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Critique de Laureneb


Verlaine n'est pas un poète ici, pas un critique littéraire non plus, mais un ami qui veut rendre hommage aux poètes qu'il a côtoyés, et surtout un amoureux de l'art qui veut célébrer les vers des auteurs qu'il admire. Il est par ailleurs étonnant qu'il ne juge pas ses propres recueils comme dignes de figurer parmi eux - mais, en regardant de plus près, il n'a pas encore écrit tous ses chefs-d'oeuvre lors de la parution. Il semble donc considérer son propre talent comme inférieur à ceux des auteurs qu'il présente, Corbière, Rimbaud, Mallarmé.
Lorsque Verlaine écrit, Tristan Corbière est mort depuis dix ans, inconnu de tous, Mallarmé n'est alors lu que dans un petit cercle littéraire. Et Rimbaud, lui, a disparu, il a arrêté d'écrire, sans prendre la peine de veiller à la publication de ses oeuvres : "Maudit par lui-même ce Poète Maudit". Verlaine lance alors un véritable appel au secours pour tenter de récupérer des pièces poétiques de Verlaine afin des les éditer.
Et c'est là le but de cet ouvrage : très humblement, Verlaine célèbre le talent et même le génie des ces poètes, voulant que tous puissent les admirer aussi. Il laisse donc peu de place à des analyses stylistiques, préférant laisser la parole aux poètes par de longues citations. Mais toute son admiration éclate quand il prend la parole, ce n'est pas un critique, non, il s'incline véritablement devant ces oeuvres et leurs auteurs : " à genoux devant ! ". C'est cependant bien lui qui écrit : loin d'être un froid compilateur, il donne son avis, parle avec subjectivité et sensibilité. Dans l'article consacré à Rimbaud, le "Je" de Verlaine apparaît encore davantage, grâce à des révélations personnelles : "nous avons eu l'honneur de connaître M. Arthur Rimbaud. Aujourd'hui, des choses nous séparent de lui sans que, bien entendu, notre très profonde admiration ait jamais manqué à son génie".
Voyeurs, passez votre chemin. Rien d'intime, d'érotique, de scabreux, n'est raconté ici. Mais quand Verlaine fait le portrait physique de Rimbaud, on sent une forme de pudeur, de douceur. Plus que tout, c'est le Poète que Verlaine aime, et j'ai trouvé très touchant qu'il le supplie - alors qu'il est sans nouvelle de lui depuis près de dix ans, ne connaissant même pas son adresse - non pas de revenir, mais d'écrire à nouveau.
Décrivant ces trois poètes comme les héritiers de Stello - le personnage De Vigny dont le nom apparaît à la fin du texte, Verlaine forge donc le nom même de "poètes maudits", ces génies méconnus, chéris de la Muse mais dédaignés par la Gloire. Cette expression est devenue proverbiale, associée à la Bohême : un écrivain pauvre, solitaire car rejeté par les hommes, grattant un pauvre parchemin à la lueur d'une bougie dans le froid d'une sombre mansarde, mais qui écrit parce que c'est sa vocation au sens fort, ne pensant qu'à la Beauté plutôt qu'à la reconnaissance.
Grâce à ce texte de Verlaine, Corbière a été découvert - il ne l'avait même pas été une première fois, les oeuvres de Rimbaud éditées de façon plus complète. Les poètes maudits ont donc accédé à une forme de reconnaissance, merci Verlaine !
Pour finir plus personnellement, voilà qui va m'aider à reprendre la lecture de Tristan Corbière que j'avais délaissée, maintenant que je le connais mieux.
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