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sur 108 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un titre qui annonce parfaitement la couleur et à l'arrivée, une démonstration glaçante et implacable sur un monde du travail qui ne propose aucun sens, confine parfois à l'absurde et parvient à fabriquer des monstres. Mais il ne faut pas se tromper, le monde du travail - en l'occurrence l'hypermarché - pris ici comme cadre de l'intrigue n'est que la reproduction miniature de la société dans son ensemble. Constat terrible parce que très juste.

"Toi, tu as tout compris". Cette phrase l'héroïne - que l'on ne désigne que par le pronom "elle"- l'entend régulièrement murmurer sur son chemin au fur et à mesure qu'elle franchit les échelons, passant de stagiaire arrivée un peu par hasard dans ce rayon textile d'hypermarché à Chef de secteur. Pourtant, elle donne l'impression de naviguer à vue, sans ambition, sans envie particulière, sans beaucoup d'estime d'elle-même. Mais elle trouve dans l'entreprise un univers auquel se raccrocher, un écosystème dans lequel elle a enfin l'impression d'exister, elle qui se sent comme "une poche qui a besoin d'être remplie". La façon dont l'auteur dépeint l'entreprise est malheureusement parfaitement réaliste, le trait à peine forcé pour les besoins de la démonstration. Rapports humains faits de méfiance, de crainte et de représentation. Des jeux de rôles plutôt qu'une réelle implication dans son travail, à cause de méthodes de management où le vocabulaire brillant est là pour cacher la vacuité de l'ensemble.

Elle passe vingt ans à protéger son statut, à éloigner les petits ambitieux qui voudraient prendre sa place comme elle-même s'y est employée avec l'arrogance de ses vingt ans. Elle se raccroche à ce qu'elle peut : un statut, la proximité avec la direction qui symbolise le pouvoir et lui procure l'illusion de la réussite. Même la liaison qu'elle entretient avec un ancien cadre de l'hypermarché n'est qu'un mensonge qu'elle refuse de voir. Au point de passer à côté de sa vie de femme et de ne pas savoir saisir l'occasion d'un possible bonheur lorsqu'elle se présente.

Si le sujet peut sembler "casse-gueule', le résultat m'a agréablement surprise. Outre la description de l'univers du travail très bien sentie (les petits chefs, la quête du moindre pouvoir, l'épuisement des salariés et leur renoncement seule façon de préserver leur santé mentale...), la structure en deux parties rend le constat vingt ans après encore plus désolant et l'accélération de l'intrigue en fin de livre laisse un peu KO devant tant de gâchis. Enfin, la confrontation des générations apporte la dernière touche de vérité, avec l'apparition de "Il", symbole de la génération Y dont le rapport au travail parle de réalisation et d'épanouissement plutôt que de statut et de reconnaissance. Une génération que le monde de l'entreprise dirigé en majorité par la génération X n'a toujours pas réussi à comprendre. En quelques chapitres, ce roman en dit plus sur le sujet que la plupart des conférences qui lui sont dédiées.

C'est bien le roman du vide dont il s'agit, un thème illustré par les notes de l'héroïne à chaque fin de chapitre. le roman d'une vie absurde, fruit de la société dans laquelle nous vivons. A méditer.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Un roman sur la dépersonnalisation

Quand on commence Ressources inhumaines, de Frédéric Viguier, on pense naturellement aux scènes du Film La loi du marché de Stéphane Brizé, qui se passe dans un hypermarché, et qui a valu à Vincent Lindon la palme d'or au festival de Cannes. La façon dont une employée est mise à pied cruellement pour une raison futile y semble d'emblée assez comparable. On se dit également qu'il est bien normal que l'art s'empare de ce lieu hautement présent dans nos vies contemporaines et plutôt assez absent de la littérature jusqu'à présent, d'où le récent texte d'Annie Ernaux qui s'en saisissait également dans "Regarde les lumières mon amour".
Mais on se rend vite compte de la singularité du roman de Frédéric Viguier, qui à mon sens, dépasse l'entreprise stricte du roman réaliste, et nous parle de façon saisissante d'un sujet plus existentiel: la vacuité volontaire d'un personnage qui décide de se laisser porter par la vie et ses opportunités. Il est beaucoup question de poches qui se remplissent, dans ce livre, comme si "elle" (car l'héroïne n'a pas de nom...) n'était qu'une poche vide qui cherche à se remplir.
N'allez pourtant pas prendre pour une simplette cette petite stagiaire ravissante, qui n'hésite pas à recourir à la "promotion canapé" pour grimper fissa les échelons du magasin en donnant à tous l'impression "d'avoir tout compris", alors qu'elle n'obéit qu'à ses instincts - comme une sorte de prédatrice naïve, marionnette dérisoire de notre civilisation fondée sur les apparences. En fin de chapitre, des pensées du personnage en italiques apportent un point de vue distancé sur ce qu'elle ressent, beaucoup plus complexe que ce que les autres en perçoivent.
La jolie armure de protection de notre héroïne anonyme, qui se croyait invincible, se fissure donc quand elle rencontre "lui", "l'autre", un personnage masculin qui est un peu son antithèse, aussi humain qu'elle se refuse à l'être. "Il est bien connu que les contraires s'attirent", comme elle le dirait sans doute, elle qui aime tant s'exprimer par dictons: mais le rapprochement dangereux risque bien de faire exploser tout un système.
Le style sec de Frédéric Viguier a quelque-chose d'implacable, à l'image des verbes au futur qu'il aime utiliser, rares dans un roman, et qui annoncent, comme dans une tragédie, ce qui va arriver, en romancier super-omniscient. Ce surplomb troublant de l'écrivain par rapport à son personnage fait penser à celui des cadres sur les employés de l'hypermarché depuis la coursive... Et au dessus de la coursive, "il n'y a rien"...
Bref, j'ai beaucoup aimé la complexité de ce roman qui nous parle du vide d'aujourd'hui de façon glaçante, mais pas de façon simpliste.
Lien : http://effleurer.une.ombre.o..
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Alors qu'elle avait 22 ans, elle a fait un stage dans une enseigne de la grande distribution. “Elle” n'a pas une personnalité bien remarquable, mais dans ce milieu, elle va apparaître adaptée. Très adaptée. Un instinct opportuniste qui lui permet de comprendre vite ce qu'il faut dire et faire, sur les meilleures façons de manipuler, de mentir, de trahir… pour simplement s'approcher des lieux de pouvoir et se faire accepter par ceux qui y siègent.

“Elle” n'a pas de nom car son identité semble bien se réduire à la place qu'elle occupe dans l'entreprise, à la fonction qu'elle y occupe et au travers de laquelle les autres l'identifient, la regardent et la reconnaissent : la stagiaire puis la responsable du rayon textile femme. D'ailleurs, avoir un nom, ou ne serait-ce qu'un prénom, ne semble pas très adapté dans cet univers. Les seuls personnages ayant un nom dans ce récit sont condamnés à sortir de la scène de l'hyper-marché, cet univers où les sentiments humains doivent s'effacer devant les stratégies rationnelles des individus, leur lutte pour les places, dans la hiérarchie comme sur le parking du personnel.

La première partie du récit nous conte l'irrésistible ascension de “elle”, une ascension aussi méthodique et froide que l'air des frigos et des congélateurs du rayon alimentation. Nous plongeons en apnée dans le monde mécanique et dépourvu d'émotions du management moderne où contrôle, rendement et performance sont les maîtres mots du pouvoir, même s'il est souvent possible de truquer et de s'arranger avec les dispositifs de l'organisation rationnelle et les logiques des “ressources humaines” par la ruse… tant que personne ne vient vous dénoncer ! Seul petite lucarne d'humanité , le journal qu'”elle” tient, et où “elle” apparaît dans un amoralisme et un égoïsme très ordinaire… Qui est peut-être encore plus désespérant.

Puis, un jour, “lui” arrive, avec ses idées qui ne rentrent pas dans les modèles en place, “lui” qui n'a pas non plus de nom, mais qui existe en dehors et au delà de cet univers clos qu'il va bousculer. “Lui” qui va entraîner “elle” sur des chemins inconnus, imprévus, incontrôlables. Celle qui avait tout compris si vite, comme l'on disait d'elle si souvent, va comprendre qu'elle n'avait peut-être pas tout à fait tout compris… Et tout, dans cet univers, absolument tout, a un prix. Les fidélités comme les trahisons, les erreurs comme les succès, les sourires comme les regards de travers, la distance comme la proximité… le prix à payer pour gagner et perdre, pour perdre et gagner, “elle” va petit à petit le découvrir…

Une écriture sans effet ou le narrateur joue avec la distance qu'il met entre lui, son récit et le lecteur, et qui transforme une vie terrifiante d'ordinaire en un destin au suspense attachant.
Lien : http://filsdelectures.fr/blo..
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L'hypermarché, ce lieu où nous passons chaque semaine pour remplir nos placards et nos réfrigérateurs, est le décor de ce roman. Mais ici ce sont le coulisses qui nous sont décrites. Nous sommes plongés dans ce lieu où travaillent des centaines de personnes.

Elle (son nom n'est jamais mentionné) a 22 ans au début du roman. Sa vie est vide, elle ne ressent rien. Après un BTS, elle se décide à postuler pour un stage dans un hypermarché proche de chez elle car il faut bien qu'elle fasse quelque chose de sa vie. Il faut bien combler ce vide.

"J'ai fait un rêve étrange.
J'ai rêvé que j'étais une poche.
Une poche plate et sans relief, parce que vide...
C'est étrange de se rêver en poche.
C'est un rêve qui me plaît.
J'ai pensé, une poche est utile si on la remplit...
Une poche ne sert qu'à ça : être remplie !
Mais alors par quoi ? Et par qui ?"

La suite de ma chronique sur mon blog. Suivez le lien ci-dessous.
Lien : http://leslecturesduhibou.bl..
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J'ai trouvé le livre intéressant, ce sujet n'a pas souvent été évoqué dans la littérature actuelle. Un livre édifiant, je le conseille à tous, car on est tous les témoins ou les victimes de ces injustices. A lire aussi pour la plume d'un style assez sec d'un auteur que je ne connaissais pas. J'ai apprécié aussi les verbes au futur qui mettent en valeur l'histoire, c'est assez rare dans un roman car il nous annonce une tragédie… nous sommes vraiment plongés dans ces lieux où travaillent des centaines de personnes c'est-à-dire dans les coulisses d'un hypermarché où les carrières sont menées tambours battants avec stratège.
Un premier roman vraiment réussi à la fois très touchant surtout gênant et qui frappe fort.
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Un titre on ne peut plus pertinent pour ce roman : je ne connais pas vraiment le milieu de la grande distribution mais il est réputé comme très dur, où le seul individu considéré est le client, mais certainement pas l'employé.
On est effrayé au long de ce livre de l'évolution de la mentalité de l'héroïne, qui devient une "tueuse" pour se préserver dans ce monde hostile et implacable, mais qui finit par se tuer elle-même...
Un premier roman qui frappe fort.
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Le titre lui-même en dit long.... Et donne le ton d'entrée de jeu.
Bienvenue dans la grande distribution !
Frédéric Viguier, lors de la présentation de son livre, se dit être un rescapé de l'hypermarché et sa voix en porte encore les stigmates.
A travers ce roman, il dénonce entre autre, les méthodes de management peu orthodoxes utilisées dans le milieu de la grande distribution. Durant ma lecture, de nombreux faits relatés m'ont rappelé ce qu'un de mes proches m'a nombreuses fois raconté subir depuis des années.
Immersion brutale dans son quotidien.
Un monde dans lequel chacun essaie de faire sa place au détriment de l'autre et peu importe les conséquences.
Un monde de profit et d'intérêt.
Un monde dans lequel l'ascension la plus spectaculaire peut se changer en chute vertigineuse, du jour au lendemain, sans prévenir.
En somme, une image très sombre du monde du travail et les coulisses de l'hypermarché comme on les a jamais vues.
Alors savoir si j'ai apprécié ce roman, la réponse est non.
Car il renvoie à une situation difficile qu'a vécu quelqu'un que j'aime et j'aurais préféré que ces méthodes de management n'existent dans aucune entreprise.
Alors non j'ai pas apprécié ce livre et pourtant, merci Frédéric Viguier d'avoir osé l'écrire et d'avoir osé dénoncer.
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Une histoire qui fait froid dans le dos et d'un réalisme d'actualité.
La narratrice vient de se voir offrir le poste de chef de secteur textile dans le supermarché dans lequel elle travaille depuis 20 ans.
Entrée comme stagiaire, elle ne connait rien au commerce et à ses stratégies. Manipulation, regard bien placé, ce qu'il faut avec qui il faut quand il faut et en quelques jours la voilà promue chef de rayon. Comme étudiante en BTS, elle se définissait en négatif par ce qu'elle n'était pas : pas de regret, pas d'amertume, aucun enthousiasme, peu d'envie et rarement de grands sourires. Mais dans ce travail, elle va s'épanouir. Fini la boule au ventre au quotidien, elle a trouvé où s'investir… à sa manière… A travers la narratrice uniquement désignée par le pronom ‘'elle'', (cela pourrait donc être n'importe qui), c'est le milieu des grandes surfaces qui est passé au vitriol. Mais cela pourrait être n'importe quelle grande entreprise d'aujourd'hui, du moment qu'elle a un service de ressources humaines et une volonté de faire du chiffre qui passe avant le bien-être des salariés. Un panier de crabes terrifiants, quand on doit sa place à la stratégie et non à ses qualités professionnelles. Et même quand c'est le cas, on n'est pas à l'abri.
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Vous connaissez le Bel-Ami de Maupassant ?
Dans ressources inhumaines, cette histoire est transposée au début du XXIe siècle : parcours d'une jeune stagiaire de vingt-deux ans dans l'univers impitoyable de la grande distribution.
Un titre qui annonce parfaitement la couleur et à l'arrivée, une démonstration glaçante et implacable sur un monde du travail cruel, insensé, qui pousse à l'absurde, qui tend à créer des monstres.
C'est le roman d'une vie absurde, sur un sujet certes tant traité déjà, mais dont le résultat surprend, roman du VIDE.
C'est un peu ici comme la reproduction miniature de la société dans son ensemble, avec comme cadre l'hypermarché.
Constat terrible parce que très juste, et c'est carrément flippant, si je peux me permettre !
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Une histoire intéressante, caricaturale même, sur le monde du travail, le milieu de la grande distribution et du commerce en général. Cependant, cette vision du monde du travail, autoritaire et dure peut s'appliquer à tout domaine d'activité.
L'auteur dépeint à travers l'ascension d'une jeune stagiaire au poste de responsable, un monde de fauves et de jungle, où règne le harcèlement, la promotion canapé, l'écrasement de l'autre, une absence de solidarité.
Celle-ci souhaite par-dessus tout, accéder à un poste important, et met tout en oeuvre pour y arriver, au détriment de son intégrité, du respect et de l'estime de soi.
C'est une vision extrémiste qui met également en garde sur les travers, et qui montre que le monde du travail ne suffit pour avoir une vie épanouie, mais qu'il en est une composante.
Lien : http://carnetslecturesophie7..
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