Le vent se mit à souffler en bourrasques, les arbres tremblèrent, et des feuilles jaunes s'envolèrent d'un seul coup. L'espace vide se colora comme si une nuée de papillons traversaient la vallée de béton.
Il y a la lumière, il y a l'ombre. L'une et l'autre composent le monde.
L'appareil photo.
Voilà l'instrument de mesure de l'amour. La réussite d'une photo dépend de l'amour que porte à son sujet l'être humain qui le manipule. Cela coule de source.
Quand je braque sur eux mon appareil photo, les hommes se féminisent. L'appareil photo est un pénis. Comme une protubérance de chair qui se dresserait devant leur visage ? Et pour les femmes, c'est la même chose. Dès l'instant où je saisis mon boitier, je deviens un dieu.
Quel que fût son dessein, mon père, grâce à ce cadeau, me permit de trouver , par l'intermédiaire du viseur, un point de tangence avec le monde.
Autrefois dans mon adolescence, je ne photographiais que ce qui approchait de sa fin. Peau desséchée, fleur fanée, chien décharné; lézard racorni, prostituée décatie, ville délabrée...
C'est toujours là que je me réfugie quand je n'ai pas envie de voir les gens. La chambre noire est une pièce hermétique, close. Personne ne peut entrer pendant que je travaille.
Je n'étais pas digne d'être un sujet photographique
Mon visage disait trop mon désir d'être aimée. Tant qu'il afficherait cette expression, les autres continueraient à réveiller cette faiblesse.
Les étoiles de la voie lactée contemplées ensemble autrefois clignotaient dans ma tête. Elles se répandaient au-delà de la vaste plaine de mon imagination, au-delà des frontières de mon existence, de mon moi, débordaient du cosmos, pour s'envoler au loin, très loin. Puis, emportées par les tourbillons de l'extase grandiose du big-bang, elles revinrent consteller le ciel de ma conscience.