Cette nuit-là, Parker dormit dans la cabine pour gagner du temps, une sensation de hâte le dominait depuis le moment où il avait décidé de revoir cette femme. “Maytén”, répétait-il dans sa tête. Le son de ce prénom évoquait la terre et le paysage, les lacs bleutés de la cordillère, la brise tiède du printemps qui caressait les corps ; il produisait un écho fragile et cristallin, un accent, un final sans voyelle, ce qui ajoutait une grâce subtile, vaporeuse. Plus Parker se répétait ce prénom dans la pénombre du camion immobile sous les étoiles, plus il prenait de significations, jusqu’à devenir magique et parfumer l’aube.
-L’écriture est une maladie compliquée. Vous savez quel est son seul remède ? .......
-Le seul remède, dit-il enfin, c’est de continuer à écrire.
Bon, alors prenez la 210 jusqu’à trouver un arbre abattu. Si vous dépassez les trois jours, revenez en arrière, parce que vous serez allé trop loin. Au croisement, prenez à gauche, c’est l’affaire d’un jour et demi, deux s’il pleut.
Il n'est pas de désir plus tenace que celui qui reste à mi-chemin, ni nostalgie plus puissante que celle qui tient à ce qui n'est jamais arrivé.
La vie monotone et ennuyeuse dans ces régions obligeait les gens à inventer des légendes pour avoir un sujet de conversation le soir.
Cette possibilité de disparaître ainsi de l'existence des hommes, avalé par la terre, le séduisait, et il conclut que cette manière de prendre congé de l'univers entier ne serait pas mal du tout.
- Vous n’avez pas un journal plus récent ? Ces nouvelles, je les connais déjà.
- Relisez-les, dans quelques jours elles seront de nouveau d’actualité.
Il y eut d'abord une bourrasque tiède comme une caresse, suivie d'un vent puissant qui emporta Parker sans escales, comme à l'aller, sur le chemin désert au bout duquel son camion attendait d'être réparé.
Parker conduisait le regard fixé sur la route, sans ciller, une main appuyée sur le volant et l'autre sur le dossier du siège, comme s'il étreignait un invisible passager.
Le vent violent provoquait, toujours chez lui un dérèglement intérieur, la sensation que rien n'était à sa place, que toutes les choses de la vie étaient précaires ou inutiles et qu'il ne lui restait qu'à trouver un endroit où s'abriter.