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Critique de PatriceG


Dans les années 1980 Martin Veyron était un des auteurs de BD les plus talentueux. On se souvient de ses albums érotiques qui firent un tabac. Il a obtenu le prestigieux grand prix d'Angoulême pour l'ensemble de son oeuvre.

En 2016, il conçoit son Ce qu'il faut de terre à l'homme en se souvenant qu'il avait lu dans sa jeunesse une nouvelle de Tolstoï qui l'avait marqué. Voilà quand un grand dessinateur rencontre un grand maître de la littérature !
Pour cela, il a obtenu 2 prix en 2017, le grand prix spécial du jury d'Angoulême, et le prix Tournesol.
Martin Veyron nous a surpris avec cette variation sur un tout autre thème puisqu'il s'agit ici d'un conte philosophique ayant pour objet sur fond de paysannerie russe du 19e siècle la cupidité des hommes.
Magnifique album. Je suis épaté ! Bon certes notre ami Martin Veyron avait un appui colossal pour les textes en la personne du grand romancier russe, il fallut néanmoins en faire le script et surtout beaucoup d'imagination pour illustrer cette campagne et ces villages russes d'antan. Un champ d eblé làbas n'est pas un champ de blé ici ! J'avoue que je n'ai pas tout de suite de réponse à apporter , sinon peut-être être allé voir de visu cette terre russe qui laisse encore et toujours ces restes admirables du passé pour échaffauder ses plans avec un rien nostalgique que le modernisme insidieux vient altérer, aurait dit un pair de Tolstoï, Raspoutine, non pas contemporain mais un héritier.

26 décembre 2021.
Il nous arrive d'écrire des choses et puis en les relisant 1 an, deux ans .. après on a envie de dire autre chose, sans compter que pour partie on a envie de tout foutre en l'air. Bon ce n'est pas le cas ici. Mais je me dis tout compte fait que certes l'idée hautement morale que Tolstoï se faisait de l'existence et plus encore vers la fin de sa vie, ce qui a probablement plu au grand dessinateur ainsi que l'excellence de la qualité narrative, était le message qu'il voulait délivrer au monde entier ; ici sur la cupidité des hommes, mais je ne suis pas sûr que les gens, les lecteurs ne retiennent que les idées généreuses, si ce n'est pas chrétiennes du grand écrivain de la terre russe comme disait Tourgueniev. Ont-ils raison, ont-ils tort ?

D'abord, Tolstoï était pris aux entournures dans son message radical de justice et d'amour de son prochain. Qui peut lui contester d'ailleurs que l'amour de son prochain n'était pas la juste réponse aux cruautés de son monde et qu'aucune entreprise collective ne pouvait démonter cela, hormis la volonté de chacun qui passe par l'éducation.

Mais, tout ça est quand même oublier que Tolstoï était aussi une nature, animale, dont certes il est revenu de tout et a tenu à la combattre sans cesse sur le dernier tiers de sa vie. Alors moi je veux bien qu'on s'attarde sur cette vie là de Tolstoï mais ce n'est pas sa vie ou l'essentiel de sa vie. Oui l'auteur russe était pris aux entournures, disais-je où il se faisait prophète, quand les tolstoïens faisaient entendre leur voix dès lors que le Maître semblait s'éloigner de ses préceptes et de ses émules, oui l'auteur russe fut l'otage, la caution suprême du spécieux et intriguant Tchertkov qui voulait passer par dessus bord avec armes et bagages tout le système tsariste en faisant écrire au vieux Tolstoï devenu vulnérable, des saletés que finalement il n'avait pas envie d'écrire. Prêcher la bonne parole pour ce christique ainsi devenu, ce démiurge presque qui rivalisait avec le Tsar en personne, n'était-ce pas ajouter de la foi à la foi qui du coup perdait de son importance. N'était-il pas saoulé de ce rôle qui impliquait toujours le même rapport aux hommes, celui de l'orgueil et de la gloire ? Ne fut-ce pas une des raisons rarement dites explicitement chez les observateurs pour fuir Iasnaïa Poliana, outre le pressentiment d'une mort prochaine. Il s'en est expliqué un peu dans le Père Serge.

Alors j'en reviens plus au jeune Tolstoï , le sensuel qui a inspiré tout de même ses plus belles oeuvres, à commencer par Anna Karénine et Guerre et Paix naturellement, où vive la vie, avec ses tourments, ses amours inconsidérés, les respirations pacifiques de l'animal qui n'avait de cesse de replonger dans les vices qui guidaient ce monde, d'être confronté à ses vieux démons qui n'arrêtaient pas de le contrarier. Ces mêmes démons qui ne cessèrent de le torturer jusqu'à la fin de sa vie. La sensualité de la belle et jeune cosaque de Hadji Mourat, qu'est-ce sinon une sensualité jamais éteinte, triomphante chez le Tolstoï vieillissant qui cachait ses fictions dans ses tiroirs pour ne pas déplaire à l'esprit du temps qui confondait bien entendu luxure, débauche avec tyrannie tsariste. On s'aperçut après que tout fut pire ..

Christiane Rancé a écrit un très beau livre sur le sujet : Tolstoï le pas de l'ogre. Je me souviens entendre encore FOG dire tout le bien qu'il en pensait : qu'il avait lu cet essai comme du petit lait, d'une traite .. CR a eu au moins le mérite de poser le problème et non de le prendre à l'envers comme les critiques ont fait bien souvent. Je ne désespère pas de voir la talentueuse Anne Coldefy-Faucard me coller au train dès que je vais un peu dans son sens qu'il faille voir en Tolstoï non pas le géant grincheux qui se fâche contre le monde entier à cause de ses faiblesses et de ses injustices mais Tolstoï le génial romancier ..
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