Les écrivains sont souvent des gens mal‑heureux. La littérature naît de la tristesse. Quand on est heureux, on n’a pas envie de s’isoler du monde et d’écrire.
Jusqu’au jour où j’ai compris que la lecture pouvait rétablir un équilibre, apaiser, aider ceux qui souffraient. C’était la bibliothérapie. Et j’en ai fait mon métier. Puisque les mots pouvaient anéantir et que chaque chose sur cette planète portait en elle un axe positif et un autre négatif, il y avait une portée salvatrice dans la lecture de certains textes.
"Je ne voulais pas finir mon existence comme Victor Hugo. Moi qui avais toujours rêvé de trépasser en lisant. Une mort digne, le couronnement de ma carrière. Mourir en lisant. En lisant quoi d'ailleurs? Un texte plombant, Malarmé par exemple?"
Il y a des fulgurances dans les classiques qui emportent complètement.
Comme d’habitude, j’ai lu pendant des heures. Une overdose verbale. Les yeux explosés. Mal à la tête. Trop lire rend malade mais ne tue pas.
p. 53
" Donc, la littérature c'est la vie de l'autre côté de la fenêtre. En cela, elle peut nous aider. Parce qu'elle est presque la vie. Il faut simplement adapter le texte à la situation. Dans ce " simplement " se trouvait tout le sel de mon métier. Offrir un roman, la poésie qui, parmi les millions d'oeuvres existantes, parlerait à un pauvre être humain. " p.161
A la maison, j'ai cherché une biographie d'Albert Camus. Sur la photo de couverture, il arborait l'équipement d'un sportif. Albert Camus était gardien de but de l'équipe du Racing universitaire algérois. Caution intellectuelle vite trouvée. Un homme complet. La tête et les jambes. A en faire pleurer les intellectuels effarouchés par le moindre effort physique. (p. 73)
A la caisse, ma voisine me précédait. Un pot de confiture. Un litre de lait. Une salade individuelle. Deux tranches de jambon. Un steak haché. La solitude des êtres humains les poursuivait jusqu'au supermarché. (...) Aux gens seuls, on réservait les produits les plus ternes. Il n'y avait personne d'autre à séduire dans la maison. (p. 92)
J aime quand les livres finissent bien
" J'étais heureux parce qu'il me restait tant à lire, tant à apprendre sur les autres et sur moi, tant à côtoyer l'intelligence des auteurs et de leurs textes. Une oeuvre en appelait une autre. Puits sands fond de la littérature. Mais un puits chaleureux, pas mortifère, rassurant, parce qu'il contenait des trésors qui nous ramenaient à la surface. Les livres ne coupaient pas du monde de manière définitive, ils nous apprenaient à mieux l'appréhender. (p. 188)