Citations sur L'homme craie (94)
On croit vouloir des réponses. Mais en réalité ce que nous voulons ce sont les bonnes réponses. Nous posons des questions dont nous attendons en retour la vérité que nous voulons entendre. Le problème c'est qu'on ne peut pas choisir ses vérités. La vérité a cette habitude d'être simplement la vérité. Le seul choix que nous ayons, c'est d'y ajouter foi ou non.
- Les amis, hein ? Plus d'emmerdes qu'ils ne le valent. C'est pire avec la famille, remarque.
- Possible, dis-je sans me mouiller.
- Oh, crois-moi. Avec les amis, on peut couper les ponts. Avec la famille, jamais. Elle est toujours là, en toile de fond, à te niquer le cerveau.
- Qu'est-ce que c'est ?
(…)
- Ceci, dis-je en la dépliant soigneusement, est ce qu'on appelle une lettre. Les gens l'utilisaient comme moyen de communication dans les temps anciens.
Elle m'adresse un regard et un majeur pleins de mépris.
- Je sais que tu parles, mais tout ce que j'entends, c'est blablabla.
- C'est le problème avec vous autres jeunes. Vous n'écoutez pas.
Je me traîne jusqu'à la porte d'entrée et l'ouvre. Deux hommes en complet gris se tiennent là. Je devine avant même qu'ils ne prononcent la moindre parole qu'ils sont de la police. Ça ne se rate pas. Les visages fatigués. Les cheveux mal coiffés. Les chaussures bon marché.
Il y a des choses dans la vie que l'on peut influencer – le poids, l'apparence, même le nom -, mais d'autres sont immuables, peu importent les efforts que l'on consente. Ces choses sont celles qui nous façonnent. Celles sur lesquelles nous n'avons aucune prise.
Je lui tends sa clope, puis j'allume la mienne et lui passe le briquet. La première bouffée me tourne un peu la tête et me donne la nausée. Mais putain que c'est bon !
La plupart d'entre nous ont fait des trucs moches à un moment ou à un autre, des trucs qu'on voudrait pouvoir effacer, qu'on regrette. On commet tous des erreurs. Nous avons tous le bien et le mal en nous. Lorsque quelqu'un se rend coupable d'une chose horrible, est-ce que cela efface tout le bien qu'il a fait dans sa vie ? Ou y a-t-il des actes si terribles qu'aucune bonne action ne peut les racheter ?
Cependant, même enfant, je ressentais la colère, le venin de ces manifestants. Quelque chose dans leurs yeux, les postillons qu’ils expulsaient, leur façon de brandir leurs pancartes comme des armes. Leurs slogans parlaient d’amour, mais ils semblaient remplis de haine.
Qui sommes nous sinon la somme de nos expériences, tout ce que nous rassemblons et amassons au cours de notre vie?Une fois qu'on nous enlève cela,nous devenons une masse de chair,d'os et de vaisseaux sanguins.
S'il existe cette chose qu'on appelle l'âme-et je n'en suis toujours pas convaincu-,alors celle de mon père l'avait quitté bien avant que la pneumonie finisse par l'envoyer,gémissant et délirant, dans un lit d'hôpital stérile ;une version rétrécir,squelettique du père grand etvigoureux que j'avais côtoyé toute ma vie.Je ne reconnaissais pas cette coquille d'être humain.J'ai honte de le dire,mais quand on est venu m'annoncer qu'il était parti,j'ai ressenti du soulagement avant la peine.
Parfois, je me dis que tout ce que nous nous efforçons d'accomplir dans la vie se révèle vain, au bout du compte. On travaille dur pour acheter à sa famille une grande et belle maison, pour se promener dans le tout dernier 4 x 4 au bilan carbone désastreux. Puis les enfants deviennent adultes et déménagent, et on passe à un plus petit modèle, écoresponsable (avec peut-être juste assez de longueur pour pouvoir caser un chien à l'arrière). Et puis on prend sa retraite, et la grande maison familiale se change en une prison de portes fermées et de pièces poussiéreuses, et le jardin qui était si génial pour les barbecues du dimanche représente aujourd'hui beaucoup trop de travail, et les enfants font leurs propres barbecues en famille de toute façon. Alors les maisons rétrécissent elles aussi. Et bientôt, plus tôt qu'on ne s'y attendait, on se retrouve seul. Et on se dit qu'on a bien fait de venir ici quand on l'a fait, car plus les pièces sont petites, plus il est difficile de les remplir de solitude. Si on a de la chance, on quitte la scène avant de finir réduit à vivre à nouveau dans une unique pièce, à dormir dans un lit à barreaux, incapable de se torcher le derrière.