Louanges de l'eau - Extrait
Parfois, visible et claire, rapide ou lente, elle se fuit avec un murmure de mystère qui se change tout à coup en mugissement de torrent rebondissant pour se fondre au tonnerre perpétuel des chutes écrasantes et éblouissantes, porteuses d'arcs-en-ciel dans la vapeur.
Mais tantôt, elle se dérobe et s'achemine, secrète et pénétrante. Elle scrute les masses minérales ou elle s'insinue et se fraie les plus bizarres voies. Elle se cherche dans la nuit dure, se rejoint et s'unit à elle-même; perce, transsude, fouille, dissout, délite, agit sans se perdre dans le labyrinthe qu'elle crée; puis elle s'apaise dans des lacs ensevelis qu'elle nourrit de longues larmes qui se figent en colonnes d'albâtre, cathédrales ténébreuses d'où s'épanchent des rivières infernales que peuplent des poissons aveugles et des mollusques plus vieux que le déluge.
Dans ces étranges aventures, que de choses l'eau a connues!? Mais sa manière de connaître est singulière. Sa substance se fait mémoire: elle prend et s'assimile quelque trace de tout ce qu'elle a frôlé, baigné, roulé: du calcaire qu'elle a creusé, des gîtes qu'elle a lavés, des sables riches qui l'ont filtrée. Qu'elle jaillisse au jour, elle est toute chargée des puissances primitives des roches traversées. Elle entraîne avec soi des bribes d'atomes, des éléments d'énergie pure, des bulles de gaz souterrains, et parfois la chaleur intime de la terre.
Considérez une plante, admirez un grand arbre, et voyez en esprit que ce n'est qu'un fleuve dressé qui s'épanche dans l'air du ciel. L'eau s'avance par l'arbre à la rencontre de la lumière. L'eau se construit de quelques sels de la terre une forme amoureuse du jour. Elle tend et étend vers l'univers des bras fluides et puissants aux mains légères.
Le seul manque d'un mot fait mieux vivre une phrase: elle s'ouvre plus vaste et propose à l'esprit d'être un peu plus esprit pour combler la lacune.
DIALOGUES
Les pas
Tes pas, enfants de mon silence,
Simplement, lentement placés,
Vers le lit de ma vigilance
Procèdent muets et glacés.
Personne pure, ombre divine,
Qu’ils sont doux, tes pas retenus !
Dieux !... Tous les dons que je devine
Viennent à moi sur ces pieds nus.
Si, de tes lèvres avancées,
Tu prépares pour l’apaiser,
À l’habitant de mes pensées,
La nourriture d’un baiser,
Ne hâte pas cet acte tendre,
Douceur d’être et de n’être pas,
Car j’ai vécu de vous attendre,
Et mon cœur n’était que vos pas.
Charmes, p 20
La nuque est un mystère pour l’oeil.
Ceux qui redoutent la Blague n'ont pas grande confiance dans leur force . Ce sont des Hercules qui craignent les chatouilles .
L'histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues: il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution. L'histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien car elle contient tout et donne des exemples de tout.
Au hasard! A jamais, dans le sommeil sans hommes
Pur des tristes éclairs de leurs embrassements,
Elle laisse rouler les grappes et les pommes
Puissantes, qui pendaient aux treilles d'ossements,
Qui riaient, dans leur ambre appelant les vendanges,
Et dont le nombre d'or de riches mouvements
Invoquait la vigueur et les gestes étranges
Que pour tuer l'amour inventent les amants...
Un chef est un homme qui a besoin des autres.
Le poème - cette hésitation prolongée entre le son et le sens.
L'être qui s'émerveille est beau comme une fleur.