Le soi hanté : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique

Dans [la dissociation structurelle], les fonctions ne se dissolvent
pas entièrement... elles subsistent... Ce qui est dissous, c'est la
personnalité, le système de groupage des différentes fonctions autour de la même personnalité.

Pierre JANET

... nous proposons que la dissociation structurelle de la personnalité constitue le substrat psychologique commun, ou du moins un substrat majeur des symptômes et des troubles chez les individus traumatisés. Notre théorie suggère que le spectre des troubles d'origine traumatique comprend différents degrés de dissociation structurelle. Cette hypothèse est ouverte aux vérifications empiriques.

Aucune des définitions des symptômes psychotiques,, dans le DSM-IV [...],ne fournit une démarcation claire entre les symptômes psychotiques et un nombre considérable des symptômes intrusifs de l'ESPT [Etat de Stress Post-Traumatique] et des troubles dissociatifs. Ce manque de clarté compromet l'établissement d'un diagnostic différentiel entre psychose d'une part, et troubles dissociatif et ESPT de l'autre.
[...]
Nous proposerons l'idée que, chez la plupart des patients traumatisés, ces symptômes sont l'indication d'une dissociation structurelle.

A nos yeux, l'amnésie dissociative évoque une domination de la PAN [Personnalité Apparemment Normale], alors que des symptômes dissociatifs positifs occasionnels suggèrent une intrusion par une PE [Personnalité Emotionnelle]

On trouve souvent des histoires de traumatise infantile chez les patients chez lesquels on a diagnostiqué un trouble borderline de la personnalité, des troubles affectifs, un trouble de la somatisation, des troubles dissociatifs, une automutilation, des troubles alimentaires ou une toxicomanie... Tous ces états ont en commun un élément central : la forte prévalence de la dissociation.
Alexandre McFarlane et Bessel Van der Kolk

Si la théorie fournit une façon claire de distinguer les symptômes dissociatifs des symptômes non dissociatifs, dans la pratique réelle cela peut être assez difficile. On peut dire qu'un symptôme est dissociatif seulement si on a la preuve de l'existence de parties dissociatives de la personnalité, et si le symptôme se trouve dans l'une de celles-ci, mais pas dans d'autres.

... un rétrécissement et un abaissement de la conscience se produisent dans toutes sortes de troubles mentaux. Ce ne sont pas nécessairement les manifestations d'une dissociation structurelle, mais ils apparaissent parallèlement à celle-ci. La persistance de leur présence, en particulier sous des formes pathologiques, doit alerter le clinicien sur la possibilité d'une dissociation structurelle.

De façon analogue aux soldats traumatisés de la Première Guerre mondiale, de nombreux survivants de maltraitance infantile chronique, chez les thérapeutes, rapportent qu'ils connaissaient, enfants, des chutes sévères de conscience tout de suite après les épisodes de maltraitance. Ils racontent souvent qu'ils se cachaient alors dans un placard, ou dans un autre "lieu sûr", ou qu'ils se couchaient et remontaient les couvertures sur leur tête, qu'ils "se déconnectaient", qu'ils étaient "incapables de penser", incapables de se concentrer qu'ils étaient "perdus dans leur tête", qu'ils "s'enfonçaient dans le noir", "se coupaient de leur corps", ou se sentaient bizarres.

La rêverie diurne est saine et normale jusqu'à un certain point, mais pas si le sujet est perdu dans un univers riche de fantasmes pendant des heures de suite, au lieu de s'occuper de sa vie quotidienne.

... la dissociation structurelle [...] ne se trouve que chez les individus traumatisés.