AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Laccrocheplume


Commençons par les points positifs. L'ambiance brumeuse est bien dépeinte. Il y a des accents poétiques à certains endroits qui sauvent le livre, comme les lignes sur le ventre mou du ciel, ravivées par une lèvre molle un peu plus loin, mais ce travail sur la dichotomie visible dès les premiers lignes n'est pas très fin. Les O coupés, les 0 coupés, n'agissent pas sur la lectrice que je suis tant le procédé parait grossier, d'autant plus que juste après viennent les silhouettes qui se dédoublent, des phrases qui finissent par de. C'est rigolo, oui c'est un exercice rigolo ou.

Tout est englouti dans un trou pour ainsi dire : l'oeil voit. Tout est englouti dans un trou métaphorique qui existe d'ailleurs dans le texte. C'est à se demander si à force de jouer avec le feu, le poète n'y perdrait son. Jeu.

Pour les thèmes, mystère, errance, disparition et déambulation se disputent la vedette. Il faut croire qu'une pandémie à l'échelle mondiale qui a vidé les rues ne dissuade toujours pas le petit monde éditorial à raconter. le vide. De.

Signalons qu'à partir de la page 45, ça se gâte sérieusement. J'ai eu beaucoup de mal à avancer dans la déambulation signalée comme étant « une espèce de déambulation lourde ». Ensuite, c'est l'errance mais sans dynamique interne comme on peut trouver chez d'autres auteurs. On sent l'influence de Joyce et Beckett, mais on ne retrouve ni vélocité ni énergie dans cette plume. Une écriture au couteau, diront les prestidigitateurs. Ou mieux : la cité moderne décrite avec une plume minimaliste. Une phrase au souffle court. Ou le non-style pour dire l'errance. le cirque habituel.

Puis vient la descente dans la nuit, page 95 : il faut encore persévérer après le rituel du départ tous les soirs pour explorer l'autre territoire du côté des villas. Une chambre au bout d'un couloir avec une tête désarticulée qui aurait pu émettre une « longue plainte molle ».

Quand on y pense, tous ces narrateurs dans cette rentrée littéraire, écrivains en mal d'inspiration, ou le narrateur et son binôme (non parce qu'au-delà de deux personnages, il pourrait y avoir un semblant de relation, voire un thème intéressant en prise avec les problèmes de notre siècle, et ça ce n'est pas permis) qui errent, c'est le signe que l'on est envahi d'auteurs qui n'ont pas de sujet mais des éditeurs qui leur disent, non, mais tu as du style, on tient le bon bout : ta renommée fera la mienne. Et puis tous ces récits qui sont tout juste suffisants pour alimenter un divan de psychanalyse, chacun se croyant plus original que son voisin, sont vraiment lassants.

Appelons ça la crise du sujet. L'éditeur parle d'une écriture faussement simple. de surcroit (j'aime beaucoup ce mot et m'en excuse une nouvelle fois), de surcroit donc, cet aveuglement devant l'absence de sujet à part l'errance sans style particulier, lui permet néanmoins de classer son livre au rayon de la littérature qui explore des territoires. C'est symptomatique d'un monde de l'édition dominé par de gros bonnets qui s'écoutent parler, de style, de, qui font du mystère et de la subjectivité une religion bien pratique, l'exploration de la noirceur en jonglant avec des crânes un levier supplémentaire, puis ensuite s'écoutent parler en soliloquant devant un parterre de libraires qui de toute façon tendra les bandeaux rouges au lecteur 99 fois sur 100. Alors, peu importe finalement. C'est l'image ici que la maison tente de (re)construire.

Remarquons que le livre est un bel objet mais comme il fait penser aux 3 derniers livres de Déborah Levy aux Editions du Sous-Sol, cette « beauté » lui nuit... Cette trilogie est évidemment plus riche, plus inventive, ancrée dans des sujets contemporains. Deborah Levy enlace dans sa plume les textes d'autres écrivains et nous offre une matière malléable, riche, réflexive. Cette trilogie (voir mes chroniques plus bas) qui brasse quantité de thèmes universels offre un texte que l'on n'oublie pas et qui longtemps nous travaillent (on saluera au passage le travail de la traductrice Céline Leroy).

J'ai aussi pensé à Peter Stamm publié d'ailleurs dans l'ancienne maison de l'éditeur qui a fondé cette collection. Peter Stamm pratique également le dédoublement de personnage, procédé narratif très répandu en littérature, qui symbolise une sorte de rupture, faite de séparations et de rapprochements, mais chez Peter Stamm, c'est fait avec plus de grâce, de complexité, une tension permanente. Et surtout moins de prétention.

Bref, cette langue inventive dans une nouvelle collection inventive est le sous-produit d'autres livres contemporains. La recherche formelle est trop démonstrative pour prétendre « arpenter des territoires encore inconnus ». le travail sur le style comme souvent malheureusement dans la littérature essoufflée de cette fin de cycle/siècle n'est porté par aucun sujet suffisamment fort pour lui donner l'impulsion nécessaire pour éclore. Aucune motivation ni geste radical ne surprend le lecteur. Les éditeurs qui font du style une obsession par snobisme (un sentiment d'appartenance à une certaine aristocratie littéraire) oublient qu'une langue c'est d'abord un sujet, une colère, une obsession sous-jacente. Ou alors c'est un geste gratuit qui s'évapore aussi vite que les phrases qu'il porte. Derrière un style, il y a une langue qui écume. Puis le style survient. Cette écriture minimaliste n'est pas portée par des thèmes forts, ni exil, ni tiraillement, rien à part l'errance comme sujet. Elle n'a de surcroit aucune puissance symbolique qui pourrait justifier ce minimalisme. On retrouve cette correspondance entre la géographie urbaine et les conditions psycho-sociologique des personnages comme partout ailleurs. Un personnage qui erre et finit par. La recherche identitaire des personnages est assez simpliste. Elle tangue entre deux personnages, le narrateur qui raconte les errances avec Dylan qui disparaît, et des capuches tantôt remontées, tantôt baissées.

Que cela ne nous empêche pas de lire les écrivains et poètes belges. Dans une époque lointaine, c'était d'ailleurs un gage de qualité tant les éditeurs français d'un snobisme (encore oui…) légendaire les filtraient avec un tamis plus fin que les écrivains français. Depuis le snobisme est toujours là, il s'est déplacé au rayon du.

3/5
Commenter  J’apprécie          220



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}