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Citations sur dit la femme dit l'enfant (18)

Je te vois et ne te vois pas. Tu as la présence des fantômes qui n’ont pas besoin de se rendre visibles
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Sans entrée, montage cut du dehors et du dedans. Je n’ai pas peur de l’entrée ni du vaste espace gratuit, pas peur de l’ailleurs, seulement j’attends
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Les angoisses sont étroites, c’est de l’étroit qu’elles viennent, et celles de l’insomnie le sont encore plus
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Je ne te vois plus, dit la femme. Tu es comme un personnage sorti de scène. Quand tu étais là, quand tu es là, tu n’es pas du tout un personnage. Tu ne joues pas, tu n’es pas inventée, tu es tellement en vie que ce serait plutôt moi le personnage
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Dois-je me tenir toujours au bord, dit la femme, pour que tu te tiennes au seuil ?
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Il y a quelque chose de presque définitif, dit l’enfant, dans ma façon d’habiller la vérité, de la blanchir
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Tu es mon intime autant que mon étrangère. D’ailleurs c’est cela ma condition : mon intime se tient de l’autre coté de la frontière. M’exiler c’est me rejoindre. Mais c’est un exil immobile. Si j’avais fait mouvement lorsque tu es apparue, tu te serais effacée. Dans ma condition, ce n’est que par bribes qu’arrive la parole de l’intime exilé
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Extrait 9

Mais j’habite une maison sans murs, une fragile et puis-
sante maison faite de seules fenêtres par où se glissent
ou s’engouffrent, suivant la force des vents, les émotions.
Elles me donnent vie, elles m’épuisent. C’est pourquoi j’ai
toujours eu besoin de dormir profondément. Toi aussi tu
dors profondément : tu es une enfant dont on protège le
sommeil dans la pièce commune. Tu es d’un bloc, encore.
Même si tu avances un pied puis l’autre sur le tapis, même
si tu t’avances dans cette pièce où tu ne sais comment
te mouvoir, tu resteras compacte : le temps n’est pas venu
de te fendre. Il est rare à présent que m’arrive le sommeil
profond. L’insomnie est une crevasse d’où s’enfuient le
sommeil et les rêves, ils disparaissent comme évaporés au-
dessus de la fente de la nuit, et se durcit la croûte noire où
se raclent sans fin les angoisses.
Les angoisses sont étroites, c’est de l’étroit qu’elles viennent,
et celles de l’insomnie le sont encore plus : ce n’est pas seu-
lement du passage de l’air dans la gorge qu’elles font un
détroit mais de tout l’être, peu à peu par cercles concen-
triques réduit à un point totalitaire. L’insomnie est royaume
du pouvoir, tous ses murs sans fenêtres défendus contre la
puissance – de l’émotion. Pas d’émotion dans l’insomnie,
c’est la fixité même. Puissance meut, pouvoir fixe.
Comment puis-je être en train de dire ces choses devant
toi ? C’est comme montrer la guerre à qui ne connaît que
son absence.


p.16-17
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Extrait 8

On ne s’assoit pas dessus, on s’allonge le soir pour dormir, on
a la tête bordée par l’angle du cosy, et derrière l’angle du cosy
il y a la table où on mange poussée contre la cheminée, et
juste entre l’angle du cosy et le bord de la table, une petite
place pour mettre une chaise où je m’assois chaque soir
pour manger parce que de nous quatre c’est moi la plus
petite et que je peux me glisser là. Déjà ça : je vois bien
qu’il s’agit d’un autre monde là où on s’assoit presque par
terre sur un lit qui n’est plus un lit. Et tout cet espace vide,
seulement dévoué à une mer de tapis, comme si l’on avait
ouvert la maison à l’inutile. De l’inutile, je connais l’entrée.
Je l’ai apprise chez Juliette Verdun, sur le seuil de madame
Luciani, l’entrée c’est la façon qu’a une maison de n’être
pas familière, on n’entre pas chez soi avec une entrée, on
entre ailleurs, pas dans la buée familiale, l’odeur intime de
la vie nourricière et absorbante – chez soi, on est absorbé
autant que nourri – pas d’odeur avec l’entrée, de rumeur
des jours, de plain-pied. Sans entrée, montage cut du de-
hors et du dedans. Je n’ai pas peur de l’entrée ni du vaste
espace gratuit, pas peur de l’ailleurs, seulement j’attends.

Heureusement, dit la femme, tu n’as pas peur. Tu es devant
une étrangère mais tu n’as pas peur. Ça ne changerait rien
si je te disais qui je suis. Tu ne comprendrais pas. C’est moi
qui tremble un peu. Il n’y a que moi qui crois comprendre,
qui crois savoir qui je suis.
Tu me vois ici, dans la pièce aux tapis.


p.16
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Extrait 7

Je ne peux pas te parler, dit la femme. Rien n’a pourtant
bougé dans la pièce, rien n’a changé depuis que tu es là. La
musique est même peut-être plus présente, plus autonome.
Je ne t’attendais pas, et je sais que je ne dois pas t’attendre
si je veux que tu puisses revenir. Tu es arrêtée au bord
du premier tapis, le bleu, carré noir en son centre, tu n’es
pas timide, tu n’as pas le visage baissé, le corps effacé, tu
pourrais te remettre en mouvement avec le corps compact
et libre que l’on t’a donné, le corps des jeux et de la parole
jaillissante, celle qui charrie joie et colère – violente, la
colère lorsqu’elle te traverse –, qui charrie amour et coups
lorsque l’amour vient à manquer, une parole de coups qui
te ronge un peu le ventre après coup.
Ici, tu ne sais quelle parole laisser sortir, tu te tiens droite
dans ton gilet de laine bleu, celui que tu perdras au pro-
chain été, au bord du lac où tu auras couru tout l’après-
midi, et qui mettra un nœud au ventre de ta mère parce que
c’est beaucoup perdre que perdre un gilet.

Les tapis, dit l’enfant, c’est une mer qu’il me faudrait fran-
chir pour avancer dans la pièce. La dame est de l’autre
côté, assise bas, sans doute sur un matelas de divan posé
sur le sol, son dos appuyé au mur derrière. Le matelas est
recouvert d’un couvre-pied qui brille un peu. Je connais
les divans, mais pas posés par terre. Le divan, c’est un lit,
il y a le sommier dessous, et les pieds du sommier.


p.15
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