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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ouf ! J'en suis arrivée à bout ! Non, ce n'est pas ce que vous croyez, j'ai beaucoup aimé ce livre, mais il n'est pas simple à lire. L'écriture de Marie Vieux-Chauvet n'y est pour rien ! C'est simplement, qu'il faut avaler les histoires qu'elle nous raconte avec brio sur Haïti. Il faut le lire à petites doses.

Rien ni personne n'est épargnée. Aussi bien les miséreux, les pauvres que l'élite tel les bourgeois, les intellectuels, les médecins, les prêtres, les acteurs sociaux y sont pour quelque chose dans la mise en place d'un dictateur pour les diriger. Tous sont coupables. Elle dénonce la lâcheté, la méchanceté, l'envie, la jalousie, la soumission, les humiliations, les révoltes étouffées dans l'oeuf, le pouvoir.

Non pas le pouvoir sain qui permet de faire avancer les forces vives d'un pays, mais celui qui rabaisse les gens, les tire vers le bas et toute la société qui va avec, homme, donc humain, qui ne règne que pour détruire.

A travers les trois chapitres de ce livre, on découvre avec Amour, Claire qui vit avec ses deux soeurs, Anette et Félicia, dans la maison familiale. Seule Félicia est mariée. Jean Luze, son mari est français et est convoité par les deux autres soeurs.

Claire, vieille fille aigrie, raconte ses soeurs, son beau-frère, ses états d'âme, sa jalousie, sa haine, sa frustration de ne pas avoir connu l'amour, d'avoir été sacrifiée parce qu'elle n'était pas blanche, contrairement à ses soeurs.

Grâce à elle, on découvre également la petite province d'Haïti, la politique, le pouvoir, la misère, la colère, la haine, la jalousie, la torture. Les atrocités exercées par Calédu.

Colère, raconte la vie de la famille Normil, qui possède des terres. Un matin, des hommes en uniformes sont arrivés. Ils ont plantés des poteaux tout autour de la propriété familiale des Normil, les empêchant d'approcher de leurs terrains. Ils ont été spoliés. Un mur sera construit. Plus de possibilités de faire les récoltes, ce qui leur permettait de vivre.

Les voisins, les amis, tout le monde leur tourne le dos. Plus personne ne les salue. Ils sont considérés comme des pestiférés. Tous ont peur. Mais lorsque la jeune soeur, Rose, se livrera au « Gorille » pour que la famille soit préservée, ils sont revenus. Ils flattaient la famille afin qu'elle intercède auprès de Rose, donc auprès du Gorille, pour avoir des privilèges.

Chacun des protagonistes va essayer de lutter contre l'horreur. le père et le frère, vont chacun à leur façon essayer de trouver une solution pour sortir Rose de l'infamie dans lequel elle est. Mais la peur est là, elle prend chacun dans ses tripes et il est difficile de lutter contre plus fort que soi. Il y a également le grand-père et le dernier fils qui est handicapé. Il ne peut plus marcher. Ils vont se réfugier dans le Vaudou. Et la mère, qui renonce, que son mari trompe, et qui se réfugiera dans l'alcool. Tous n'en sortiront pas indemne. Loin de là.

Quant à Folie, il s'agit de 4 poètes qui se sont barricadés dans une cabane complètement délabrée. Ils y sont depuis 8 jours environ. Ils voient des diables partout dehors. Ils n'osent plus sortir, n'y pour faire leur besoin, ni pour manger… Ils ne font que boire du « Clairin », boisson locale alcoolisée et écrire des poèmes. La folie les saisit l'un après l'autre.

A travers ces trois histoires, Marie Vieux-Chauvet dénonce les horreurs que connaît son pays, Haïti sous la dictature de Duvallier qu'elle ne nommera jamais dans le livre. Ce sera Calédu, le Gorille ou le Commandant. Elle dénonce la folie furieuse et la cruauté sans limite de cet homme, ainsi que la faiblesse des hommes devant le pouvoir.

Un livre que je ne peux que vous recommander. Il permet de donner une vision précise de ce qu'est Haïti.
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Amour
C'est le premier texte. Il est le plus long, le plus dense parce qu'il colle au plus près d'un personnage. Claire Clarmont. Une femme de 40 ans, vivant avec ses soeurs dans la demeure héritée d'un père ayant fait fortune dans l'exploitation du café au début du 20ème siècle et qui a sens cesse briguer l'investiture suprême de son pays. Mais au moment où la demoiselle Claire Clarmont parle, ce père a disparu depuis belle lurette. Claire Clarmont a le point de vue marginal de la vieille fille. Distante, peu diserte, elle offre à son entourage l'apparence de la piété religieuse. Elle semble déconnectée des choses, des passions de la chaire auxquelles se livrent sa soeur benjamine ou aux sages joutes de sa soeur cadette mariée à un Français habitant la demeure familiale. Ses états d'âme révèlent un être retors, manipulateur à un niveau inquiétant, lubrique. Marie Vieux-Chauvet tente-t-elle une psychanalyse d'une élite haïtienne de son époque guindée, arrogante et pourtant si désireuse d'une sensualité qui lui fait défaut? La question raciale est au coeur de ce texte. Certains diront qu'il s'agit de luttes de classe. Mais par le jeu de la génétique dans un univers fait de brassages raciaux, Claire Clarmont nait noire dans une famille de mulâtres blancs. Avec toutes les questions qui sous-tendent, une mésestime de soi profonde qui explique le statut social et l'aigreur de narratrice au moment où elle écrit. Il me semble que le racisme qui est coeur de ce roman est l'un de plus violent qu'il m'ait été donné de lire. Ce qui peut paraître étonnant quand on parle de la première nation noire indépendante de l'ère moderne…

Colère
La violence du duvaliérisme monte d'un cran dans le deuxième texte. Elle était très présente dans le premier texte. Elle est sous-jacente dans Amour, se matérialisant par les cris qui émanent des prisons qui jouxtent la demeure des Clarmont et entrecoupant la réflexion lucide et sensible De Claire. Dans Colère, elle prend le contour d'une expropriation terrienne en bonne et due forme. Une famille plutôt noire a obtenu par d'une terre importante par un aïeul. Quand les maroutes viennent remettre en cause les limites du cadastre, c'est toute une famille de têtes brûlées qui voit son univers embarqué dans les sombres vagues du totalitarisme et de l'injustice. Enfin, injustice… Toute l'intelligence de Marie Vieux Chauvet réside dans le fait de montrer qu'il n'y a pas les bons d'un côté et les mauvais, même si l'oppresseur est décrit sous des formes caricaturales qui traduisent bien la difficulté raciale en Haïti. Mais ici,le premier enjeu du texte est d'observer la réaction des membres de cette famille face à la violence d'un pouvoir vindicatif. le texte entre là dans une dimension universelle renvoyant le lecteur à sa propre réaction et le questionne « face à l'abject quelle attitude tenir? ». Les épreuves révèlent les individus, dit-on. Colère va en être l'illustration.

Folie
Si je devais faire une thèse en littérature, je travaillerais surement sur le fou comme dispositif littéraire intéressant pour aborder la liberté d'expression et le libre arbitre. Ici, la folie se saisit de poètes. Où plutôt ces derniers usent d'elle comme un bastion les maintenant en vie. Cette dernière partie de l'oeuvre magistrale de Vieux-Chauvet interpèle le lecteur sur la position de l'intellectuel face à l'abject, la barbarie. Et quelle forme sa résistance, sa réaction peuvent-elles prendre forme dans un tel contexte. On parle d'Haïti, terre qui a broyé des hommes de lettres brillants comme Jacques-Stephen Alexis. D'une certaine manière, l'enfermement de ses personnages est prémonitoire, Marie Vieux Chauvet va connaître cette douloureuse dans son exil lointain à New-York. Prémonition. C'est finalement le texte le plus touchant et surtout le plus original puisque la romancière en scène y déploie plusieurs genres : prose, théâtre, poésie.

Conclusion

Que dire de plus? Que ce texte me parle? C'est une évidence. Qui a connu une once de régime totalitaire comprendra forcément les logiques qui sont en jeu. J'aimerais que le plus grand respect que j'ai pour cette oeuvre de Marie Vieux-Chauvet, c'est avant tout la sincérité et l'honnêteté qui s'en dégage. La romancière appartient à l'élite mulâtre qui dans un premier temps a tout à craindre pour ses privilèges de ce pouvoir nègre qu'incarne une certaine phase du duvaliérisme. On lit la revanche qui transpire des parvenus qui détiennent le pouvoir. Et la race bout dans toutes ces questions et ces états d'âme. La diabolisation de l'autre est un concept très présent avec des métaphores très crues, comme dans le dernier texte. On découvre en filigrane une nation malade de son histoire, loin des images d'Epinal que portent Les gouverneurs de la Rosée. Il est difficile de ne pas ressentir ce texte et il faut énormément de grandeur pour mettre en scène toutes ses peurs et en même temps se tenir à distance. Un livre à la hauteur de ce qu'est la littérature haïtienne : magnifique et indispensable.

Lien : http://gangoueus.blogspot.fr..
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"Un livre disparu, un stock acheté et détruit après publication par le propre mari de l'écrivaine pour tenter de la protéger de Papa Doc, la soif de vengeance du tyran sanguinaire, l'exil, la mort, et finalement, après 46 ans, le retour de la voix rebelle, la réédition du roman qui démonte brillamment les rouages de la dictature haïtienne."
Pierre-Romain Valère
Lien : https://doublemarge.com/cate..
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Comme l'indique la quatrième de couverture, « Ce livre est un miracle ». Miracle de le tenir entre nos mains et de le lire aujourd'hui. À sa parution initiale, il a été banni en Haïti par les autorités en place, il a contraint Marie Vieux-Chauvet à l'exil et la plupart des exemplaires ont été volontairement détruits pour assurer la sécurité de l'autrice et de sa famille. le livre regroupe trois récits indépendants dans lesquels la dictature se retrouve en toile de fond ou à l'avant-plan et où la couleur de peau des personnages n'est jamais anodine.

Le premier volet de la trilogie, Amour, est pour moi un gros coup de coeur, en grande partie grâce à sa narratrice. Claire (prénom pour le moins ironique) est une marginale et elle bout de l'intérieur, dans son corps comme dans son esprit. Elle habite une grande maison avec ses deux soeurs cadettes et son beau-frère. Elle a la peau foncée, alors que ses soeurs ont la peau claire. À presque 40 ans, elle est toujours vierge et elle vit en plein délire amoureux. Son ton acerbe s'est avéré délectable pour la lectrice que je suis. Dans les deux autres récits, l'absurdité (kafkaïenne dans le 2e volet) et la violence montent d'un cran.

Je vous recommande chaudement cet ouvrage, d'une rare puissance, dans le fond comme dans la forme.
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Déniché au hasard à l'Alinéa en prévision de mon propre anniversaire, tout simplement parce que je cherchais un auteur dont le patronyme commençait par V pour mon Challenge ABC 2015, cette réédition d'une trilogie parue en Haïti en 1968, autocensurée et oubliée (en tout cas, par ceux qui me parlent littérature habituellement), est une grande découverte de cette année pour moi.

AMOUR : En Haïti, les trois soeurs Clamont, Claire, 38 ans, Félicia, 30 ans, Annette, 22 ans, propriétaires terriennes, vivent ensemble dans leur maison familiale comme les soeurs O'Hara pouvaient vivre à Tara, post bellum, la gêne financière en moins, mais le huis-clos pesant en plus. Nous voyons les événements par les yeux brûlants de passion cachée de l'aînée, quadragénaire et vierge, comme elle se définit, qui s'est interdit de vivre par honte de sa peau noire, dont elle est la seule à porter l'atavisme dans une famille au métissage oublié. Elle brûle pourtant d'amour et de désir pour son beau-frère venu de France et vit ses sentiments, son désir de sexe et de maternité, par procuration. Elle porte aussi en elle une grande haine pour les oppresseurs politiques et voit les mendiants espions comme on pourrait voir des zombies dans un roman fantastique : avec horreur, dégoût et crainte. Claire est la seule narratrice et l'expression sans fard de sa passion et de sa souffrance, dénuée désormais de toutes les censures, de tous les tabous qui l'ont fait passer à côté de sa vie, m'a bouleversée.

Cf. notes pour "Colère" et "Folie" sur mon blog
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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