J’appris ce jour-là qu’une main peut, pour qui sait l’observer, refléter les émotions aussi bien qu’un visage, - aussi bien et mieux qu’un visage car elle échappe davantage au contrôle de la volonté
Les Anglais, reprit-il, on pense aussitôt : Shakespeare. Les Italiens : Dante. L’Espagne : Cervantès. Et nous [les Allemands], tout de suite : Goethe. Après, il faut chercher. Mais si on dit : et la France ? Alors, qui surgit à l’instant ? Molière ? Racine ? Hugo ? Voltaire ? Rabelais ? Ou quel autre ? Ils se pressent, ils sont comme une foule à l’entrée d’un théâtre, on ne sait pas qui faire entrer d’abord.
Nous ne fermâmes jamais la porte à clef Je ne suis pas sûr que les raisons de cette abstention fussent très claires ni très pures. D'un accord tacite nous avions décidé, ma nièce et moi, de ne rien changer à notre vie, fût-ce le moindre détail : comme si l'officier n'exostait pas ; comme s'il eût été un fantôme. Mais il se peut qu'un autre sentiment se mêlat dans mon coeur à cette volonté : je ne puis sans souffrir offenser un homme, fût-il mon ennemi.
Prisonnier dans ces murs comme dans les pensées, simples et horribles, que je ne pouvais chasser...
Et, ma foi, je l'admirai. Oui : qu'il ne se décourageât pas. Et que jamais il ne fût tenté de secouer cet implacable silence par quelque violence de langage. Au contraire, quand parfois il laissait ce silence envahir la pièce et la saturer jusqu'au fond des angles comme un gaz pesant et irrespirable, il semblait bien être celui de nous trois qui s'y trouvait le plus à l'aise.
Le silence se prolongeait. Il devenait de plus en plus épais, comme un brouillard du matin. Épais et immobile. L'immobilité de ma nièce, la mienne aussi sans doute, alourdissaient ce silence, le rendaient de plomb.