“leurs gains étaient devenus leurs pertes, leur respiration la sienne quand elle se penchait au-dessus des lits où chaque petite tête reposait, tiède et moite sous des doigts dans les moments fiévreux de leur vie encore fragile, mais le plus souvent nimbée de la beauté surnaturelle des enfants endormis, membres abandonnées coulant leur pâleur au milieu des couvertures chahutées ; leurs peurs étaient devenues les siennes, leurs colères autant de taches sur son cœur …”
Elle remarque en passant devant les fenêtres que le ciel, ce matin encore d’un bleu si pur et si intense, se referme, les nuages blancs jusqu’ici éparpillés s’épaississant pour combler les vides qui les séparaient, empilant leurs dalles d’ardoise, tout en laissant passer un filet de vapeur à travers les minuscules interstices, si bien que la lumière du soleil filtrée par les nuages apparaît tremblante, pareille aux reflets ondoyants renvoyées par les vitres d’un train lancé sur ses rails.
Mais le monde de l’art à l’époque était presque exclusivement un monde d’hommes ; c’était eux qui avaient le trop-plein d’énergie, l’instinct de la lutte.[…} mais les femmes n’ont pas suffisamment le sens de la démesure pour se donner à fond ; elles sont trop timides et respectueuses….Elle ne parvenait tout bonnement pas à peindre à partir de rien, à partir d’elle-même, il n’y a qu’un homme pour oser cela.
Ces jeunes aujourd’hui savent, contrairement à sa génération à elle, que quoiqu’ils réalisent ce ne sera pas suffisant. Le sexe perd son charme, la richesse part en fumée, la célébrité ne dure que quinze minutes.
La jeune femme, tel un couteau neuf dans le vieux fourreau rembourré du fauteuil.