Citations sur Les royaumes de Nashira, tome 2 : L'Épée des rebelles (8)
Une vie sans connaissance n’est qu’une demi-vie. Quand on ne sait pas, on ne peut pas comprendre ; et si on ne comprend pas, quel sens a l’existence ?
À présent, il comprenait pourquoi on l’appelait le Lieu Sans Nom : au milieu d’une telle désolation, même les paroles s’enfuyaient. À quoi pouvait servir un langage, là où il n’y avait rien à nommer ? Tout était toujours immuable. La seule chose qui changeait, au fur et à mesure que les journées s’écoulaient paresseusement, c’était la lumière : rose à l’aube, implacablement blanche à la sixième heure, violacée au coucher des soleils.
- Nous en avons déjà parlé. Ce que je fais…
- … est très important, je sais. Tu veux aider les Femtites dans leur guerre, que tu estimes juste.
- C’est aussi la tienne.
- Parce que je suis un Femtite ? rétorqua Saiph avec véhémence. Peut-être. Mais je crois pouvoir choisir mes batailles, indépendamment de ma race. Et je sais que la survie de Nashira compte plus que déterminer qui commande et qui obéit. Si tu réfléchissais encore avec ta raison, au lieu de te laisser aveugler par la colère, tu le comprendrais.
- C’était il y a sept cents ans !
- À peu près, en effet.
- Personne ne peut vivre sept cents ans !
- Alors tu parles à un fantôme.
Saiph fit semblant de dormir, mais quand la respiration de Talitha devint profonde et régulière, il se releva et reprit le journal et le parchemin.
S’il voulait sauver celle qui représentait sa seule raison de vivre, il allait falloir qu’il se donne du mal.
- Quand je t’ai rencontrée, je t’ai posé une question, reprit l’hérétique. Que fais-tu avec mon épée ?
Talitha avala sa gorgée et le dévisagea.
- Ça ne peut pas être ton épée.
- Il te faut un acte de propriété ?
Saiph contempla son visage pâle et tiré, et se demanda pourquoi elle demeurait toujours aussi lointaine, inaccessible. Qu’ils se trouvent au palais, séparés par leur condition respective d’esclave et de maîtresse, ou en territoire ennemi, où c’était lui le privilégié et elle la captive, il y avait toujours un mur entre eux. Cette distance le meurtrissait.
Elle détourna la tête, gênée.
- Tu dois avoir des pouvoirs, petite comtesse…, lança Melkise. Le pouvoir de me rendre sentimental !
- Dans ce cas, je devrais l’utiliser plus souvent, répliqua-t-elle en rougissant à nouveau, sans comprendre pourquoi.