L'autre fils de Dieu

Le commissaire faillit sourire mais se retint et laissa échapper un grognement :
- vous me demandez mon avis, ma permission? (il agita à nouveau le journal) Je vous dis de lire cet article, vous serez édifié. Je ne suis ici qu'un simple ornement pour embellir l'édifice et comme je ne me sens même pas à la hauteur de ce rôle, je deviens un simple appendice qu'on peut supprimer sans douleur. Vous, vous êtes les gens utiles et importants, ceux qui font le travail. Le journaliste n'a pas fait les choses à moitié, la qualité de son enquête est admirable, il a même pris des photos de mes collègues.... Si vous voyiez comme ils ont l'air de parfaits imbéciles, pas la plus petite trace de cervelle dans ces énormes crânes, en plus ce sont des êtres parfaitement inutiles; ils ne servent qu'à encombrer les étages supérieurs des postes de police.

- Quel genre d'homme je suis ? Je suis quelqu'un qui nourrit les cygnes au bec rouge ;
je suis ce que je fais et je fais selon ce que je suis.

Avant, j'étais pris dans un engrenage : affaires, argent...de plus en plus d'affaires pour avoir de l'argent, de plus en plus d'argent pour créer plus d'affaires.

La façon dont Grijpstra se tenait trahissait sa nature profonde : c'était quelqu'un de solide, sur qui l'on pouvait compter, un officier de police expérimenté, un homme qui avait mûri au service -austère- de cette abstraction que l'on nomme Etat, à qui incombait la tâche de maintenir l'ordre afin que les millions de citoyens dudit Etat, plus ou moins dociles,pussent mener leur petite existence égocentrique;