, le récit commence comme un roman gothique, se poursuit comme un conte de fée, brasse des légendes et des mythes, s'attarde sur des considérations sociales et culturelles, rebondit sur l'opacité de la psychologie des personnages, vire du rose au noir en passant par le gris et le rouge et se termine comme un polar nimbé de fantastique, tout en charriant références cinématographiques, littéraires (et cela dès le titre, inspiré par un poème de Gérard de Nerval) et picturales.
Ce pourrait être un jeu extrêmement stimulant.
Ce pourrait être un roman-univers qui déplie chaque espace de la condition amoureuse pour mieux en faire ressentir l'extravagance, la puissance et l'insignifiance.
Mais ce n'est pas du tout ce que j'ai ressenti en lisant "Les inconsolés", car il m'a semblé que toute cette architecture complexe manquait d'homogénéité, de cohésion. Je me suis posé (et me pose encore) la question : qu'apporte cette profusion générique à la compréhension de l'histoire, à la perception des personnages, à la saisie du sens profond du roman ? Et par ailleurs, pour moi, l'intertextualité, surtout sous forme de citations, est ici redondante avec les éléments du récit, déjà suffisamment explicites pour que le champ interprétatif soit très restreint. Ainsi les similitudes et différences entre "Les inconsolés" et "La Femme d'à côté", film de François Truffaut, sont-elles précisément établies, détaillées, expliquées, si bien que le roman paraît en être une réécriture à laquelle manquerait l'incandescence et la tragédie.
Plutôt qu'une histoire passionnelle, il me semble que le roman de Minh Tran Huy est le roman des malentendus, familiaux, amoureux, sociaux, culturels, qui, dès l'enfance, façonnent les personnalités et, par leurs rebonds incontrôlables, orientent les trajectoires de chaque être et peuvent définir lignes de chance, de vie et d'amour. Un roman que j'aurais sans doute davantage apprécié s'il avait été moins insistant, voire répétitif (les relations entre Lise et sa mère, le décalage social entre les deux familles sont, par exemple, maintes fois ressassés) et si le rôle des multiples références aux oeuvres avait été plus consistant.
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