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Critique de Levant


De consentement il est encore question dans cet ouvrage de Karine Tuil. Je dis encore parce que je venais de terminer celui de Vanessa Springora qui porte ce titre. Sans le présager je suis resté dans le même registre. Où l'on se rend compte que la notion de consentement peut aussi porter à caution.

Mais de manipulation point dans Les choses humaines, puisque le crime, que d'aucun voudrait bien requalifier en délit, se produit lors de la rencontre fortuite de deux parcours de vie. Une soirée entre convives dérape. Un bizutage imbécile, comme souvent, et deux vies qui basculent. Ce que le père de l'accusé appellera fort maladroitement « vingt minutes d'action ». Ce que l'avocat de la plaignante requalifiera en « vingt minutes pour saccager une vie ». Y'a-t-il eu viol ou relation consentie ?

Notre société moderne a tendance à niveler la gravité des actes. L'inconséquence prévaut désormais. Les violences physique et sexuelle sont en libre-service sur tous les supports médiatiques, officiels ou sous le manteau. Dans le monde virtuel qui s'impose désormais les esprits s'accoutument à ce que violenter soit anodin. le danger est dans le franchissement de cette frontière immatérielle qui ouvre sur la réalité, en particulier lorsqu'il est favorisé par le recours aux psychotropes. Aussi lorsque dans une soirée où alcool et drogues prennent possession des esprits, se « taper une nana » et rapporter sa culotte en forme de trophée, ce n'est jamais qu'une forfanterie. de toute façon elles savent où elles mettent les pieds.

Pour l'agresseur, elle n'a pas dit non, ne s'est pas enfuie. Elle a donc consenti. Pour la victime c'est l'envers du décor. le choc psychologique a étouffé ses cris et paralysé ses membres.

Dans un système qui privilégie trop souvent la recherche du solvable au détriment du coupable, faudra-t-il désormais se retrouver sur le banc des accusés dans une salle d'audience pour réaliser la portée des actes ?

Je me suis retrouvé dans la salle d'audience pris dans les joutes oratoires superbement transcrites entre partie civile et défense. La restitution est étonnante de réalisme immersif. Karine Tuil veut que la dimension humaine en matière de justice conserve ses prérogatives et ne rien céder ni à la mécanique judiciaire aveugle d'une société sur codifiée, ni au lynchage orchestré par les lâches qui déversent leur fiel sous couvert d'anonymat sur les réseaux sociaux. Elle veut rendre à la conscience humaine son droit régalien de peser le bien et le mal. Pour la victime comme pour l'accusé. Il s'agit de réattribuer des conséquences aux actes en un juste équilibre des responsabilités et ne pas se plier à la loi des intérêts.

Cet ouvrage m'a passionné de bout en bout. Il est remarquablement bien construit, documenté, et écrit. Résolument moderne. L'exposition médiatique conditionnent les comportements. La justice se rend sur les réseaux sociaux où la présomption d'innocence n'existe pas. L'épilogue est logique sans être prévisible. L'épilogue de l'épilogue est plus surprenant. Moins engageant. Mais surement inéluctable.

Je découvre cette autrice qui vient de publier son nouvel opus : La décision. Je sais déjà que je m'y intéresserai. Il y est encore question de la justice des hommes. Une justice que Karine Tuil ne veut décidément pas voir mise en algorithmes. La justice doit rester affaire de conscience humaine et penser à la vie après le jugement.
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