Citations sur La fille dragon, tome 1 : L'héritage de Thuban (23)
Dans le livre monotone de son existence, après une interminable succession de pages identiques, apparaissait soudain une page blanche.
Sofia s'arrêta net. Ils se trouvaient dans une salle pentagonale. Des rayonnages en bois qui montaient jusqu'au plafond en tapissaient entièrement les parois. Chaque étagère comportait en son centre une tête de dragon finement sculptée. Et partout, des livres : des volumes anciens aux pesantes couvertures cloutées, d'autres modernes, des petits, des grands... C'était fantastique. Pour la première fois depuis qu'elle avait mis le pied dans cette maison, elle se sentit mieux.
« Quelqu'un qui aime autant les livres ne peut pas être méchant », se dit-elle.
La vie ne se déroule jamais comme on voudrait, Sofia. À chaque victoire, on perd quelque chose. Même la douleur nous aide à grandir et à comprendre ce que nous aurions dû faire pour une prochaine fois.
_ J'ai toujours eu confiance en toi, prof. Tu es peut-être l'unique personne au monde en qui j'ai confiance. C'est en moi que je manque de confiance. Je ne crois pas en moi. Je ne crois pas en Thuban. C'est pour ça que j'y suis allée.
_ Je sais, reconnut-il après un moment de silence. Pourtant, j'ai vu l'endroit où vous avez combattu. Tu as utilisé Thuban. Tu t'es battue comme un lion et tu as rapporté le fruit, est-ce que tu t'en rends compte?
_ Mais à quoi ça sert? répliqua Sofia. J'ai lutté contre l'Assujetti, j'ai utilisé le pouvoir de Thuban, mais Lidja a disparu. Je l'ai laissée entre les mains de l'ennemi.
Elle s'essuya rageusement les yeux.
_ La vie ne se déroule jamais comme on voudrait, Sofia. A chaque victoire, on perd quelque chose. Même la douleur nous aide à grandir et à comprendre ce que nous aurions dû faire pour une prochaine fois.
Il lui sourit et Sofia, réconfortée, s'appuya contre lui et pleura, le cœur plus léger.
Dans le livre monotone de son existence, après une interminable succession de pages identiques, apparaissait soudain une page blanche.
Il y a presque trente mille ans, le monde était bien différent. L'homme vivait en osmose avec la nature, et les dragons étaient les maîtres de la Terre. Ils en réglaient la vie, étaient les gardiens de l'ordre, guidaient le comportement de l'homme, jusqu’à ce que le mécanisme magique et parfait de la nature s'enraye...
Dans le livre monotone de son existence, après une interminable succession de pages identiques, apparaissait soudain une page blanche.
Les yeux, peu à peu, se matérialisèrent dans l'énorme tête d'un dragon vert. Splendide et familière. Sofia, émue, était certaine de l'avoir déjà vue.
"Tu es si beau..."
La gueule aux dents effilées parut sourire. Mais Sofia n'en éprouva aucune peur.
Sofia vit une sorte de globe laiteux rouler non loin de leur cachette, vaguement rose. Mais il n'existait pas de couleur au monde qui puisse en décrire le ton bigarré. On aurait dit qu'une figure informe tourbillonnait à l'intérieur, avant de devenir plus nette, puis de se fondre en une explosion de lumière. Sofia savait que c'était la tête d'un dragon: Rastaban, la partie rationnelle qui tempérait l'impulsivité de Thuban. C'est pourquoi, dans le ciel, le tête du dragon représentait la seconde étoile la plus brillante de la constellation.
Sofia se sentit pleine de nostalgie. Rastaban était l'ami, le camarade, le dragon qui était tombé le premier sous les crocs de Nidhoggr. Comme ce fruit, ses yeux étaient splendides et emplis de sagesse.
Sofia ferma les yeux. Elle aussi avait eu la possibilité de revenir en arrière. Si elle avait refusé son destin, si elle était retournée à l'orphelinat, tous les événements de ces derniers mois ne seraient jamais arrivés. Elle aurait pu se réveiller dans son lit, entendre Giovanna qui l'appelait et trembler devant sœur Prudenzia. Sa vie fade, le livre ennuyeux de son existence, lui manquait. C'est agréable de toujours savoir ce qui nous attend, de ne pas avoir de rêve. On ne court pas le risque de le voir brisé.