J'ai toujours été partisan de la nature. Plus on s'en rapproche, mieux ça vaut.
Nous quittâmes l'autoroute pour la macadam de la route nationale, puis le macadam pour un chemin de terre à reflets roses. Nous grimpâmes une pente courte mais abrupte jusqu'au sommet plat de la crête où, à demi enfouie dans le chèvrefeuille et le sumac vénéneux, se dressait la boite aux lettres délavée de Schoelkopf, dont le couvercle rabattu faisait penser à un chapeau posé de guingois. Ce fut là, que pour la première fois, ma femme vit la ferme. Elle se pencha avec un mouvement d'appréhension, et derrière moi je sentis le coude de son fils toucher mon épaule. Les bâtiments familiers nous attendaient sur l'autre versant, au-delà de la courbe verte de la prairie.
" C'est notre grange, expliquai-je. Ma mère a enfin réussi à fair démolir le grand appentis où l'on mettait le foin sous prétexte qu'il était laid. Le pré nous appartient. La maison est derrière. Les terres des Schoelkopf s'arrêtent aux sumacs."
Le grillage, fin comme un canevas à demi brodé, ou une grille de mots croisés portant sa solution invisible, était capricieusement incrusté de minuscules carreaux de pluie.
Parler. Il semble que pendant toute mon enfance on n'ait rien fait d'autre à la maison. Parler remplaçait tout, le pain et l'amour, l'argent et la misère, Dieu et le Diable, la confession et la songerie.
La terre est exactement comme une personne, à cela près qu'elle ne meurt pas. Elle finit seulement par être fatiguée.