Citations sur Chaos calme (41)
tu sais ce qui m'avait le plus troublée dans toute ma vie? c'est quand j'ai découvert que ma mamie était aussi ta maman
Tout propos d'ailleurs, même le plus ridicule, prononcé peu avant la mort de quelqu'un, frôle la frontière obscure de la prophétie, mais il ne faut jamais oublier que le temps ne s'écoule que dans un sens, et que ce qu'on voit en le remontant est trompeur. (p.128)
Nous étions trop semblables pour ne pas nous sentir obligés de saisir le moindre prétexte de nous montrer différents. (p.201)
Qu'est-ce- qu'une fusion ? Une fusion est le conflit de deux systèmes de pouvoir qui crée un troisième pour des finalités financières. Elle est conçue pour générer de la valeur, mais la génération de valeur est un concept bon pour les actionnaires, ou pour les banques d'affaires, pas pour les êtres humains employés dans les entreprises, pour qui au contraire la fusion est le plus violent traumatisme qu'on puisse leur infliger au travail (...) Pendant les fusions, un grand nombre d'excellents éléments quittent "volontairement" leurs fonctions, avant même que la fusion ne soit achevée; ce qui, à courte vue, est reçu positivement car l'étape suivante de la compression de personnel en est allégée d'autant, alors que cela représente au contraire une perte sèche.
Avant de bondir, regarde en haut, regarde-moi. Juste un instant, sans te distraire : regarde-moi comme si je faisais partie de ton exercice, et prends des forces en plus des tiennes. Si je survis en toi au moment où il n'existe plus que ton corps et les mouvements que tu dois accomplir, alors je peux t'aider, et comment ! Et ta mère aussi survivra, alors elle survivra en même temps que moi et elle aussi pourra t'aider. Allez petite fleur, regarde en-haut.
Le temps n'est pas un palindrome : en partant de la fin et en le parcourant à l'envers dans son entier, il semble prendre d'autres significations, inquiétantes, toujours, et il ne faut pas se laisser impressionner.
"Voyez-vous, continue t-il, je suis canadien, pas américain. Mes parents ont émigré à Toronto, et je suis né la-bas. Je suis né juif canadien. Dans les affaires, j'ai appris à ne pas accorder trop de poids à cette distinction., mais dans les questions de conscience, elle est cruciale : car les Canadiens ont une conscience, et pas les Américains. Et c'est justement à cause de cette conscience reçue en partage, que j'ai perdu ..."
D’un seul coup, l’image d’Enoch en chemise kaki, sandales et bermuda, au volant d’un camion-citerne dans le coeur poussiéreux de l’Afrique noire, balaie tout. Voilà, me dis-je, des vêtements dans lesquels il resplendirait – dans lesquels il resplendira. Enfoncé, le veston-cravate. Je bredouille :
« Je ne sais que te dire, Paolo. J’imagine que tu as bien réfléchi.
– Oui, Pietro. Je voulais franchir le pas depuis très longtemps. Je ne suis pas adapté à cette vie : je devais mentir tous les jours, je ne faisais que des choses auxquelles je ne croyais pas, je gagnais trop. Ce juron m’a ouvert les yeux. Pour moi, ce sera une renaissance.
Pour nous distraire, Claudia et moi avons joué à « Malheureusement » avec le GPS : nous avons entré comme destination l’adresse de l’école, puis nous avons à chaque fois désobéi aux ordres de la voix féminine – froide, péremptoire et fort antipathique – qui nous indiquait le trajet le plus court : « Tournez à droite, MAINTENANT », disait la voix, mais je lui répondais « Malheureusement, je n’en ai pas envie », et je continuais tout droit ; le GPS s’embrouillait, recalculait le trajet et Claudia riait. Puis quand tout était rétabli, la voix féminine reprenait : « Dans cent mètres, tournez à gauche » ; je répliquais « Malheureusement, ça va être difficile » ; la voix insistait : « Tournez à gauche MAINTENANT ! » et c’était Claudia, pendant que je tournais à droite, qui disait au navigateur : « Malheureusement, nous avons tourné à droite » ; de nouveau le navigateur perdait les pédales et recalculait le parcours de fond en comble, pendant que nous éclations de rire. Car le contraste est comique entre le ton péremptoire de ses ordres et la soumission ovine avec laquelle, une fois les ordres transgressés, l’ordinateur se remet à recalculer notre chemin sans protester : une espèce de patience digitale obtuse qui ridiculise la voix intransigeante chargée de lancer ces injonctions ; le comique désespéré des machines qui répètent de façon obtuse, toujours et à jamais, les mêmes choses, sans autre solution ni salut possible que de tomber en panne. Un comique que les enfants connaissent bien et c’est pour cela qu’ils s’amusent à casser les objets : parce qu’ils ont un talent naturel pour trouver les points faibles de tout mécanisme et autant de férocité que les machines dans la répétition. Claudia ne se serait jamais lassée de faire tourner en bourrique le navigateur, et ses éclats de rire cristallins ont été un antidote puissant au malaise que les embouteillages essayaient d’introduire dans ma journée.