on pouvait faire çà avec l'art: changer les règles, modifier l'horizon, embellir les couleurs Dommage que se ne soit pas si facile de faire pareil dans la vraie vie
il fallait s'arranger pour effacer les erreurs des générations précédentes A croire qu'ils portaient tous les problèmes du monde sur leurs épaules
il avait roulé vers le sud, pensant laisser le chaos derrière lui, alors qu'il l'emportait avec lui niché au plus profond de son être
_Cela n'a pas été aussi soudain pour vous que vous le pensez. C'est très graduel, cette façon de " revoir la lumière", comme vous dites. N'oubliez pas, je vous ai observé. Vous avez guéri peu à peu. Il en va ainsi avec les blessures les plus profondes de la vie.
_Je n'ai pas du tout la bosse de l'art.
_ La bosse de l'art? reprit-elle dans un éclat de rire. L'art vient plutôt du coeur. Et de l'esprit. Ca se ressent.
_Je suis perdu pour la cause, dans ce cas. Je n'ai pas de coeur non plus.
Prendre un nouveau départ, c'est impossible, en fait, non ? Ce que je veux dire, c'est qu'on emporte tout avec nous, que çà nous plaise ou non. Ce à quoi je voudrais échapper est enfoui dans mon cœur.
Ils étaient tout proches, à présent. Et la chose ressemblait bien à une baleine. Une forme bossue calée dans le sable, encore à moitié dans l'eau, avec des vagues qui lui roulaient par-dessus. Brillante et noire. Énorme. Lex vit sa queue se soulever légèrement au dessus de l'eau. Merde. Elle était en vie.
Le monde se referma sur lui comme une couverture de silence
-Comment t'as fait ? demanda Callista. Après Kate ?
Jordi contempla longuement le vallon avant de répondre.
- Il n'y a pas de secret, finit-il par soupirer en se tournant vers elle, le regard brûlant. Pas de solution facile. Il savait tout aussi bien que Callista qu'il est facile dde se perdre dans la brume. Elle le dévisageait tandis que sa poitrine se serrait et que des larmes nouvelles coulaient sur son visage.
- Il faut juste réamorcer sa ligne et, dès que ça mord, suivre la marée, dit-il. Sinon, on se noie.
Callista s'essuya les yeux sur sa manche.
- Avec le temps, un chemin finit par apparaître.
Au bout d'un moment Lex se rendit compte qu'il était heureux, étonnamment en paix, et étrangement seul malgré la présence de Jordi et de Callista. Il se tourna et vit leurs visages lisses et impassibles, leurs yeux perdus au loin, leurs esprits agréablement libérés, par le simple fait d'être là, sans penser à rien, comme lui. Voilà donc pourquoi les gens pêchaient. Pas seulement pour attraper des poissons mais aussi pour cela - ce détachement, cette solitude. C'était une révélation.