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Critique de daniel_dz


Ahhhhh... Voilà exactement le genre de livre dont je me régale ! Un dessert joyeux, une gourmandise d'enfance, un délice ! Des textes courts extrêmement imaginatifs qui nous font voir le quotidien sous un regard surréaliste et poétique. À découvrir absolument !

L'auteur a parfaitement décrit le goût que j'ai ressenti : « le recueil ˋLes pas perdus' est né d'une envie tenace et espiègle de raconter des histoires farfelues, de rendre ses lettres de noblesse à l'imaginaire : prendre plaisir à démonter le réel, le malmener, le moquer, le triturer jusqu'à lui mettre les tripes à l'air. En un mot, l'envie, non pas de faire rendre l'âme au réel, mais de l'expurger autant que faire se peut de lui-même, pour amener au jour l'or caché qu'il contient à son propre insu : le fantastique, le merveilleux, l'absurde, le poétique. »

Il s'agit d'un recueil de textes courts : une page, deux pages, parfois un peu plus. Je ne sais pas trop comment le qualifier... Déjanté ? Non : ce mot a une connotation de folie inappropriée. Absurde ? Un peu... Mais je n'aime pas la connotation « Monty Pythons » que l'on pourrait imaginer : ces textes ne sont pas nécessairement drôles.

Surréaliste serait peut-être un meilleur qualificatif, d'autant plus que l'auteur est belge (ce qui explique assurément la qualité de l'ouvrage ;-) ). Je pense ici au surréalisme d'un Magritte, qui nous fait voir la réalité sous un regard inhabituel. le regard innocent des enfants, qui ne s'embarrassent pas de la vraisemblance. Ou le regard d'un poète.

Jugez plutôt sur quelques extraits. le résultat peut être drôle : « Depuis bientôt dix ans, le vieux téléviseur était condamné à assister à la vie quotidienne de la famille B... Une décennie qui lui paraissait une éternité, un supplice sans fin. Jour après jour, il était obligé de regarder le même mauvais film, avec les mêmes piètres acteurs : le père, la mère, le fils et la fille. Ce spectacle était une affligeante caricature de la vie de famille, il en avait la nausée. » Je pense aussi à « La Buble » où un archéologue du futur interprète un billet de commissions comme une prière adressée au dieu Carrefour !

Mais la plume d'Étienne Verhasselt peut tendre vers davantage de poésie. Voici par exemple un homme qui décide de disséquer une de ces journées : « Pratiquer l'ouverture à dix-sept heures dû beaucoup moins aisé qu'il ne s'y attendait. [...] Il en fut réduit à chercher une partie plus tendre. Il pensa alors à cet échange téléphonique si délicat qu'il avait eu avec sa douce moitié, vers dix-neuf heures quarante-cinq, ce même mardi,à l'hôtel. Heureuse idée car le scalpel ne rencontra là aucune résistance et la chair du jour s'ouvrit onctueusement sous sa pression. Les humeurs quotidiennes se répandirent sur la table de la cuisine, les bonnes et les mauvaises prenant des chemins distincts. » Dans d'autres textes, la poésie est encore plus marquée. Je vous laisse les découvrir.

Étienne Verhasselt est né en 1966. Après des études de graphisme, il s'est tourné vers la psychologie clinique, à l'Université de Bruxelles (ce qui me fait penser à mentionner deux autres psychologues, ou plus exactement psychanalystes belges de mes chouchous: François Emmanuel et la très regrettée Jacqueline Harpman). Si je ne me trompe, « Les pas perdus » est son premier livre; il a été couronné en 2019 par le prix Henri Cornélus 2018 de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. J'avais déjà commenté ici «  le gout de la limace », de Zoé Derleyn, qui avait reçu le prix Franz de Weber 2018 de la même Académie. Mais entre les deux, je conseillerais « Les pas perdus », si toutefois il y a un sens à comparer deux genres si différents.

Étienne Verhasselt a récemment sorti « L'éternité, brève »., qui figure bien entendu sur ma pile.

À vos Belges, Mesdames et Messieurs !

Note à propos des éditions le Tripode, qui concerne en particulier ce livre-ci: « Chaque année, le Tripode donne à un collectif de vingt artistes carte blanche pour illustrer une publication de la maison d' édition. Vingt sérigraphies sont conçues à chaque fois pour faire la preuve qu'un même livre peut susciter des lectures très différentes. Ce projet, qui doit durer vingt ans, a donné au collectif le nom de «  Les 400 coups » car il conduira, à terme, à la création de 400 affiches. »
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