AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Un samouraï d'Occident : Le bréviaire des insoumis (9)

Nous avons la santé et le confort comme jamais, des savoirs, des connaissances et des libertés sans équivalent. et pourtant rôde en Europe le sentiment d'un déclin voilé, une sorte de nihilisme flasque perceptible dans ce qui tient lieu de littérature ou d'art officiel. La beauté a déserté nos vies pour s'enfermer dans les musées. Nos rues les plus belles sont noyées dans un grouillement de foules hagardes et bigarrées. Pourquoi la laideur a-t-elle remplacé la beauté? pourquoi ce désert de culture et d'identité au milieu d'une colossale et très inégale prospérité? Pourquoi l'argent est-il devenu le seul étalon, nous écrasant sous sa vulgarité et sa puissance masquée?
Commenter  J’apprécie          270
Chez Homère, la vie, cette petite chose éphémère et si commune, n'a pas de valeur en soi. Elle ne vaut que par son intensité, sa beauté, le souffle de grandeur que chacun - et d'abord à ses propres yeux - peut lui donner. Une conception bien différente de celle véhiculée par tant de ces sagesses de bazar, de ces platitudes qui ont envahi l'esprit des masses occidentales et incitent à désirer une vie la plus longue possible, fût-elle médiocre et larvaire.
Commenter  J’apprécie          170
Même quand ils ne le savent pas, les individus et les peuples ont un besoin vital de racines, de traditions et de civilisations propres, c'est-à-dire de continuités apaisantes, de rites, d'ordre intériorisé, et de spiritualité
Commenter  J’apprécie          130
La Nature angoisse, et pas seulement par ce qu'elle révèle de redoutable lorsqu'on se retrouve, la nuit, seul en forêt, en mer ou en montagne. La Nature angoisse surtout parce qu'elle est inexplicable. Elle est réfractaire à l'entendement. Elle échappe au principe de raison qui veut que toute chose ait une raison d'être qui l'explique (Leibniz). Pourquoi le monde? Parce que... Dieu par exemple. Et pourquoi Dieu? Parce que le monde... Mais qu'est-ce qui nous prouve que la raison a raison? Pourquoi le mystère du monde se laisserait-il percer par la petite raison des hommes? Comment et pourquoi pourrions-nous tout comprendre, tout expliquer, puisque ce "tout" nous précède, nous contient et nous dépasse?
Ce qui nous déroute et nous inquiète c'est que la Nature ne poursuit aucun but. Elle ne nous écoute pas. Elle ne nous demande rien. Elle ne s'occupe pas de nous. Elle n'a pas été créée pour nous. Mais elle nous englobe. Elle est libre. Rien d'extérieur à elle ne la gouverne, ce que rappellent de temps en temps tempêtes, tsunamis ou éruptions volcaniques. Selon le mot de Lucrèce, elle est à la fois incréée et créatrice. Elle est sans pensée, sans conscience, sans volonté.
Commenter  J’apprécie          70
Exister c'est combattre ce qui me nie. Être un insoumis ne consiste pas à collectionner des livres impies, à rêver de complots fantasmagoriques ou de maquis dans les Carpates. Cela signifie être à soi-même sa propre norme par fidélité à une norme supérieure. S'en tenir à soi devant le néant. Veiller à ne jamais guérir de sa jeunesse. Préférer se mettre le monde à dos que se mettre à plat ventre. Dans les revers, ne jamais se poser la question de l'inutilité de la lutte. On agit parce qu'il serait indigne de baisser les bras, et mieux vaut périr en combattant que se rendre.
Commenter  J’apprécie          40
Être un insoumis ne consiste pas à collectionner des livres impies, à rêver de complots fantasmagoriques ou de maquis dans les Carpates. Cela signifie être à soi-même sa propre norme par fidélité à une norme supérieure. S’en tenir à soi devant le néant, veiller à ne jamais guérir de sa jeunesse. Préférer se mettre le monde à dos que se mettre à plat ventre. Dans les revers, ne jamais se poser la question de l’inutilité de la lutte. On agit parce qu’il serait indigne de baisser les bras, et mieux vaut périr en combattant que se rendre.
Commenter  J’apprécie          20
En rupture absolue avec l’ancienne sagesse, la raison des Modernes, chrétiens ou athées, a cherché à en finir avec l’enchantement de la Nature comme avec la perception des limites nécessaires, et avec le sentiment tragique de la vie cultivé depuis Homère. Elle s’est placée sous le signe des Lumières et de leurs promesses illimitées. Faisant ce constant dans Le Sens de la démesure, le philosophe Jean-François Mattéi commente : « L’homme allait déployer son humanité à travers les avancées de la science, les conquêtes de la technique, le triomphe du capitalisme et la victoire de la démocratie(1). » En son temps, Nietzsche avait reconnu l’hypocrisie qu’avait instaurée l’alliance de ces quatre figures de la rationalité : la science, la technique, le capitalisme et la démocratie. Elles prétendent incarner la sagesse de l’homme alors qu’elles en ont attisé tous les excès : « La mesure nous est étrangère, reconnaissons-le ; notre démangeaison, c’est justement la démangeaison de l’infini, de l’immense. Pareil au cavalier emporté par un coursier écumant, nous lâchons les rênes face à l’infini, nous, hommes modernes, nous demi-barbares(2). »
(...)
L’idée que les Grecs se faisaient du Bien et leur sacralisation de la nature les avait conduits à limiter les applications de leurs connaissances pourtant immenses. La technique était en accord avec le cosmos et n’avait pas pour but de le dominer.

Jusqu’au XVIe siècle, la Chine n’eut rien à envier à l’Europe en matière de sciences et de techniques. Les trois grandes inventions qui ont bouleversé le monde, l’imprimerie, la boussole et la poudre à canon sont des inventions chinoises attestées depuis le XIe siècle. Seulement, la sagesse confucéenne de modération des passions qui inspirait les dirigeants les avait prémunis contre l’exploitation systématique de ces inventions. Sous les Ming, au XVe siècle, l’empereur Chenghua ordonna même de détruire les grandes flottes construites par ses prédécesseurs. Cette décision détourna la Chine de la conquête de l’océan Indien et de construction navales performantes.
(…)
Le basculement « prométhéen » de la technique ne s’est produit en Europe que lentement, sous l’effet d’une série de séismes d’ordre historique, intellectuel et spirituel, qui ont commencé à la fin du XVe siècle.

(1) Jean-François Mattéi, Le Sens de la démesure, éditions Sulliver, 2009, p. 170

(2) Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal (traduction P. Wotling), Flammarion, § 224, p. 655. (pp. 84-87)
Commenter  J’apprécie          20
Même quand ils ne le savent pas, les individus et les peuples ont un besoin vital de racines, de traditions et de civilisations propres, c’est-à-dire de continuités apaisantes, de rites, d’ordre intériorisé, et de spiritualité. Nous, Européens, avons faim de beauté, notamment dans les petites choses de la vie, dans les œuvres d’art véritables, la musique, l’architecture et la littérature. Autrement dit, ces vérités dont beaucoup de peuples restent conscients ont été souvent effacées chez les Européens d’aujourd’hui par les effets conjugués de l’universalisme chrétien et de celui des Lumières, transposés dans le cosmopolitisme des sociétés marchandes.

La croyance en notre vocation universelle est erronée et dangereuse. Elle est erronée parce qu’elle nie les autres cultures et les autres civilisations qu’elle voudrait anéantir au profit d’une prétendue culture mondiale de la consommation et des « droits de l’homme » qui ne sont que les droits de la marchandise. Cette croyance est dangereuse parce qu’elle enferme les « Occidentaux » dans un ethnocentrisme négateur des autres cultures. Elle leur interdit de reconnaître que les autres hommes ne sent pas, ne pensent pas, ne vivent pas comme eux, et que ces particularités sont légitimes, pour autant qu’on ne veuille pas nous les imposer. (pp. 293-294)
Commenter  J’apprécie          10
Le Bushido est en accord intime avec les trois sources spirituelles du Japon, shintoïsme, bouddhisme zen et confucianisme. Il se nourrit de l’immanence du shinto, religion panthéiste affranchie de toute idée d’au-delà qui associe le culte des ancêtres à celui de la nature. Le Bushido s’en inspire, cultivant aussi la vertu bouddhiste du détachement et de l’oubli de soi. Mais il s’agit d’un bouddhisme nipponisé, débarrassé de la non-violence, amendé par la sagesse du zen qui enseigne la domination de soi par la pratique d’une « voie », en l’occurrence celle des divers arts martiaux. Enfin, la troisième source, le confucianisme, est une sagesse se rapportant à la vie sociale. Outre la politesse, il enseigne que chacun doit assumer des devoirs en proportion de sa position dans la hiérarchie.

Au cours de ses longues années de formation, le futur samouraï se transforme. Il se délivre de la crainte de la mort, ultime secret de l’art du sabre. « Je découvris que la Voie du samouraï c’est la mort », écrit Jôchô Yamamoto dans le Hagakuré, traité de savoir-vivre rédigé au XVIIe siècle à l’usage des bushi(1). « Si tu es tenu de choisir entre la mort et la vie, choisis sans hésiter la mort. Rien n’est plus simple. Rassemble ton courage et agis. A en croire certains, mourir sans avoir accompli sa mission ce serait mourir en vain. C’est là une contrefaçon de l’éthique samouraï. Tous, nous préférons vivre. Rien que de plus naturel, donc, que de chercher une excuse pour survivre. Mais celui qui a choisi de continuer à vivre alors qu’il a failli à sa mission, celui-là encourra le mépris qui va aux lâches et aux misérables. » Ainsi échappe-t-on à l’angoisse de vivre et à la peur de mourir.

Si l’emblème des samouraïs est la fleur de cerisier qui tombe avant d’être fanée, ce n’est pas un hasard. « Comme dans un rayon de soleil matinal, le pétale d’une fleur de cerisier se détache, ainsi l’homme impavide doit pouvoir se détacher de l’existence, silencieusement et d’un cœur que rien n’agite(2). »

(1) Le texte du Hagakuré a été recueilli et commenté par Mishima dans Le Japon moderne et l’éthique samouraï (Gallimard, 1985). Une autre version du Hagakuré a été publiée par les éditions Trédaniel. Les pensées du samouraï Jochô Yamamoto expriment des critiques acerbes contre le Japon pacifique et prospère de l’époque Tokugawa (XVIIe siècle). Voir aussi l’ouvrage de Rinaldo Massi, Bushido. La Voie des Smouraï (Puiseaux, Pardès, 1997).

(2) Eugen Herrigel, Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc, Paris, Dervy, 1970. (pp. 110-112)
Commenter  J’apprécie          10




    Lecteurs (77) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

    Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

    amoureux
    positiviste
    philosophique

    20 questions
    853 lecteurs ont répondu
    Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

    {* *}