Citations sur Fleur et Sang (26)
Le nouveau docteur Delatour reconnaît qu'il a beau avoir passé les années de sa jeunesse à explorer le fonctionnement sophistiqué du muscle cardiaque, être incollable sur l'aorte, les coronaires, les valves mitrales, tricuspides, sigmoïdes, le cœur d'Irène de Saint-Aubin lui demeure une énigme. Elle se livre, elle s'enthousiasme, tactile, dévorante, puis elle se cache, elle a des tristesses de petite fille.
"Un homme ne peut rester solitaire, il a besoin de tous les autres hommes. Une phrase unique n'a aucun sens, sans le voisinage de toutes les autres phrases. Une histoire ne saurait exister toute seule, elle n'est belle que si elle croise toutes les autres histoires....."
La franchise s'accommode d'un minimum de déguisement qui l'annule à l'instant où elle se proclame.
Un homme ne peut rester solitaire, il a besoin de tous les autres hommes. Une phrase unique n’a aucun sens, sans le voisinage de toutes les autres phrases. Une histoire ne saurait exister toute seule, elle n’est belle que si elle croise toutes les autres histoires.
Le dit du Yan-Ding, 3e section, 8e chapitre,
Anonyme chinois
Nos histoires ont toujours déjà commencé, se poursuivent ailleurs, reprennent en d'autres temps, et ne s'achèvent jamais. Elles sont perpétuellement en cours, parce que nos histoires sont les histoires du monde.
Le livre des rumeurs vagabondes,
Anonyme Persan, début XVIIIè siècle
Le docteur Delatour réussit à chasser aussi cette dernière pensée, il fait le vide, dans sa tête, dans ce thorax d'où le sang est évacué vers la machine. Il voit ses mains comme détachées de sa pensée, et fermes, et précises, elles courent le long du cœur, s'insinuent, décortiquent, de la broderie comme il aime.
Ils sentent un moment de flou, l'étonnement de se retrouver, une nouvelle fois, silencieux, à essayer de saisir ce qui circule encore entre eux, comme si toutes leurs veines étaient reliées depuis le début. La pulsation s'accélère de chaque côté, elle sent sa violence, il devine sa résistance.
Ta guérison, ma déraison… Etienne devrait dire ici l’affection évidente, dans sa bouche, de ces mots qui se veulent un réconfort pour les malades, la fragilité du métier, le miracle renouvelé de chaque guérison, un signe inattendu de sa modestie.
Ta guérison, ma déraison, disait quelquefois le docteur Delatour à ses patients, s’il les tutoyait ; souvent. C’est une folie, même pour le sauver, de tremper ses mains dans le cœur et le sang d’un malade. Ta guérison ? Ma déraison.
Même si un médecin doute d'un médicament, s'il n'en a pas d'autre, il le prescrit.