Le soi hanté : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique

Il y a une saison et un temps pour chaque chose sous le soleu.

Ecclésiaste (3 :1-

Les efforts de la PAN [Personnalité Apparemment Normale] du survivant pour échapper à la synthèse et à la réalisation des souvenirs traumatiques peuvent aussi être récompensés (c'est-à-dire renforcés positivement) et croître alors en fréquence et en force. Par exemple, l'évitement est en général socialement récompensé : "Tu as raison de continuer à vivre et d'oublier ce qui s'est passé. Tu te sentiras bien mieux comme ça." Ce type de récompense sociale récurrente renforce l'évitement des souvenirs traumatiques et mènent le survivant à croire qu'il est malsain ou honteux d'avoir en soi des situations graves non réglées ; cela renforce donc ses fausses croyances préréfléchies.

Apprendre que le stimulus conditionnel ne signale pas le stimulus inconditionnel, dans la situation, est le principe de fonctionnement de toutes les formes de thérapies par exposition. Mais lorsque le thérapeute expose les survivants à un stimulus conditionnel qui leur évoque ou leur rappelle un vécu traumatique, l'exposition ne changera pas la signification du stimulus ; il faudra aux survivants un contre-conditionnement quelconque, qui changera pour eux le sens du stimulus conditionnel de référence. Par exemple, Nell pourrait apprendre à associer la salade d'oeufs durs à des stimuli positifs, comme la présence d'un homme avec lequel elle se sentirait en sécurité et partagerait un bon dîner.

La différence entre les stimuli conditionnels qui signalent et ceux qui évoquent un stimulus inconditionnel aversif est cliniquement valable. Les stimuli signalant une expérience traumatique sont ceux qui indiquent qu'elle va se reproduire. Les stimuli qui évoquent une expérience traumatique sont ceux qui rappellent au survivant ce qui s'est passé.

Nelly, une patiente qui avait un passé de maltraitances physiques, protégeait sa tête dans ses bras et faisait un geste d'esquive chaque fois que quelqu'un levait une main de façon inattendue. Lever une main est en général un stimulus neutre. Mais pour Nelly, cela signalait l'arrivée de coups. Elle avait appris : "Si quelqu'un lève brusquement la main, je vais recevoir des coups." Des stimuli autrefois neutres peuvent aussi évoquer un événement traumatisant, et devenir donc des stimuli conditionnels. Nelly, par exemple, avait des nausées violente et était envahie d'angoisse à la vue (ou en sentant l'odeur) d'une salade contenant des oeufs durs.Quand elle avait 8 ans, elle avait reçu une correction particulièrement brutale au milieu du déjeuner alors qu'elle mangeait une salade contenant des oeufs durs. L'agresseur la lui avait fourrée dans la gorge, la faisant étouffer. Manger des oeufs durs en salade ne signalait pas une violence, mais la lui rappelait fortement.

Si je me rendais vraiment compte de ce qui m'est arrivé, je deviendrais fou ou je me tuerais.

Plus ils généralisent leur phobie des souvenirs traumatiques à d'autres stimuli d'origine traumatique, plus les survivants se comportent de façon contrainte et recourent à l'évitement. Par exemple, ils peuvent développer une phobie des parties dissociatives et des phobies de sensations, de mouvements, d'émotions ou de pensées particuliers. Les maltraitances et les négligences infantiles chroniques provoquent en outre une phobie de l'attachement et de la perte de l'attachement concernant les personnes violentes ou négligentes qui s'occupaient de l'enfant, phobie qui peut se généraliser à beaucoup d'autres relations interpersonnelles.Outre toutes ces phobies, les survivants peuvent devenir phobiques du changement et de la prise normale de risques.

Dès qu'un souvenir, ou une fraction e souvenir, allait remon-
ter, nous le combattions comme nous aurions combattu les
esprits du mal.

Aharon APPELFELD

...chaque nouveau pas d'intégration implique un nouveau type d'auto-organisation. Ces changements non-linéraires correspondent peut-être à l'observation que la progression, y compris la progression en thérapie, se fait quelquefois par sauts.

... beaucoup de thérapeutes spécialistes des traumatismes ont fait l'expérience qu'une seule remarque "malheureuse" peut engendrer une grave crise chez le patient. Ce genre de crise inclut une ou plusieurs actions substitutives, comme une automutilation et une rupture temporaire de l'attachement sûr. Et un seul léger rappe d'une expérience traumatique peut provoquer la reviviscence complète de cet événement sous la forme d'actions sensori-motrices et puissamment émotionnelles, excessives et douloureuses, accompagnées d'une perte de toutes les tendances à l'action sociopersonnelles.

Les survivants doivent apprendre à être plus efficaces dans la gestion de leurs existences agitées. Les thérapeutes les aideront à se lancer dans des actions importantes, nécessitant chaque fois l'examen de leur univers interne et externe, et à ajuster leurs actions aux résultats de cette exploration (l'observation et l'utilisation de "l'esprit de sagesse" [...]). Beaucoup de survivants ont très peur d'examiner et de réaliser leur monde passé, présent et à venir ; mais c'est l'objet de la thérapie. Plus précisément, la thérapie assiste les survivants dans leurs efforts vers ce niveau élevé de fonctionnement dans une gamme étendue de systèmes d'action.