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S'ouvre sur une image forte qui ne quittera pas le lecteur durant tout le récit : Eva, une jeune femme, grièvement blessée par balle, git dans une mare de sang au fond d'un canoë sur une rivière au fin fond de la jungle de l'Orénoque (Colombie), des vautours tournoient. Les enjeux immédiats sont clairs : va-t-elle survivre ? Comment en est-elle arrivée là ?

Antonio Ungar remonte dans le temps pour comprendre le parcours d'Eva, issue du monde privilégiée des villes, qui s'enivre dans une vie dissolue remplie de sexe, fêtes et drogue. Elle fait le choix d'une nouvelle vie en postulant comme infirmière à Inirida, port fluvial cernée de jungle amazonienne. le personnage n'est pas immédiatement attachant, très mystérieux en tout cas. On ne comprend pas ses choix, ses réactions mais on devine un fort potentiel romanesque que l'auteur révèle très intelligemment par touches.

On sent une tension sourde monter au fil du récit, on sent la menace sans trop identifier d'où elle peut venir, comme dans un thriller. Antonio Ungar excelle à mettre en scène les lieux, anthropisés ou naturels, qui semblent se resserrer autour des personnages. D'autant que le casting qui apparaît sous nos yeux est inquiétant : orpailleurs prêts à tout pour trouver un nouveau filon, narcotrafiquants contrôlant la région, guérilleros et paramilitaires en embuscade, paysans acculés par la violence et la pauvreté des montagnes, sans parler des Indiens de l'ethnie Curripaco acculés par la famine et les épidémies.

La prose est claire, percutante, sans esbroufe, direct droit au but pour construire un récit resserré et nerveux sur seulement 160 pages qui disent beaucoup de la Colombie de ses dernières années et de sa violence endémique.

Le processus de paix signée en 2016 entre le gouvernement colombien et les guérilleros des FARC ( Forces armées révolutionnaires de Colombie ) est un échec : les organisations paramilitaires impliquées dans le narcotrafic investissent les territoires autrefois occupés par les FARC et laissés à l'abandon par l'État, les surfaces destinées à la production de coca augmentent , provoquant une déforestation inédite.

Le roman est basé sur des faits réels survenus avant ce processus de paix, en novembre 1999, permettant à l'auteur de dénoncer la boucle de violence en Colombie, pays qui répète ses erreurs. Mais ce qui surprend le plus, c'est comment ce portrait dévastateur du conflit armé colombien se mue quasiment en conte sur la résilience du peuple. Eva et les bêtes sauvages est aussi, et surtout, une histoire d'amour, de maternité, d'amitié au coeur d'une tragédie qui demande aux Colombiens de résister, têtus et acharnés, à ne pas laisser les événements détruire ce à quoi ils tiennent, ce qui compte.

Prenant et édifiant.
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Eva et les bêtes sauvages aurait très bien pu s'intituler Eva et ses démons. Mais les bêtes sauvages concrètement sont la gigantesque faune de mâles de tout bord de l'histoire colombienne récente, les narcotrafiquants, paramilitaires et guérilleros , sans parler de politiciens, militaires et policiers véreux aux commandes. L'histoire débute avec la dite Eva qui se vide de son sang sur une barque à la dérive, au fin fond de la jungle de l'Orénoque en Colombie, « ….une géométrie dans laquelle les canots paramilitaires et les groupes de guérilleros et des animaux dangereux et les coulées de boue et les rapides et les remous essaient de croiser le sillage très fin que laisse derrière elle cette petite embarcation, un sillage qui parfois s'interrompt. » À partir de là remontant le temps l'auteur raconte le lent cheminement de cette Femme vers son destin….qui sera précipité par la découverte de l'or, beaucoup d'or (?) dans un bassin de la rivière qui parcoure la jungle contrôlée par les FARC.

Les auteurs colombiens ont tous plus ou moins comme matières premières à leurs histoires, les terribles réalités de leur pays : les quartels de drogue et leurs organisations qui impliquent policiers, politiciens et autres personnages supposés maintenir l'ordre et la loi , mais devenus pourritures, les FARC , les paramilitaires , les différentes dictatures subies par le pays, la nature sauvage aux multiples visages, une société ethniquement et socialement hybride où le fossé entre riches et pauvres est abyssal. Ungar ne manque pas à la règle, bienvenue à la réalité colombienne et à sa violence extrême !

En faites c'est un énième récit sur l'Histoire tragique de la Colombie de 1964 à 2016 ; mais qu'Ungar y campant des personnages attachants dans un contexte qu'il arrive à décrire avec subtilité et poésie malgré l'horreur des faits rend intéressant et plaisant à lire.

Un grand merci aux Éditions Noir sur Blanc et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre intéressant.
#Evaetlesbetessauvages#NetGalleyFrance
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Eva, incarnation de la Colombie, souillée par la drogue, salie par les excès mais forte, courageuse, vaillante et soignante…blessée mais vivante. Ou la possibilité d'un paradis en enfer.

Le roman commence fort, très fort même : il s'ouvre en effet sur une scène dans laquelle une jeune femme, Eva, se vide de son sang au fond d'une barque qui dérive sur l'Orénoque, dans la jungle colombienne. La barque dérive lentement et la seule préoccupation de la jeune femme, à demi-consciente, est de savoir si les vautours dont elle voit le ballet macabre au-dessus de sa tête, attendront au moins sa mort avant de se jeter sur elle…La couverture, si sereine, semble d'un coup beaucoup plus angoissante…

Une entrée en matière déstabilisante, dès cet incipit, percutant. Pourtant le livre recèle une certaine lumière et est porteur d'espoir.
Eva et les bêtes sauvages, c'est tout d'abord la tentative de changer de vie. En venant dans la jungle, qui l'a fascine tant, la jeune femme, issu du milieu privilégié des villes, a décidé de mettre fin à sa vie de débauche à base de marijuana, d'alcool, de fêtes, de sexe débridé, de sexe tarifé. Car Eva était devenue une prostituée aux services très appréciés. Avec sa petite fille au prénom printanier, Abril, elle quitte la capitale Bogota, et offre ses services d'infirmière, sa formation de base, dans le dispensaire d'une petite ville de la jungle. On assiste à son adaptation, à sa fascination quasi amoureuse pour la jungle, à son sentiment d'être enfin à sa place malgré la dureté de sa fonction lorsque, pendant des semaines, elle part en mission pour apporter vivres et soins aux peuples autochtones, les indiens de l'ethnie Curripaco qui se meurent, acculés par la famine et les épidémies.
Eva et les bêtes sauvages, c'est ensuite une histoire d'amour, avec un homme, Ochoa, qui a dû lutter, longtemps, pour réussir à la conquérir, une histoire d'amour aussi avec sa petite Abril, petite fille primesautière qui comprend bien plus de choses que son âge ne laisse le supposer, comme souvent dans ce genre de pays où la vie n'est pas facile, même pour les enfants, surtout pour les enfants. Une histoire d'amitié enfin avec les femmes, notamment les prostituées, qui vivent par moment des choses terrifiantes, objets d'hommes aux instincts particulièrement primaires.
Pour narrer toutes ces facettes lumineuses, l'auteur colombien, Antonio Ungar, utilise une plume délicate, poétique à certains moments, par fulgurances, rendant les personnages très attachants. Pas immédiatement attachants, et c'est précisément un aspect que j'ai aimé, cette façon de savoir nous les rendre intéressants petit à petit.

« Il suffisait que les yeux compatissants et moqueurs des indigènes la regardent pour qu'elle se sente réconfortée, accompagnée soudain de la certitude que toute sa vie antérieure n'avait été qu'une grande erreur de perspective et que l'unique bonne idée qu'elle avait eue était d'aller vivre dans un endroit où les personnes remarquaient cette erreur fondamentale avant même qu'elle ouvre la bouche ».

Mais cette lumière est vite avalée par l'ombre des multiples bêtes sauvages tapies dans ce pays.
Déjà la jungle est un univers dangereux, dur, Eva sent qu'elle a beau être fascinée par elle, ce n'est pas son territoire, elle doit bien le reconnaitre, avec dépit et amertume, mais bien plus le territoire des multiples bêtes sauvages.
« Elle ne sait pas comment s'appellent les arbres, ni à quoi peuvent servir leurs feuilles et leurs écorces, quels reptiles sont venimeux et lesquels ne le sont pas, quels mammifères ni quels insectes on peut manger. Elle est, même si elle a tenté avec beaucoup de détermination ne pas l'être, un être humain de la ville. Dans son corps ne reste plus aucun vestige de cet ancêtre qui, il y a des centaines de milliers d'années, marchait dans les forêts en se croyant une bête parmi les autres ».

Ensuite, surtout, la jungle est loin d'être le refuge dont elle rêvait car elle est riche de ressources faisant l'objet de guerres de territoires incessantes entre les FARC, les narcotrafiquants, les guérilleros, et les paramilitaires, tous d'une sauvagerie impitoyable, prêts à piller, voler, violer, torturer, incendier sans état d'âme, terrifiant la population dont la vie est si fragile…Quand la rumeur d'un important filon d'or quelque part en amont du fleuve enfle et se répand, toutes ces factions armées vont accourir et semer la terreur, répandre le sang.

Eva s'est trouvée là au mouvais moment. Eva, une petite brindille, un petit bout de femme, dont le courage, la ténacité, la conscience professionnelle d'infirmière d'aller sauver coûte que coûte de la famine des peuples autochtones en pleine jungle, toutes ces qualités font bien peu de poids face à l'imbroglio sauvage et viril dans lequel elle se trouve, coincée dans cette escalade de la violence orchestrée par des hommes d'une cruauté incroyable faisant d'eux des bêtes sauvages.

Et Les bêtes sauvages ne sont pas en effet celles que nous croyons. Les serpents, les araignées, les moustiques, ou encore les démons d'Eva, ses addictions et ses basses inclinations, non les bêtes sauvages ce sont surtout et avant tout ces hommes sans foi ni loi, qui fondent les drames innombrables de l'histoire colombienne, notamment des années 1960 jusqu'à 2016. Une histoire particulièrement violente fondée sur la corruption, les trafics en tous genres, la dictature, l'impunité, le terrorisme, les inégalités entre riches et pauvres et entre Blancs et Indigènes. Ancrée sur une virilité abjecte qui écrase, domine, massacre et viole en toute impunité.

« Il avait pris plaisir à violer cette petite paysanne devant son père, à la tuer et à allumer le feu qui allait tout brûler. Contrairement aux faibles, il ne craignait pas d'employer la violence, il y prenait même du plaisir. Ce viol et ce meurtre l'avaient enfin rendu visible. D'abord aux yeux des paysans effrayés et des guérilleros cachés dans la brousse, mais surtout aux yeux de ses chefs, qui avaient enfin compris qu'ils avaient là un soldat intelligent et fort, doublé d'un guerrier qui aimait boire le sang de l'ennemi ».

Tous ces aspects, nombreux et complexes, sont appréhendés dans ce livre assez court, environ 160 pages, de sorte que cette facette sombre est décrite au moyen d'un style très nerveux, rapide, essoufflant légèrement le récit parfois, notamment lorsqu'il s'agit de scènes de guerre. Sans doute ce style direct, sans fioriture, presque clinique, est-il intelligemment mis service de la violence endémique décrite. L'utilisation de deux styles différents selon ce qui est narré est bien vue au final même si lors des scènes de guerre, j'avais davantage l'impression de lire des articles de journaux qu'un roman.


Entre reportage journalistique instructif et fable délicate sur la résilience, entre crudité choquante et poésie exotique, ce livre d'Antonio Ungar ajoute sa pierre singulière à l'édifice de la littérature colombienne qui a souvent pour thème les dysfonctionnements que vit ce pays. C'est un livre prenant dans lequel l'auteur nous plonge, tête la première, où on apprend plus en détail ce que nous savons déjà, tout en nous invitant à nous émouvoir avec l'amour, l'amitié, la sororité que vivent des personnages touchants, en prise avec un pays qui aura connu pas moins de cinquante-deux années de combat durant lesquels 7 134 000 personnes ont été déplacées, 983 000 personnes sont mortes et 166 000 personnes ont disparu. Une façon réussie d'entrelacer subtilement les petites destinées à la grande Histoire.


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Le roman s'ouvre sur une scène dans laquelle une jeune femme, Eva, se vide de son sang au fond d'une barque qui dérive sur l'Orénoque, dans la jungle colombienne.

Eva est infirmière, originaire de Bogotá et fille de bonne famille. Quelques mois plus tôt, elle a brutalement décidé de mettre fin à sa vie de débauche faite d'alcool, de fêtes, de sexe et de drogues, et de quitter la capitale avec sa petite fille. En quête d'une sorte de rédemption, elle pense pouvoir se rendre utile dans le dispensaire d'une petite ville de la jungle. le roman retrace ce changement de vie, l'adaptation progressive d'Eva à cette vie si différente de tout ce qu'elle connaît, les relations qu'elle noue avec son nouvel entourage.

Peu à peu, Eva découvre une réalité bien moins paisible que ce qu'elle imaginait. Elle apprendra à ses dépens que la jungle, où elle pensait trouver un sens à sa vie en soignant les indigènes, n'est pas le refuge dont elle avait rêvé. La région (comme tout le pays d'ailleurs) et ses ressources font l'objet d'une guerre de territoire permanente entre FARC, groupes paramilitaires et narcotrafiquants, tous armés jusqu'aux dents. Au milieu des attaques, des enlèvements et des exécutions, la population vit dans la terreur et les pénuries. Et quand la rumeur de la découverte d'un important filon d'or quelque part en amont du fleuve se répand le long de l'Orénoque, ces bêtes sauvages que sont les hommes avides d'argent et de pouvoir vont se déchaîner, en éliminant le moindre obstacle qui les empêcheraient de remporter le combat.

A travers ce roman, c'est le drame de l'histoire colombienne récente (1964-2016) qui est évoqué : dictature, terrorisme, guérilla, paramilitaires, corruption à tous les étages du pouvoir, trafic d'armes, de coca, d'or ou d'émeraudes, fossé entre riches et pauvres, entre Blancs et indigènes. Un pays où il ne fait bon vivre nulle part, où la violence et la drogue sont omniprésentes, des fêtes dans les quartiers aisés de la capitale au moindre village du fin fond de la jungle.

Antonio Ungar crée des personnages complexes, écorchés par la vie et qui tentent de panser leurs blessures avec ces baumes, précieux mais dérisoires dans une situation aussi terrible, que sont l'amitié, la sororité, l'amour. Un roman intéressant par son contexte, touchant par ses personnages attachants et leurs histoires, et par la poésie qui s'échappe furtivement au détour d'un méandre de l'Orénoque, lorsque soudain le regard se perd dans la contemplation de sa nature sauvage et luxuriante.

En partenariat avec les Editions Noir sur Blanc via Netgalley.
#Evaetlesbêtessauvages #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Un roman qui vous mène au coeur de la jungle colombienne, pour accompagner Eva, l'infirmière dévouée qui a voulu fuir les tentations festives de la capitale, pour se consacrer aux plus démunis. le rêve humanitaire se transforme rapidement en cauchemar, tant les affrontements entre guérilleros, paramilitaires et trafiquants de drogue font rage, et déciment sans état d'âme les populations qui ont le malheur de se trouver sur leur trajet. Les vies individuelles n'ont de valeur que comme enjeu de pouvoir, et c'est l'argent qui mène la danse.


Roman poignant et passionnant, très instructif sur l'histoire de ces années terribles en Colombie.

Merci à Netgalley et aux éditions Noir sur Blanc

304 pages Noir sur blanc 18 janvier 2024
Traduction (Espagnol) : Robert Amutio
#Evaetlesbêtessauvages #NetGalleyFrance

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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J'avais noté ce livre après un billet d'@Bookycooky. Idil y faisait, me semble-t-il, une remarque sur la vitalité de littérature colombienne contemporaine. Ou peut-être était-ce sur Gomboa et American Psycho (que j'ai prêté sans l'avoir lu, assez sadiquement je dois dire, à des amis en partance pour ce beau pays) ?
La Colombie, son or, ses émeraudes, son café, sa coca, ses orpailleurs, ses narcos, ses FARC, ses paramilitaires et ses indiens…
Dans Eva et les bêtes sauvages, il sera question de tout cela.
Mais commençons par le début qui est peut-être la fin : Eva est allongée dans une pirogue, une balle dans la peau, et dérive sur le Rio Inírida. Elle divague et se remémore sa première dose d'héroïne. Elle ne va pas très bien, l'infirmière Eva.

Antonio Ungar est un auteur latino-américain prestigieux. Il a vécu longtemps en Palestine puis s'est installé à Berlin. L'histoire d'Eva s'inspire d'évènements réels survenus autour des années 2000. Un grand merci aux belles éditions NOTABILA pour cette découverte.
Je suis déjà allé en Colombie mais l'action se déroule là où les touristes ne vont pas, à la frontière avec le Venezuela, sur les bassins de l'Orénoque, du Rio Meta et de l'inírida donc.
On parle d'un nouveau gisement d'or…Chronique d'un carnage annoncé !
Eva, ses deux amies prostituées, ses deux amoureux et le Dr Andrade vont essayer de s'en sortir tout en aidant les populations autochtones, prises entre quatre feux, le long de berges infestées de parasites, d'énormes serpents et de féroces personnages.
J'ai beaucoup aimé la narration dolente avec ses sursauts de flamboyance, son onirisme raisonnable et ses airs de salsa. Bien sur il y aura des morts. Beaucoup même. Mais Ungar à aucun moment ne verse dans le sordide et nous rappelle qu'il s'agit d'un témoignage. Malgré les accords de paix, le long de l'Orénoque on se bat pour la coca, l'or et les armes qui viennent du Venezuela voisin.
J'ai suivi Eva sur Google Maps car là-bas les fleuves sont des routes sinuant dans une jungle de tous les dangers. Les villes sont des ports où échoue toute la misère du monde. Et les autochtones font les frais de toute cette violence, de toute cette cupidité.
Où sont, au fond, les bêtes sauvages d'Eva ? On découvrira qu'elles sont d'abord dans sa têtes, omniprésentes et fantomatiques, et qu'elle devra forcer son destin.
Ce n'est pas exactement ça… forcer son destin ! Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Dans les relations de cause à effet, rares sont les moments où on peut prendre la tangente.
Que va devenir Eva, agonisant sur sa pirogue ?
Vous le découvrirez évidemment en lisant ce petit livre atypique et inspiré.
Merci à MCP de Babelio.
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Ondes de choc, tout au long de ce roman tropical et brutal au fin fond de la jungle de l'Orénoque inspiré de faits réels qui se sont passés il y a une vingtaine d'années.

Eva Diaz, une jeune femme aisée de Bogotá rejoint un dispensaire en tant qu'infirmière à Puerto Inírida au coeur de la forêt amazonienne. Non loin de là, coule la rivière Guaviare avec ses cultures de coca et ressources minières gardées par des hommes armés en lutte.
Eva et les bêtes sauvages de l'auteur colombien Antonio Ungar traduit par Roberto Amutio porte bien son nom.

Les pages lues auraient pu tourner vite tourner au cauchemar pour moi en raison des nombreuses scènes très violentes.
Mais malgré tout, j'ai poursuivi ma lecture car j'ai aimé tous les détails sur la vie des communautés de la forêt colombienne portée par le plus grand fleuve sud-américain.
Je me suis intéressée au personnel médical du dispensaire, à la sublime sororité des femmes atrocement exploitées et à la survivance d'une part d'humanité dans l'attitude d'Andrés, le fils du gouverneur.

Toute une vie particulière frémit dans la zone sauvage mais les oiseaux et les grands animaux que l'on entend et voit de très loin sont remplacés par le bruit des armes et des machettes.
Les atrocités ne font pas oublier les communautés indiennes autochtones, dont les Curripacos pour qui la jungle est une mère nourricière. Ils survivent malgré la peur, les crimes dont ils font l'objet, la pauvreté.
En allant à la rencontre des ethnies Curripacos, Desana, et Puinaves pour les soigner, Eva y puise une philosophie de la vie qui est une sorte de renaissance.

Ce livre est le pan d'une histoire, d'un lieu et de drames écrits dans une langue charnelle puissante qui se vit à chaque page.
L'auteur Antonio Ungar raconte magnifiquement son pays, l'Orénoque, la jungle et ses héros ordinaires dans un monde de violence qui les dépasse.

Ce livre résonne encore terriblement aujourd'hui avec ce qui se passe en Equateur.

Merci à #NetGalleyFrance pour cette lecture.
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"Eva et les bêtes sauvages" ne vient pas démentir l'image de la Colombie qui est souvent décrite comme un pays où la violence et la corruption sont omniprésentes.
Farcs, guerilleros, paramilitaires narcotrafiquants se battent pour défendre leurs causes. La violence est leur arme et il est bien compliqué pour un lecteur comme moi de s'y retrouver.
Pour rompre avec son addiction à la drogue et ses pratiques sexuelles, Eva décide de partir avec sa fille Abril dans la jungle où en tant qu'infirmière, elle pourra venir en aide à la population.
Elle sera confrontée aux bêtes sauvages que sont les hommes évoqués un peu avant et qui se revèlent bien plus dangereux que bien des espèces animales rôdants et rampants dans la jungle.
J'ai lu ce roman sans me sentir vraiment impliquée dans l'histoire et cette distanciation a eu raison d'une partie de mon plaisir.
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Si je vous dis "Colombie", il y a des chances que vous répondiez : jungle, trafic de drogue, violence, Gabriel Garcia Marquez. En tous cas, c'est ce que moi j'aurais répondu si vous m'aviez dit "Colombie".

Pays hostile, et donc inhospitalier pour les non-initiés s'il en est. Et ce n'est pas Antonio Ungar, l'auteur de "Eva et les bêtes sauvages" qui me contredira.

Son roman a beau ne compter que 175 pages, c'est un uppercut en pleine poitrine. Condensé de violence, de corruption, d'oppression et de malversations en tout genre, le roman a des allures de thriller même si on est hélas dans du fait réel ; événements sanglants survenus à Puerto Inírida, aux portes de la jungle amazonienne, du 17 au 21 novembre 1999.

Dans un contexte hallucinant d'âpreté malsaine et d'iniquité manifeste, huit personnages en quête de rédemption ou de survie se retrouvent au centre d'un foyer de guerre ouverte entre paramilitaires et guérilleros qui courent après l'éternelle illusion de l'Eldorado, dans la jungle humide et sur ses fleuves titanesques. La vie des mineurs et des orpailleurs ne pèse pas beaucoup plus que celle des indiens indigènes ou des aventuriers de tout poil.

"De 1964 à 2016, la guérilla communiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) a mené une guerre brutale contre les forces de l'Etat colombien. A partir des années 1980, les principales factions de l'armée se sont alliées aux armées paramilitaires d'extrême droite, financées par de grands groupes économiques, légaux comme illégaux. Pour s'approvisionner, les guérillas, de leur côté, ont eu recours aux enlèvements, au trafic de drogue et au vol d'essence, entre autres. L'exploitation minière, légale et illégale, a constitué un carburant efficace pour les deux camps. le résultat de ces cinquante-deux années de combat est le suivant : 7 134 000 personnes déplacées ; 983 000 morts ; et 166 000 disparus. le 26 septembre 2016, un accord de paix définitif a été signé. Les groupes qui ont investi leur argent dans la guerre sont toujours en place."

Le roman n'est pas si facile à lire tant le verbe est violent et terriblement réaliste. Ames sensibles, s'abstenir. La grande désespérance qui marque le destin de chaque protagoniste de son sceau brûlant n'épargne pas le lecteur qui se pince pour ne pas oublier qu'il s'agit de la réalité d'un peuple. Les bêtes sauvages les plus voraces et féroces qui peuplent la jungle ne sont pas celles auxquelles on s'attend de prime abord.


Challenge MULTI-DEFIS 2024
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Première lecture d' Antonio Ungar, jeune écrivain colombien
Pari osé d' écrire encore sur la guérilla colombienne ( les Farc entre 1964 et 2016)Tant de livres , de films, de séries sur le sujet que nous pourrions être blasés La trame est classique
Eva , une infirmière de bonne famille, veut quitter sa famille , oublier ses addictions et sa vie dissolue pour se rendre utile aux plus des défavorisés au milieu de la jungle colombienne hostile et dangereuse d'un point de vue sanitaire mais aussi parce que la guérilla, les groupes paramilitaires sont omniprésents
Comme souvent avec la littérature sud-américaine, j'ai su , dès le début , que e livre me passionnerait
L' immersion est immédiate. La jungle, nous y sommes mais oublions vite les clichés. La beauté sauvage, la pirogue sur la rivière, pourquoi pas le Jardin d' Eden.
La réalité c'est la moiteur tropicale, les moustiques, le paludisme et tous les maladies de la Terre sans compter ces tribus indifférentes ou hostiles et, bien sûr, tous ces fêlés , kalashnikov en bandoulière, prêts à tuer , violer , torturer sans état d' âme
Malgré ce contexte, je n'ai pas ressenti de malaise même lors des scènes les plus violentes
Les personnages, Eva en tête, sont attachants persuadés de rendre service à la population souvent isolée dans des tribus reculées
Pour la plupart, ils se rachètent de leur passé souvent trouble
Le récit fluide se lit presque comme un polar
L' écriture est belle avec quelques moments d'amour et de poésie ce qui ne manque pas de surprendre dans un tel contexte
Un livre que j'ai lu d'une traite . Une vraie découverte qui donne envie de suivre Antonio Ungar qui pourrait bien rejoindre les grands maîtres de la littérature colombienne et même sud américaine
Merci à Masse Critique et aux éditions Notabilia que je connaissais peu (sauf Gaëlle Josse et Ellis Island,L'ombre de nos nuits,etc..)
Si vous êtes, comme moi, passionné par l' Amérique du Sud , ne passez pas à côté
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