-Tu connais Auguste De Klerk?
-Le forgeron?
-Oui. Il devient vieux et il a besoin d'un apprenti pour allumer la forge avant l'aube. J'ai dit que tu irais...
-Louis! Je travaille déjà plus de douze heures à la brasserie!
-Et alors? Des heures il y en a vingt quatre dans une journée.
- Ah voici celui que nous attendions…
- Kevin Lord, le nouveau jeune prodige du cinéma indépendant.
- Ravi de vous voir, Kevin, j'ai beaucoup aimé votre premier film
- Ouais, je me suis éclaté. Vous avez lu mon nouveau scénario ?
- Bien sûr, c'est pour ça que je suis ici, cette histoire est exactement le genre de film que je voudrais produire…
Arrivés à Dorp, un patelin où je n'aurais jamais eu l'idée de mettre les pieds, Fenton s'arrêta sur la place de l'église. En face, à côté d'une ancienne petite école transformée en "Maison des Jeunes", quelques villageois endimanchés buvaient une bière à la terrasse de "Chez Léon", le seul bistrot du coin. Dans la rue principale et unique, les trois boutiques et demie du bled avaient fermé leurs volets pour le repos dominical. Bref, c'était le genre d'endroit où il faut être au degré zéro de la déprime pour avoir l'idée d'y passer ses vacances.
Quatre jours de voyage, deux pour l'aller et deux pour le retour, simplement pour voir mettre en terre un homme de quatre-vingt-douze ans.
Mais quel homme !
Plus de trente ans après, Charles se souvenait presque mot pour mot de la longue lettre qui lui avait envoyée Frère Joseph. Une lettre où se mêlaient amour et chagrin, encouragements et remontrances, crainte du courroux divin et espoir de rémission. La lettre d'un père à son fils qui s'est écarté du chemin qu'on espérait lui voir prendre, mais dont on ne peut malgré cela s'empêcher d'être fier.
Charles n'avaient jamais répondu.
- Je voudrais y apporter ma contribution. A propos d'Adrien Steenfort. Saviez-vous, monsieur, que c'était un Juste ?
- Un Juste ?
- C'est ainsi que nous appelons les non-Juifs qui aident nos coreligionnaires dans la détresse.
- Ah ... Non, je l'ignorais.
- Tout le monde l'a toujours ignoré, monsieur V. Même ses propres filles. Weissmann est le nom de mon mari. Mon nom de jeune fille est Wolff, Sarah Wolff. Et si je suis assise en face de vous ce soir, c'est grâce à M. Adrien Steenfort.
Le corps du petit Charles, on ne l'a jamais retrouvé. Même pas des fragments d'os calcinés, rien. Ma grand-mère disait que c'étaient les anges qui l'avaient emmené directement au ciel.
Une pute, Jef. Mon arrière-grand-mère était une pute ...
C'est ici que tout a commencé, me dit Fenton en descendant de la voiture. Très exactement en 1849 à la mort de mon arrière-arrière-arrière-grand-mère, Catherine Steenfort.