(...) le succès est peu de chose auprès d'une conscience au repos.
Je suis heureux d'avoir trouvé ici un vieil homme digne. Et uns demoiselle silencieuse. Il faudra vaincre ce silence. Il faudra vaincre le silence de la France. Cela me plaît.
L'hiver en France est une douce saison. Chez moi, c'est bien dur. Très. Les arbres sont des sapins, des forêts serrées, la neige est lourde là-dessus. Ici, les arbres sont fins. La neige dessus c'est une dentelle. Chez moi on pense à un taureau, trapu et puissant, qui a beoin de sa force pour vivre. Ici c'est l'esprit, la pensée subtile et poétique.
"Je vous souhaite une bonne nuit"
"Il était parti quand, le lendemain, je descendis prendre ma tasse de lait matinale. Ma nièce avait préparé le déjeuner, comme chaque jour. Elle me servit en silence. Nous bûmes en silence. Dehors luisait au travers de la brume un pâle soleil. Il me sembla qu'il faisait très froid"
« J’appris ce jour-là qu’une main peut, pour qui sait l’observer, refléter les émotions aussi bien qu’un visage, - aussi bien et mieux qu’un visage car elle échappe davantage au contrôle de la volonté. »
« Un chef qui n’a pas l’amour des siens est un bien misérable mannequin. »
Il était devant les rayons de la bibliothèque. Ses doigts suivaient les reliures d’une caresse légère.
- « …Balzac, Barrès, Baudelaire, Beaumarchais, Boileau, Buffon… Chateaubriand, Corneille, Descartes, Fénelon, Flaubert… La Fontaine, France, Gautier, Hugo… Quel appel ! » dit-il avec un rire léger et hochant la tête. « Et je n’en suis qu’à la lettre H !… Ni Molière, ni Rabelais, ni Racine, ni Pascal, ni Stendhal, ni Voltaire, ni Montaigne, ni tous les autres !… » Il continuait de glisser lentement le long des livres, et de temps en temps il laissait échapper un imperceptible « Ha ! », quand, je suppose, il lisait un nom auquel il ne songeait pas. « Les Anglais, reprit-il, on pense aussitôt : Shakespeare. Les Italiens : Dante. L’Espagne : Cervantès. Et nous, tout de suite : Goethe. Après, il faut chercher. Mais si on dit : et la France ? Alors, qui surgit à l’instant ? Molière ? Racine ? Hugo ? Voltaire ? Rabelais ? ou quel autre ? Ils se pressent, ils sont comme une foule à l’entrée d’un théâtre, on ne sait pas qui faire entrer d’abord.
69 – [Le Livre de poche n° 25, p. 28]
Ce n'est pas assez de posséder le Soleil si nous ne sommes capables de le donner !
(Paul Claudel "Saint-Louis", cité par Vercors en préambule de "La marche des étoiles")
Extrait de la nouvelle intitulée : "La marche à l'étoile"
Telle est la force de la passion, -telle est la limite aussi et c'est pourquoi je ne l'aime pas. La passion est une terrible destructrice. Elle détruit dans la tête de qui la loge tout ce qui n'est pas son idée fixe. Elle fait une effroyable consommation d'impulsions et de concepts dont elle nourrit son insatiable cancer. Et quand, par fortune bonne ou mauvaise, elle vient à disparaître (comblée ou consumée), elle laisse dans la maison de qui l'a nourrie une vacance dévastée, et son hôte privé de désirs, -hormis la soif de devenir esclave de nouveau.