Trafiquants de beauté

Seigneur, ce que j’ai soif, tout d’un coup ! Elle poussa la porte vitrée du café Floridita, le bar-restaurant préféré de ce jouisseur nommé Hemingway. Le chasseur vient lui barrer le chemin du comptoir. Dis donc, ma poule, tu n’as rien à faire ici. Parle pour toi, mon trésor. J’ai du flouze pour payer. Et elle brandit sous le nez du gorille un billet de vingt dollars tiré de son soutien-gorge. Je veux boire un daïquiri. C’est pas un crime, petit père ? Bien sûr que non, si t’as de quoi payer, y’a pas de lézard, mulata. Je ne suis pas une mûlatresse, mon ange, je suis brune. C’est du pareil au même selon toi ? Tu es aveugle ou quoi ? Ce videur ne manque pas de culot, je lui balancerais bien une baffe qui le laisserait paraplégique.

Aujourd’hui elle voulait essayer d’être comme elle, une petite pute cultivée, saine et bon marché, comme celles que le Commandant plébiscitait dans ses discours. Ce qui n’empêchait pas les descentes de police à leur encontre.
- A propos d’éjaculation, je suis experte dans l’art de faire jouir avec la bouche. Je prends cher parce que je suis militante et que le risque politique est plus grand. Si on me surprend à tailler une pipe à un étranger, on me mettra en taule à Nouvelle-Aurore.

Juana est une femme de cinquante ans, drôlement bien conservée, sans la moindre ride, sans la moindre patte-d’oie, une vraie porte, aussi lisse que Liz (Taylor). C’est un véritable prodige, car il est vrai que sous nos climats les gens ne durent guère. On s’abîme et on pourrit en un rien de temps et de la pression hystérique, je veux dire, historique.

Femelle aspire au préambule, aux jeux savants, aux caresses annonciatrices. Femelle a toujours eu la soif de connaître, elle l'éprouve encore. Elle ne peut séparer le corps de l'esprit. Exégète par l'esprit, elle n'est pas pour autant ascète dans sa chair. Elle recherche le plaisir dans le bouillonnement de l'intellect et du sang.
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En outre à Cuba, c'est bien connu, il y a toujours eu et il y aura toujours des crimes passionnels sans rime ni raison, aussi banals que sanglants. Et si, faute d'être conforme à la morale communiste, la rubrique des faits divers a disparu des journaux, on n'a aucunement éliminé pour autant les suicides ou les assassinats pour des raisons idiotes, bien au contraire.

"Je suis seulement l'esclave d'une foule de besoins et d'une poignée d'incertitudes. J'ai une mère et mes peurs. Je ne veux d'autre esclave que celui que j'ai librement choisi. Depuis longtemps. Ombre ou lumière."

Moi je suis allergique aux fêtes, je déteste devoir m'amuser un jour fixe à une heure précise. Je n en tire aucune ivresse mais plutôt l'envie de vomir d'ennui.

Même s'il est loin, je parviens à la suivre par l'imagination.Je connais si bien son âme que je pourrais la dessiner sur l'océan. J'aime à l'épier par le trou de serrure de l'univers, suivre les péripéties de ses voyages. Lui démontrer par des voies infinies l'amour que j'éprouve me donne des forces irrésistibles.

"_ Je t'en prie, il y a des choses qui ne se racontent pas.
_ Je n'ai pas d'amis, je n'ai que toi à qui parler, je passe des journées entières sans dire un mot. En paix, apparemment, seule et muette. Et mon haleine finit par sentir le renfermé."