Ilaria Tuti se confie sur ernestmag.fr: “L'écrivain n'a pas des choses à dire, mais des émotions à donner”. Je la découvre avec
La nymphe endormie, et, en effet, le récit est chargé en émotions. Son écriture, très soignée, comporte de belles descriptions de lieux – entre autres celle d'un asile psychiatrique désaffecté –, d'oeuvre d'art -
La nymphe endormie -, et de personnages. L'émotion est omniprésente.
Comme dans tout bon policier, l'auteur place au centre du roman un couple de flics bien particulier. Teresa
Battaglia, commissaire, est une sexagénaire fragile et vulnérable, qui voit arriver les premiers effets d'un Alzheimer précoce. Son acolyte, l'inspecteur Massimo Marini, est, lui, trentenaire, et non moins tourmenté par un élément de sa vie qui impacte terriblement ses relations personnelles. Teresa le malmène quelque peu, mais sa figure maternelle apporte une dimension particulière à leur relation.
Si
Ilaria Tuti creuse la psychologie de ses personnages, elle construit aussi son récit avec soin, afin de ménager mystère et suspense. Les chapitres sont courts, et heureusement, car il faut tenir sur la longueur. le roman comprend tout de même plus de 600 pages. Elle ménage des ruptures dans le fil du récit, avec retours en arrière, en 1945, ou encore des scènes qui paraissent impromptues mais trouveront leur sens à posteriori, on n'en doute pas. Il y a aussi des extraits du journal de Teresa. Les rebondissements apportent quelques accélérations au récit qui n'est jamais monotone.
Tout cela demande une attention particulière du lecteur.
Ilaria Tuti incite à une lecture "active".
Le val de Resia a une haute importance dans l'histoire, puisque les origines de
la nymphe endormie y résident. Il s'agit d'une région proche de la frontière slovène. Ses habitants présentent une identité bien spécifique, avec leur langue et leurs coutumes. Si les Résiens sont officiellement une minorité slovène en Italie, nombre d'entre eux revendiquent leur différence et ne souhaite pas être assimilés.
Ilaria Tuti connaît bien la région. Elle vit à Gemona del Friuli, qui n'en est pas très éloigné.
La musique est assez présente dans le roman. Elle est légère au début, avec Fly me to the moon de Sinatra. Elle se fait beaucoup plus forte et tonitruante avec la sonate du trille du diable de Tartini. le chant de la berceuse ancienne que fredonne Krisnja a, lui, quelque chose de mystique. Il participe à la dramatisation du récit.
Ilaria Tuti aborde de nombreux thèmes : maternité et paternité impossibles, mémoire et oubli, ravages de la guerre, croyances et magie. Elle établit un jeu de correspondances et d'échos entre les histoires de ses personnages. Tout cela contribue à faire de son roman une oeuvre dense et riche en informations.