Chroniques des immenses possibilités

"Chronique de la 300e chronique" 15 juillet 1958. (extrait)

Nous savons ici ce que vous faites. Jour après jour, mois après mois, lustre sur lustre, vous ne cessez de recueillir pour nous à toute minute l'information la plus précieuse. Vous nous la livrez chaque semaine au prix des travaux les plus rudes...Non, monsieur, ne protestez pas...Alors que les autres s'ébattent,s'ébrouent, s'envolent, plongent dans les mers, montent au sommet des montagnes, se grisent de beaujolais, de vitesse et d'air pur ou dévorent au bord des sources sur une nappe en papier festonné, le jambon de Bayonne, le poulet mayonnaise et le saucisson Olida, que faites-vous ? Studieusement penché sur la page blanche, claquemuré entre les dictionnaires Larousse, vous équilibrez la période, vous voiturez la métaphore, vous échaffaudez l'argument : vous suez, vous peinez sur une route rocailleuse pareil à l'âne de bât qui suit la compagnie. Vous butinez l'actualité, vous vous acharnez à l'ouvrage. Semblable à l'abeille diligente, vous trainez cette chronique comme un boulet de forçat. Vous en êtes à la 300e. Vous rendez-vous compte d'une telle chose ? Le zouave et le bataillonaire on droit en marche à la halte horaire. Vous êtes dispensé de cette chronique. N'objectez rien, j'en serais désobligé.