De la nuit à l'oubli...

Ce sont mes regrets qui s'expriment à travers mes sanglots : le regret d'être moi, celui de mon enfance et celui plus amer de la barbarie de tous ces frères et soeurs qui ne seront jamais les miens.

Et plus les mots pleuvent, plus je comprends combien ma seule présence constitue un outrage à leurs yeux

Mais l'égalité n'existe pas dans notre monde, Madeleine. Certains l'ont appris à leurs dépens. J'ai vu tant d'hommes être fouettés pour avoir osé dire "je" ! Non l'égalité n'existe pas dans notre monde.

Derrière l'odeur suave et hypocrite du rhum se cache celle, bien plus âcre, de la sueur de leurs fronts. Et l'écorce noueuse des arbre n'est que le miroir loquace de leurs dos sillonnés, de leurs dos lacérés.

Elle me répond pas mais ses yeux me sourient. Et pour la première fois, j'ai l'impression d'y lire quelque chose qui s'apparente à de la fierté.

Ce sont les larmes et le sang versés par ces milliers d'esclaves tombés dans l'oubli. C'est ce que moi je vois derrière ces façades.

C'est criant de beauté certes, mais ça l'est tellement qu'on en oublie l'Histoire.

Dans le secret de mon coeur, je me mets à prier, mais je m'arrête aussitôt : à quoi bon en effet implorer une divinité qui permet aux hommes de vivre comme des brutes, dans un monde où votre propre protectrice peut se changer en bourreau ?
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