La version de Madame de Villeneuve date de 1740 et se trouve dans son ouvrage La Jeune Amériquaine et les contes marins (je vous rassure, je ne me suis pas trompée d'orthographe). Celle de Madame Leprince de Beaumont date de 1757 dans son livre le Magasin des enfants. Il ne faut pas s'y tromper : les contes appartiennent à tout le monde, cette histoire remonte probablement à l'Antiquité,
Apulée serait l'un des premiers à l'avoir racontée.
Madame Leprince de Beaumont a aimé l'idée de base reprise par
Madame de Villeneuve et en a réécrite une version, beaucoup plus courte (elle écrivait plus à destination des enfants), en se basant sur la version précédente et faisant de grandes coupes dedans. J'ai tout de suite moins de sympathie pour
Leprince de Beaumont, que je n'aimais déjà pas beaucoup suite à ma première lecture de son conte. le coup de coeur de cette critique est bel et bien pour la version de 1740.
Le conte de Madame de Villeneuve fait plus de cent pages. Il est organisé en deux parties. La première s'arrête lorsque la
Belle revient rendre visite à son père. La deuxième partie explique en fait tout le background de l'histoire, après les retrouvailles de
la Belle et la Bête et la fin de la malédiction. Les adaptations s'attardent en réalité sur la première partie de l'histoire de Madame de Villeneuve, avec la façon dont
Belle se retrouve à vivre dans le château et la façon dont elle et la Bête s'apprivoisent l'un l'autre. C'est une partie réellement enchanteresse. J'ai adoré suivre d'abord les déboires de la famille de
Belle, et de son père en particulier, puis son arrivée au château, et la découverte pour le lecteur de ce lieu magique. L'imagination de Madame de Villeneuve est fertile et ses descriptions m'ont fait rêver, surtout qu'elle a une très
belle plume (et plutôt accessible). J'ai apprécié le personnage de
Belle, qui est très développé. Elle est attachante et malgré mes premières craintes, on y croit. C'est vrai quoi, elle est parfaite ! Et pourtant je l'ai trouvée vraie, parce qu'elle a des peurs, qu'elle évolue, qu'elle souffre même par moments.
La deuxième partie m'a beaucoup étonnée parce qu'on ne la connaît pas du tout ! Je n'avais jamais entendu parler de cet aspect de l'histoire. J'étais donc très curieuse d'avoir toutes les explications, et ne croyez pas qu'elles ne portent que sur la Bête, loin de là… La Bête est vraiment un monstre physiquement. Elle a une trompe (oui, vous avez bien lu !) et des écailles qui font un bruit horrible quand elle marche. Si elle parle sous le coup d'une émotion, elle produit des sons effrayants. Elle est lourde, pataude. Bref, elle fiche quand même la trouille au début, et pour qui ne connaîtrait pas l'histoire (même si ce ne doit pas être fréquent !), on pourrait penser qu'elle va vraiment bouffer
Belle dès son arrivée (ça n'aurait rien d'extraordinaire dans un conte…). Il y a bien une morale (mais pas formalisées comme chez Perrault), elle est diffuse et reprise plusieurs fois dans le conte, au travers des rêves de
Belle et bien sûr à la fin. C'est une morale, donc elle donne une leçon, apprend quelque chose au lecteur, mais elle n'est pas moralisatrice. L'auteure s'est placée « dans un pays lointain », et de ce fait la religion n'a pas sa place dans ce conte. On est sur l'être humain, les éléments fantastiques ne sont là que pour les mettre en lumière, montrer leurs qualités ou leurs défauts. Je termine cet éloge de la version de Madame de Villeneuve en disant que la version Folio à 2€ fait précéder le texte d'une introduction très intéressante et que j'ai pris grand plaisir à lire.
Vous l'aurez compris, je suis complètement tombée amoureuse du conte de Madame de Villeneuve, et j'aimerais beaucoup avoir une édition complète de l'oeuvre à laquelle appartient
La Belle et la Bête. Je continuerai bien sûr à voir très souvent le film d'animation de Disney, qui reste mon préféré. J'ai aussi très envie de lire d'autres réécritures de cette histoire, notamment la version d'Eloisa James et celle de
Robin McKinley.
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