Quand les mots ne portent plus nécessairement de sens, lorsque les traits d’un visage ne font pas nécessairement écho, reste la force d’une caresse, la lumière d’un sourire et la mélodie m^me lointaine d’un rire.
Que peut-il bien rester de ces gestes quotidiens ? Ne sont-ils pas par essence condamnés à l’oubli ? C’est justement ce qui les rend plus précieux encore. Car, si les paroles s’envolent, reste la mélodie. Et quand la mélodie à son tour s’estompe, subsiste encore et toujours la trace émotionnelle d’un geste, d’une parole, comme le parfum d’un être aimé qui persiste après son passage…
Attention, ils vont te garder ! Es-tu sûr qu’on te laissera sortir ? Une façon puérile de jouer avec une peur imaginaire et spectaculaire pour se déjouer d’une autre peur. Celle, bien réelle, de se trouver confronté à la maladie, à la vieillesse, à la déchéance….
Au départ, ce sont quelques mots qui émergent d’une discussion au téléphone : « immersion », « 24 heures », « centre fermé », « unité psycho-gériatrie », « maladie d’Alzheimer », « encadrement »… Des mots qui, livrés à eux-mêmes, portés par leur propre force, font inévitablement surgir des images. Des images issues d’un imaginaire collectif.
Pour dépasser la surface trompeuse et potache des mots, peut-être faudrait-il creuser ? Se documenter sur la maladie d’Alzheimer, sur ce qu’est réellement un centre. Compulser une encyclopédie médicale. Consulter internet. (…)
J’hésite. Et c’est la voix de Bartleby qui s’impose : je préférerais ne pas me documenter. Car même approfondie, cette documentation serait encore des mots. Rien que des mots. Toujours des mots.