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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
S'ouvre sur une image forte qui ne quittera pas le lecteur durant tout le récit : Eva, une jeune femme, grièvement blessée par balle, git dans une mare de sang au fond d'un canoë sur une rivière au fin fond de la jungle de l'Orénoque (Colombie), des vautours tournoient. Les enjeux immédiats sont clairs : va-t-elle survivre ? Comment en est-elle arrivée là ?

Antonio Ungar remonte dans le temps pour comprendre le parcours d'Eva, issue du monde privilégiée des villes, qui s'enivre dans une vie dissolue remplie de sexe, fêtes et drogue. Elle fait le choix d'une nouvelle vie en postulant comme infirmière à Inirida, port fluvial cernée de jungle amazonienne. le personnage n'est pas immédiatement attachant, très mystérieux en tout cas. On ne comprend pas ses choix, ses réactions mais on devine un fort potentiel romanesque que l'auteur révèle très intelligemment par touches.

On sent une tension sourde monter au fil du récit, on sent la menace sans trop identifier d'où elle peut venir, comme dans un thriller. Antonio Ungar excelle à mettre en scène les lieux, anthropisés ou naturels, qui semblent se resserrer autour des personnages. D'autant que le casting qui apparaît sous nos yeux est inquiétant : orpailleurs prêts à tout pour trouver un nouveau filon, narcotrafiquants contrôlant la région, guérilleros et paramilitaires en embuscade, paysans acculés par la violence et la pauvreté des montagnes, sans parler des Indiens de l'ethnie Curripaco acculés par la famine et les épidémies.

La prose est claire, percutante, sans esbroufe, direct droit au but pour construire un récit resserré et nerveux sur seulement 160 pages qui disent beaucoup de la Colombie de ses dernières années et de sa violence endémique.

Le processus de paix signée en 2016 entre le gouvernement colombien et les guérilleros des FARC ( Forces armées révolutionnaires de Colombie ) est un échec : les organisations paramilitaires impliquées dans le narcotrafic investissent les territoires autrefois occupés par les FARC et laissés à l'abandon par l'État, les surfaces destinées à la production de coca augmentent , provoquant une déforestation inédite.

Le roman est basé sur des faits réels survenus avant ce processus de paix, en novembre 1999, permettant à l'auteur de dénoncer la boucle de violence en Colombie, pays qui répète ses erreurs. Mais ce qui surprend le plus, c'est comment ce portrait dévastateur du conflit armé colombien se mue quasiment en conte sur la résilience du peuple. Eva et les bêtes sauvages est aussi, et surtout, une histoire d'amour, de maternité, d'amitié au coeur d'une tragédie qui demande aux Colombiens de résister, têtus et acharnés, à ne pas laisser les événements détruire ce à quoi ils tiennent, ce qui compte.

Prenant et édifiant.
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Eva et les bêtes sauvages aurait très bien pu s'intituler Eva et ses démons. Mais les bêtes sauvages concrètement sont la gigantesque faune de mâles de tout bord de l'histoire colombienne récente, les narcotrafiquants, paramilitaires et guérilleros , sans parler de politiciens, militaires et policiers véreux aux commandes. L'histoire débute avec la dite Eva qui se vide de son sang sur une barque à la dérive, au fin fond de la jungle de l'Orénoque en Colombie, « ….une géométrie dans laquelle les canots paramilitaires et les groupes de guérilleros et des animaux dangereux et les coulées de boue et les rapides et les remous essaient de croiser le sillage très fin que laisse derrière elle cette petite embarcation, un sillage qui parfois s'interrompt. » À partir de là remontant le temps l'auteur raconte le lent cheminement de cette Femme vers son destin….qui sera précipité par la découverte de l'or, beaucoup d'or (?) dans un bassin de la rivière qui parcoure la jungle contrôlée par les FARC.

Les auteurs colombiens ont tous plus ou moins comme matières premières à leurs histoires, les terribles réalités de leur pays : les quartels de drogue et leurs organisations qui impliquent policiers, politiciens et autres personnages supposés maintenir l'ordre et la loi , mais devenus pourritures, les FARC , les paramilitaires , les différentes dictatures subies par le pays, la nature sauvage aux multiples visages, une société ethniquement et socialement hybride où le fossé entre riches et pauvres est abyssal. Ungar ne manque pas à la règle, bienvenue à la réalité colombienne et à sa violence extrême !

En faites c'est un énième récit sur l'Histoire tragique de la Colombie de 1964 à 2016 ; mais qu'Ungar y campant des personnages attachants dans un contexte qu'il arrive à décrire avec subtilité et poésie malgré l'horreur des faits rend intéressant et plaisant à lire.

Un grand merci aux Éditions Noir sur Blanc et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre intéressant.
#Evaetlesbetessauvages#NetGalleyFrance
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Eva, incarnation de la Colombie, souillée par la drogue, salie par les excès mais forte, courageuse, vaillante et soignante…blessée mais vivante. Ou la possibilité d'un paradis en enfer.

Le roman commence fort, très fort même : il s'ouvre en effet sur une scène dans laquelle une jeune femme, Eva, se vide de son sang au fond d'une barque qui dérive sur l'Orénoque, dans la jungle colombienne. La barque dérive lentement et la seule préoccupation de la jeune femme, à demi-consciente, est de savoir si les vautours dont elle voit le ballet macabre au-dessus de sa tête, attendront au moins sa mort avant de se jeter sur elle…La couverture, si sereine, semble d'un coup beaucoup plus angoissante…

Une entrée en matière déstabilisante, dès cet incipit, percutant. Pourtant le livre recèle une certaine lumière et est porteur d'espoir.
Eva et les bêtes sauvages, c'est tout d'abord la tentative de changer de vie. En venant dans la jungle, qui l'a fascine tant, la jeune femme, issu du milieu privilégié des villes, a décidé de mettre fin à sa vie de débauche à base de marijuana, d'alcool, de fêtes, de sexe débridé, de sexe tarifé. Car Eva était devenue une prostituée aux services très appréciés. Avec sa petite fille au prénom printanier, Abril, elle quitte la capitale Bogota, et offre ses services d'infirmière, sa formation de base, dans le dispensaire d'une petite ville de la jungle. On assiste à son adaptation, à sa fascination quasi amoureuse pour la jungle, à son sentiment d'être enfin à sa place malgré la dureté de sa fonction lorsque, pendant des semaines, elle part en mission pour apporter vivres et soins aux peuples autochtones, les indiens de l'ethnie Curripaco qui se meurent, acculés par la famine et les épidémies.
Eva et les bêtes sauvages, c'est ensuite une histoire d'amour, avec un homme, Ochoa, qui a dû lutter, longtemps, pour réussir à la conquérir, une histoire d'amour aussi avec sa petite Abril, petite fille primesautière qui comprend bien plus de choses que son âge ne laisse le supposer, comme souvent dans ce genre de pays où la vie n'est pas facile, même pour les enfants, surtout pour les enfants. Une histoire d'amitié enfin avec les femmes, notamment les prostituées, qui vivent par moment des choses terrifiantes, objets d'hommes aux instincts particulièrement primaires.
Pour narrer toutes ces facettes lumineuses, l'auteur colombien, Antonio Ungar, utilise une plume délicate, poétique à certains moments, par fulgurances, rendant les personnages très attachants. Pas immédiatement attachants, et c'est précisément un aspect que j'ai aimé, cette façon de savoir nous les rendre intéressants petit à petit.

« Il suffisait que les yeux compatissants et moqueurs des indigènes la regardent pour qu'elle se sente réconfortée, accompagnée soudain de la certitude que toute sa vie antérieure n'avait été qu'une grande erreur de perspective et que l'unique bonne idée qu'elle avait eue était d'aller vivre dans un endroit où les personnes remarquaient cette erreur fondamentale avant même qu'elle ouvre la bouche ».

Mais cette lumière est vite avalée par l'ombre des multiples bêtes sauvages tapies dans ce pays.
Déjà la jungle est un univers dangereux, dur, Eva sent qu'elle a beau être fascinée par elle, ce n'est pas son territoire, elle doit bien le reconnaitre, avec dépit et amertume, mais bien plus le territoire des multiples bêtes sauvages.
« Elle ne sait pas comment s'appellent les arbres, ni à quoi peuvent servir leurs feuilles et leurs écorces, quels reptiles sont venimeux et lesquels ne le sont pas, quels mammifères ni quels insectes on peut manger. Elle est, même si elle a tenté avec beaucoup de détermination ne pas l'être, un être humain de la ville. Dans son corps ne reste plus aucun vestige de cet ancêtre qui, il y a des centaines de milliers d'années, marchait dans les forêts en se croyant une bête parmi les autres ».

Ensuite, surtout, la jungle est loin d'être le refuge dont elle rêvait car elle est riche de ressources faisant l'objet de guerres de territoires incessantes entre les FARC, les narcotrafiquants, les guérilleros, et les paramilitaires, tous d'une sauvagerie impitoyable, prêts à piller, voler, violer, torturer, incendier sans état d'âme, terrifiant la population dont la vie est si fragile…Quand la rumeur d'un important filon d'or quelque part en amont du fleuve enfle et se répand, toutes ces factions armées vont accourir et semer la terreur, répandre le sang.

Eva s'est trouvée là au mouvais moment. Eva, une petite brindille, un petit bout de femme, dont le courage, la ténacité, la conscience professionnelle d'infirmière d'aller sauver coûte que coûte de la famine des peuples autochtones en pleine jungle, toutes ces qualités font bien peu de poids face à l'imbroglio sauvage et viril dans lequel elle se trouve, coincée dans cette escalade de la violence orchestrée par des hommes d'une cruauté incroyable faisant d'eux des bêtes sauvages.

Et Les bêtes sauvages ne sont pas en effet celles que nous croyons. Les serpents, les araignées, les moustiques, ou encore les démons d'Eva, ses addictions et ses basses inclinations, non les bêtes sauvages ce sont surtout et avant tout ces hommes sans foi ni loi, qui fondent les drames innombrables de l'histoire colombienne, notamment des années 1960 jusqu'à 2016. Une histoire particulièrement violente fondée sur la corruption, les trafics en tous genres, la dictature, l'impunité, le terrorisme, les inégalités entre riches et pauvres et entre Blancs et Indigènes. Ancrée sur une virilité abjecte qui écrase, domine, massacre et viole en toute impunité.

« Il avait pris plaisir à violer cette petite paysanne devant son père, à la tuer et à allumer le feu qui allait tout brûler. Contrairement aux faibles, il ne craignait pas d'employer la violence, il y prenait même du plaisir. Ce viol et ce meurtre l'avaient enfin rendu visible. D'abord aux yeux des paysans effrayés et des guérilleros cachés dans la brousse, mais surtout aux yeux de ses chefs, qui avaient enfin compris qu'ils avaient là un soldat intelligent et fort, doublé d'un guerrier qui aimait boire le sang de l'ennemi ».

Tous ces aspects, nombreux et complexes, sont appréhendés dans ce livre assez court, environ 160 pages, de sorte que cette facette sombre est décrite au moyen d'un style très nerveux, rapide, essoufflant légèrement le récit parfois, notamment lorsqu'il s'agit de scènes de guerre. Sans doute ce style direct, sans fioriture, presque clinique, est-il intelligemment mis service de la violence endémique décrite. L'utilisation de deux styles différents selon ce qui est narré est bien vue au final même si lors des scènes de guerre, j'avais davantage l'impression de lire des articles de journaux qu'un roman.


Entre reportage journalistique instructif et fable délicate sur la résilience, entre crudité choquante et poésie exotique, ce livre d'Antonio Ungar ajoute sa pierre singulière à l'édifice de la littérature colombienne qui a souvent pour thème les dysfonctionnements que vit ce pays. C'est un livre prenant dans lequel l'auteur nous plonge, tête la première, où on apprend plus en détail ce que nous savons déjà, tout en nous invitant à nous émouvoir avec l'amour, l'amitié, la sororité que vivent des personnages touchants, en prise avec un pays qui aura connu pas moins de cinquante-deux années de combat durant lesquels 7 134 000 personnes ont été déplacées, 983 000 personnes sont mortes et 166 000 personnes ont disparu. Une façon réussie d'entrelacer subtilement les petites destinées à la grande Histoire.


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Le roman s'ouvre sur une scène dans laquelle une jeune femme, Eva, se vide de son sang au fond d'une barque qui dérive sur l'Orénoque, dans la jungle colombienne.

Eva est infirmière, originaire de Bogotá et fille de bonne famille. Quelques mois plus tôt, elle a brutalement décidé de mettre fin à sa vie de débauche faite d'alcool, de fêtes, de sexe et de drogues, et de quitter la capitale avec sa petite fille. En quête d'une sorte de rédemption, elle pense pouvoir se rendre utile dans le dispensaire d'une petite ville de la jungle. le roman retrace ce changement de vie, l'adaptation progressive d'Eva à cette vie si différente de tout ce qu'elle connaît, les relations qu'elle noue avec son nouvel entourage.

Peu à peu, Eva découvre une réalité bien moins paisible que ce qu'elle imaginait. Elle apprendra à ses dépens que la jungle, où elle pensait trouver un sens à sa vie en soignant les indigènes, n'est pas le refuge dont elle avait rêvé. La région (comme tout le pays d'ailleurs) et ses ressources font l'objet d'une guerre de territoire permanente entre FARC, groupes paramilitaires et narcotrafiquants, tous armés jusqu'aux dents. Au milieu des attaques, des enlèvements et des exécutions, la population vit dans la terreur et les pénuries. Et quand la rumeur de la découverte d'un important filon d'or quelque part en amont du fleuve se répand le long de l'Orénoque, ces bêtes sauvages que sont les hommes avides d'argent et de pouvoir vont se déchaîner, en éliminant le moindre obstacle qui les empêcheraient de remporter le combat.

A travers ce roman, c'est le drame de l'histoire colombienne récente (1964-2016) qui est évoqué : dictature, terrorisme, guérilla, paramilitaires, corruption à tous les étages du pouvoir, trafic d'armes, de coca, d'or ou d'émeraudes, fossé entre riches et pauvres, entre Blancs et indigènes. Un pays où il ne fait bon vivre nulle part, où la violence et la drogue sont omniprésentes, des fêtes dans les quartiers aisés de la capitale au moindre village du fin fond de la jungle.

Antonio Ungar crée des personnages complexes, écorchés par la vie et qui tentent de panser leurs blessures avec ces baumes, précieux mais dérisoires dans une situation aussi terrible, que sont l'amitié, la sororité, l'amour. Un roman intéressant par son contexte, touchant par ses personnages attachants et leurs histoires, et par la poésie qui s'échappe furtivement au détour d'un méandre de l'Orénoque, lorsque soudain le regard se perd dans la contemplation de sa nature sauvage et luxuriante.

En partenariat avec les Editions Noir sur Blanc via Netgalley.
#Evaetlesbêtessauvages #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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J'avais noté ce livre après un billet d'@Bookycooky. Idil y faisait, me semble-t-il, une remarque sur la vitalité de littérature colombienne contemporaine. Ou peut-être était-ce sur Gomboa et American Psycho (que j'ai prêté sans l'avoir lu, assez sadiquement je dois dire, à des amis en partance pour ce beau pays) ?
La Colombie, son or, ses émeraudes, son café, sa coca, ses orpailleurs, ses narcos, ses FARC, ses paramilitaires et ses indiens…
Dans Eva et les bêtes sauvages, il sera question de tout cela.
Mais commençons par le début qui est peut-être la fin : Eva est allongée dans une pirogue, une balle dans la peau, et dérive sur le Rio Inírida. Elle divague et se remémore sa première dose d'héroïne. Elle ne va pas très bien, l'infirmière Eva.

Antonio Ungar est un auteur latino-américain prestigieux. Il a vécu longtemps en Palestine puis s'est installé à Berlin. L'histoire d'Eva s'inspire d'évènements réels survenus autour des années 2000. Un grand merci aux belles éditions NOTABILA pour cette découverte.
Je suis déjà allé en Colombie mais l'action se déroule là où les touristes ne vont pas, à la frontière avec le Venezuela, sur les bassins de l'Orénoque, du Rio Meta et de l'inírida donc.
On parle d'un nouveau gisement d'or…Chronique d'un carnage annoncé !
Eva, ses deux amies prostituées, ses deux amoureux et le Dr Andrade vont essayer de s'en sortir tout en aidant les populations autochtones, prises entre quatre feux, le long de berges infestées de parasites, d'énormes serpents et de féroces personnages.
J'ai beaucoup aimé la narration dolente avec ses sursauts de flamboyance, son onirisme raisonnable et ses airs de salsa. Bien sur il y aura des morts. Beaucoup même. Mais Ungar à aucun moment ne verse dans le sordide et nous rappelle qu'il s'agit d'un témoignage. Malgré les accords de paix, le long de l'Orénoque on se bat pour la coca, l'or et les armes qui viennent du Venezuela voisin.
J'ai suivi Eva sur Google Maps car là-bas les fleuves sont des routes sinuant dans une jungle de tous les dangers. Les villes sont des ports où échoue toute la misère du monde. Et les autochtones font les frais de toute cette violence, de toute cette cupidité.
Où sont, au fond, les bêtes sauvages d'Eva ? On découvrira qu'elles sont d'abord dans sa têtes, omniprésentes et fantomatiques, et qu'elle devra forcer son destin.
Ce n'est pas exactement ça… forcer son destin ! Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Dans les relations de cause à effet, rares sont les moments où on peut prendre la tangente.
Que va devenir Eva, agonisant sur sa pirogue ?
Vous le découvrirez évidemment en lisant ce petit livre atypique et inspiré.
Merci à MCP de Babelio.
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Si je vous dis "Colombie", il y a des chances que vous répondiez : jungle, trafic de drogue, violence, Gabriel Garcia Marquez. En tous cas, c'est ce que moi j'aurais répondu si vous m'aviez dit "Colombie".

Pays hostile, et donc inhospitalier pour les non-initiés s'il en est. Et ce n'est pas Antonio Ungar, l'auteur de "Eva et les bêtes sauvages" qui me contredira.

Son roman a beau ne compter que 175 pages, c'est un uppercut en pleine poitrine. Condensé de violence, de corruption, d'oppression et de malversations en tout genre, le roman a des allures de thriller même si on est hélas dans du fait réel ; événements sanglants survenus à Puerto Inírida, aux portes de la jungle amazonienne, du 17 au 21 novembre 1999.

Dans un contexte hallucinant d'âpreté malsaine et d'iniquité manifeste, huit personnages en quête de rédemption ou de survie se retrouvent au centre d'un foyer de guerre ouverte entre paramilitaires et guérilleros qui courent après l'éternelle illusion de l'Eldorado, dans la jungle humide et sur ses fleuves titanesques. La vie des mineurs et des orpailleurs ne pèse pas beaucoup plus que celle des indiens indigènes ou des aventuriers de tout poil.

"De 1964 à 2016, la guérilla communiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) a mené une guerre brutale contre les forces de l'Etat colombien. A partir des années 1980, les principales factions de l'armée se sont alliées aux armées paramilitaires d'extrême droite, financées par de grands groupes économiques, légaux comme illégaux. Pour s'approvisionner, les guérillas, de leur côté, ont eu recours aux enlèvements, au trafic de drogue et au vol d'essence, entre autres. L'exploitation minière, légale et illégale, a constitué un carburant efficace pour les deux camps. le résultat de ces cinquante-deux années de combat est le suivant : 7 134 000 personnes déplacées ; 983 000 morts ; et 166 000 disparus. le 26 septembre 2016, un accord de paix définitif a été signé. Les groupes qui ont investi leur argent dans la guerre sont toujours en place."

Le roman n'est pas si facile à lire tant le verbe est violent et terriblement réaliste. Ames sensibles, s'abstenir. La grande désespérance qui marque le destin de chaque protagoniste de son sceau brûlant n'épargne pas le lecteur qui se pince pour ne pas oublier qu'il s'agit de la réalité d'un peuple. Les bêtes sauvages les plus voraces et féroces qui peuplent la jungle ne sont pas celles auxquelles on s'attend de prime abord.


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Une lecture que mon cher Babelio m'a proposée en Masse critique particulière.

Merci infiniment !

Que j'aime les livres papiers. Cette collection propose un papier si doux, si lisse , une police de caractère si agréable à lire… Il est de bien belle qualité.

Je m'égare, mais il est tellement agréable que l'écrin des textes soit aussi soigné, que je me devais vous en parler. Et cette belle couverture avec cette "curiara", cette barque sur une eau si lisse...

Mais passant au fond désormais.

Excellente lecture , percutante et violente où les personnages ne sont en rien épargnés.

La Colombie et toute sa violence. Ce pays où toutes les richesses minières et autres ont fait se dresser les hommes entre eux.

L'auteur est Colombien et son "livre est basé sur des évènements réels qui se sont déroulés à Puerto Inirida, en Colombie, du 17 au 21 novembre 1999."

Nous sommes donc prévenus dès le départ ce n'est pas totalement fictif !
L'histoire d'Eva nous plonge direct au coeur de l'enfer vert qu'est la jungle, mais on va vite comprendre que les bêtes sauvages qui peuplent cet enfer vert, sont les hommes plus que la nature !

J'ai apprécié cette lecture, l'auteur a su en 13 courts chapitres nous conter l'histoire d'Eva et de tous les hommes et les femmes qu'elle croise.

Les violences sont nombreuses et on ne sort pas indemne de cette lecture. Je me suis un peu perdue une fois entre les FARC, l'armée et les para militaires... Mais ça n'a pas gênée ma lecture, c'est de toute façon un véritable imbroglio ce qui se joue dans cette jungle.

L'auteur déroule un fil conducteur qui nous laisse entrevoir un soupçon de lumière... Oui, un tout petit rayon tout fin, qui filtre au tréfond de l'âme humaine. Rayons que filtre la végétation dans la jungle pour faire éclore un peu de vie.

Comment les personnages vont arriver à se construire au milieu de toute cette violence, c'est un bon roman qu'Antonio Ungar a écrit là.

Son écriture frôle l' onirisme et j'ai aimé découvrir tous ses personnages (Ochoa, Andrés, Abril, Andrade, Cindy...) et les relations qu'ils entretiennent dans cette histoire.

Mes voyages littéraires en Amérique du Sud sont de belles découvertes. Ils me plongent souvent dans de la violence mais c'est là aussi ou résident malgré tout un peu d'humanité et de simplicité.

Quant à vous n'hésitez pas à vous plonger dans cette jungle avec Eva et les bêtes sauvages. Vous en ressortirez peut être indemne... Ou Pas !

Ce n'est pas moi qui vais vous le dire !

Il faut parfois prendre quelques risques dans la vie et se plonger dans le sombre pour en sortir de la lumière.



Lien : https://imagimots.blogspot.c..
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C'est allongée dans une barque,baignant dans son propre sang,qu'Eva laisse défiler ses pensées, au même rythme que la dérive de son embarcation.
Elle revoit sa vie de débauche à Bogota, son attrait irrésistible pour les drogues,le sexe. Puis,sa décision de rejoindre le dispensaire de Puerto Inirida avec sa petite fille Abril,en pleine jungle.
Sa rencontre avec El Gordo Ochoa qui deviendra son grand amour, son désir de s'investir auprès des peuplades indiennes,auraient pu constituer le début d'une belle histoire. Cependant, nous sommes en Colombie, au coeur des conflits qui opposent les FARCS à l'Etat colombien, auxquels s'ajoute la complexité des enjeux économiques, politiques et ambitions personnelles. Alors,il y a peu de place pour le romantisme !
Bien qu'intéressant, je n'ai pas adhéré totalement à ce roman car je trouve qu'il est trop axé sur la violence au détriment d'un fil conducteur différent qui aurait pu davantage donner sens aux événements qui ont déchirés la Colombie depuis 1964 sans que l'accord de paix en 2016 n'ait réellement réglé les problèmes en profondeur. J'ai eu le sentiment que paramilitaires d'extrême droite,narcotrafiquants ,guérilleros étaient tous mis dans le même sac. Certes,la fin justifie les moyens comme le dit un commandant des plus abjecte,mais justement, j'aurais apprécié sans excuser " les moyens", qu'Antonio Ungar parle davantage de l'idéologie des révolutionnaires communistes. " La fin" n'était pas,me semble-t-il, la même pour chacun des guerriers de ce conflit sanguinaire...
Alors que la couverture de ce livre n'est que douceur tant au toucher qu'au regard,qu'elle inspire la sérénité, son contenu n'est que barbarie malgré la beauté des personnages qui composent une " famille fysfonctionnelle" avec " l'ex- droguée, l'ex-patron des mines,l'ex-prostituee et l'ex-Madame".
Je remercie babelio et les éditions Notab/lia pour la découverte de cette histoire bien singulière puisque basée sur des faits réels, et d'un auteur que je ne connaissais pas malgré sa notoriété.
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Eva est une jeune infirmière qui parcourt le bassin colombien de l'Orénoque pour aider les autochtones souffrant de la faim et de diverses maladies. Quand nous la rencontrons dans la jungle, au cours du prologue, elle est seule, à bord d'une pirogue qui se laisse porter par le fleuve, à moitié inconsciente, perdant beaucoup de sang. Qu'est-ce qui a bien pu la mener dans cette situation ?

C'est ce que nous découvrons, à rebours, au fil de la lecture de ce bref roman particulièrement percutant, tant par la présence de chapitres eux-mêmes brefs, que par la multiplicité des personnages, des situations, des conflits qui nous sont présentés, et qui nous plongent dans une Colombie sous le joug de la guerre entre les FARC et les paramilitaires, gangrénée dans le même temps par l'omniprésence, de plus en plus insidieuse, des narcotrafiquants - lorsqu'ils ne font pas d'ailleurs partie d'un des premiers camps... -. le tout donnant lieu à un cocktail plus qu'explosif dans lequel l'on peut, en un rien de temps, devenir un dommage collatéral.

Où les bêtes sauvages ne sont pas celles auxquelles l'on s'attend dans la jungle, en premier lieu auxquelles Eva ne s'attendait sûrement pas en quittant Bogotá et ses tentations pour un cadre de vie plus sain pour sa fille et elle.

Je remercie les Editions Noir sur Blanc et Babelio de m'avoir permis la découverte de ce roman qui, malgré sa brièveté, met bien en évidence toutes les contradictions et problématiques colombiennes, alors même que les FARC ont désormais rendu les armes - mais ils sont les seuls.
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Sans Babelio et les Editions Noir sur Blanc, que je remercie, il est quasi certain que je serai passé à côté de ce roman fort intéressant.
Pour nous parler de la Colombie et de ses dérives, Antonio Ungar s'intéresse à Eva, jeune infirmière dans un dispensaire au coeur de la forêt Amazonienne, en proie aux bêtes sauvages qui sont bien plus dangereuses que celles qui se cache dans la luxuriance environnante.
Aux trafiquants d'or, de minerais, de drogue, il faut ajouter la guérilla entre l'armée officielle colombienne et les forces armées du FARC.
Et bien sûr, les premières victimes en sont les civils.
Certaines scènes peuvent déranger par la violence qui s'en dégage, mais ce que je retiens avant tout est la beauté et le courage de certains personnages qui ont appris à vivre chaque jour comme si c'était le dernier malgré la mort qui peut frapper à chaque instant.
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