Non, ce livre n'est pas un livre d'aventures comme pourrait le faire croire la 4e de couverture.
John Vaillant relate dans un récit surprenant, très bien documenté et ponctué de témoignages, l'histoire vraie de Iouri Trouch, membre de l'Inspection Tigre.
Nous sommes dans les années 1990, près du Bassin de l'Amour-Oussiri, dans le Primorié, une région de l'Extrême-Orient Russe, donnant sur la mer du Japon et jouxtant la frontière chinoise. Bien que les températures peuvent avoisiner les -40°, cette région se particularise par sa forêt d'une richesse en faune et flore, incomparable.
Le Tigre de Sibérie, ou Tigre de l'Amour est une des neuf sous-espèces de ce magnifique mammifère, chaque sous-espèce portant le nom lié à l'endroit où il vit (tigre de Chine, tigre d'Indochine, tigre du Bengale,...). de 100.000 tigres recensés en 1900, n'en subsiste aujourd'hui qu'un peu plus de 3.000 dans toute l'Asie, l'Inde et la Russie. Trois sous-espèces sont éteintes.
L'auteur nous explique les causes de leur disparition pour la région du Primorié, où se situe son récit. D'abord chassé pour sa viande et sa fourrure par les autochtones, l'ouverture des frontières Russie-Chine, après la pérestroïka, a engrangé une activité très lucrative : la chasse au tigre. Pour les trophées personnels, pour sa peau vendue en Occident, pour ses os, moustaches et pénis très prisés en Chine, pour leur médecine traditionnelle ou leur besoin de virilité.
Les forêts constituants leur habitat se sont réduites comme peau de chagrin, en même temps que le gibier, leur première source de nourriture. Sur un siècle, 93% de leur territoire fut anéanti par la main de l'homme.
Mais revenons à Iouri Trouch. Il est membre de l'Inspection Tigre, un organisme alors inédit en Russie, fondé vers 1992 grâce à des apports financiers et à la pression d'organisations internationales de conservation de la nature. Trouch et son équipe furent appelés à Sobolonié, petit village isolé au milieu de la taïga, pour constater la mort de Markov, tué et mangé par un tigre.
Un tigre mangeur d'hommes ? Pour les habitants, des nanaïs et des Oudégués, l'homme et le tigre ont toujours cohabité et se partage le territoire de la taïga. Leurs croyances élèvent d'ailleurs le tigre au rang d'un dieu qu'il faut vénérer et respecter. Personne donc ne comprend la raison pour laquelle un tigre a mangé l'un d'eux. Trouch interrogera chaque habitant, tentera de comprendre et d'analyser le comportement de ce tigre en particulier et ses intentions futures. Il se trouvera face à un vrai dilemme jusqu'à la confrontation finale.
L'auteur remonte très loin pour analyser l'évolution du tigre, son comportement, ses techniques de chasse, intimement liée à l'histoire de l'homme.
Suite à quelques recherches sur le net, j'ajouterai qu'en 2010, correspondant à une année du tigre en Chine, Poutine a organisé un sommet international unique en son genre : réunir 13 pays pour parler d'un seul animal : le tigre. Cinq ans plus tard, de 350, le nombre de tigres de Sibérie vivant à l'état sauvage est passé à 560.
Le Tigre est un récit mêlant à la fois le documentaire animalier, l'histoire, la géologie, l'étude des civilisations, leurs traditions et croyances, et un soupçon de suspens.
Et cerise sur le gâteau : Libretto a pensé à une magnifique couverture avec embossage et vernis sélectif donnant la forme d'une tête de tigre.