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Citations sur La révolte (18)

FÉLIX (après un grand silence) : Quelle heure ?
ELISABETH : Très tard.
FÉLIX (très froidement) : Déjà minuit ? (II remonte la lampe en clignant des yeux.) Diable de lampe ! qu‘est-ce qu'elle a donc ce soir ?... On n'y voit pas !... Baptistin !... François !... François !
ELISABETH (reprenant sa plume) : Comme ils étaient fatigués, je leur ai dit qu'ils pouvaient monter dans leur chambre.
FÉLIX (entre les dents) : Fatigués !... fatigués !... Eh bien ! et nous ? Tu t'en laisses imposer, ma chère amie. Ces gaillards-là ne valent pas la corde pour les pendre. Ils abusent. (Il se lève et allume un cigare à un candélabre sur la cheminée; puis, le dos au feu. les basques relevées sur les mains, il fume.) Ils abusent. D'ailleurs, assez pour aujourd'hui... tu te feras mal.
ELISABETH : (souriante) Oh ! vous êtes trop bon...
FÉLIX (lent et glacial) : As-tu fait passer les quittances Farral, Winter et Cie ?
ELISABETH (tout en écrivant) : Les reçus en sont épinglés, deuxième tiroir, à la caisse.
FÉLIX : Et l'assignation Lelièvre ?
ELISABETH : Insolvables. Ce sont de pauvres, de très pauvres gens.
FÉLIX (secouant la cendre de son cigare) : L’immeuble vaut toujours bien quelque chose.
ELISABETH (après un instant) : En ce cas, expédiez vous-même l’ordre d'assignation.
FÉLIX (d'un ton léger) : Hein ?... (A part : ) Ah oui !... l'attendrissement ? Pas de ça !... (Haut : ) Écoute, il faut des yeux secs pour y voir clair, en affaires. Si nous attendons l'expropriation, nous ne serons payés qu'au prorata.
ELISABETH (un peu moqueuse) : Ce serait horrible, il est vrai.
FÉLIX : Oui... au prorata! au prorata des dividendes !... après homologation du concordat !... et cætera ! et cætera ! et cætera !... Comprends-moi bien, mon enfant, je n'actionne impitoyablement ces pauvres Lelièvre que par principe. Je puis pleurer sur leur sort, mais, sarpejeu ! il faut être sérieux en affaires !...

Scène I
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ELISABETH : Je veux vivre ! Entendez-vous, insensé que vous êtes ! Vous ne comprenez pas cela, vous, qu'on puisse raisonnablement vouloir vivre ? Enfin ! J'étouffe ici, moi ! Je meurs de mon vivant ! J'ai soif de choses sérieuses ! Je veux respirer le grand air du ciel ! Emporterai-je vos billets de banque dans la tombe ? Combien croyez-vous donc qu'on ait de temps à vivre ? (Un silence ; puis, pensivement) Vivre ? ... Est-ce même là ce que je désire ? Ce que je puis désireraujourd'hui ?... — Un amant. disiez-vous ? ... Hélas, non ! Je n'en ai pas, je n'en aurai jamais ! J'étais faite pour aimer mou mari, entendez-vous ? Je ne lui demandais qu'une lueur d'humanité !... Aujourd'hui, ne comprenez-vous pas que c'est fini, et que l'orgueil de l'amour s'est éteint dans mes veines ?... Que je ne puis revenir sur mes pas? Que vous m'avez pris, comme rien, à moi stupide et dans l'angoisse, tout ce que j'aurais voulu donner, oh ! follement ! et pour toujours ! Et sans regrets ? Je ne vous souhaite pas de vous douter jamais de ce que vous avez perdu !... Vous êtes comme un juif aveugle qui a laissé tomber ses pierreries sur le chemin.
FELIX (la regardant avec inquiétude, à part) : Je la crois atteinte !... (Haut, d'un ton lent et glacial) Voyons, voyons, calme-toi ! .... Ce sont des mots, tout cela, vois-tu. Il ne faut pas, comme cela, se monter la tête avec des phrases... Si tu allais un peu dormir, hein ? ... C'est une idée, cela ?...
ELISABETH (impassible) : Des mots ?... Et avec quoi voulez-vous que je vous réponde ?... Avec quoi me questionnez-vous ... Je n'entends sonner que l'argent dans vos paroles : si les miennes sont plus belles et plus profondes, plaignez-moi ! C’est un malheur irréparable, mais, enfin, c'est ma manière de parler. Et puis, qu'importe cela, désormais ! Nous avons raison tous les deux, vous dis-je ! Mais il ne s'agit plus seulement d'avoir raison ici ! Je sais bien que ce sont «des mots » pour vous, l'immense désir d'aimer, au moins, la lumière et la splendeur du monde, lorsqu'on ne peut plus rien aimer socialement, pas même le lucre !... Je sais bien que cela vous fait hausser les épaules, l'espérance, le soir et la solitude auprès d'une belle jeune femme silencieuse !... Je sais bien que le mystérieux univers ne fera naître éternellement sur vos lèvres qu'un sourire frais et reposé (car rien ne fut jamais triste ou mystérieux pour vous, même la Science, ni même la Mort !) Je sais bien qu'en esprit éclairé, vous ne dédaignez pas, « une fois le temps », l'espace, le vent de la haute mer. Les rochers, les arbres des montagnes, le soleil, les bois, l'hiver et la nuit. Et les cieux étoilés, si toutefois il est encore, pour vous, des cieux ! Vous trouvez cela « poétique » ? Vous appelez cela « la campagne » ? Moi, j'ai une autre façon de regarder ces choses ! Et comme le monde n'a de signification que selon la puissance des mots qui le traduisent et celle des yeux qui le regardent, j'estime que considérer toutes choses de plus haut que leur réalité, c'est la Science de la vie, de la seule grandeur humaine, du Bonheur et de la Paix.

Scène I
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ELISABETH (feuilletant les papiers d'un portefeuille) : Oh ! l'air que j'ai, moi, monsieur, ne signifie jamais rien. (Après un court silence et d'une voix brève ) Voici le compte exact de votre fortune, triplée, en effet, depuis quatre ans et demi... soit un million deux cent soixante-dix mille francs. J'ai gagné, personnellement, sur cette somme, cinquante mille deux cent quatre-vingts francs, représentant les commissions dont ci-joint les notes détaillées, non compris mes appointements, à dix heures de travail, chaque jour (le dimanche excepté), depuis quatre ans et sept jours, dont voici le compte - sans intérêts. La loi vous donne droit, à titre de chef de la communauté, aux deux tiers de ces bénéfices et rémunérations. Soustraction faite, il me reste trente-deux mille francs, moins seize francs trente centimes, que voici (elle pose quelque argent sur la table.) Ce porte-monnaie contient environ deux cents francs. Il me vient d'autrefois. C'est ma bourse de jeune fille. Elle est en dehors de ma dot : c'est un bien dont le Code civil m’octroie l'administration. Je puis donc vous paver avec ceci l'excédent des trente-deux mille francs... si vous voulez bien le permettre, monsieur.
FELIX : Que signifie ?... Perds-tu le sens commun ?...
ELISABETH (d'un ton coupant et bref) : Quant au prix de mes vêtements, en voici le détail, déduit et soldé depuis quatre ans et cinq mois : dix-huit cent dix-sept francs juste. Je vous ferai observer que la loi vous a obligé à m'abriter et me nourrir, depuis le jour où vous m'avez mis au doigt cet anneau. (Elle ôte son alliance et la pose sur la table sans affectation.) Les dentelles, les diamants de ma corbeille de noces et les autres bijoux sont en haut, dans mon secrétaire. En voici le relevé, lié à la clef de ma chambre. (Elle pose la clé sur la table.) Ma dot vous appartient de droit : n'en parlons plus. Ces deux cent mille francs serviront, je pense, à l'éducation et au mariage de votre fille, de l'enfant que je vous ai donnée, et que la loi. constamment prévoyante, ne me permet pas d'emporter avec moi. Gardez-la. Je l'ai embrassée ce soir, pour la dernière fois sans doute, en la couchant dans son berceau.

Scène I
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D’ailleurs, que nous importe même la justice !...
Celui qui, en naissant, ne porte pas dans sa poitrine sa propre gloire, ne connaîtra jamais la signification réelle de ce mot.

-Avant-propos-
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On n’est au-dessus de la Loi qu’à condition de s’y soumettre.
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FELIX : […] Tu m’oublies ? Soit ! Mais, et tes devoirs de mère ? … Tu me parles de grands arbres, de compagnons du soir ! … Et ta fille ? Voilà, voilà ton vrai compagnon du soir, entends-tu ? … Tu dois l’élever ! lui inculquer l’amour filial, lui enseigner ce qu’une femme doit savoir, la tenue des livres, les notions saines, la vie utile et active !... Tu peux même lui apprendre ses patenôtres : je te le permets. – Oui, oui.
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Et vous ne sauriez vous figurer cependant, monsieur, l’indifférence que vous m’avez toujours inspirée.
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Les reproches qui m’ont été adressés se résument toujours à celui-ci, dont je ne nommerai même pas le gracieux auteur : « Si tout le monde allait rêver, l’Humanité finirait : il est donc beaucoup plus utile de faire des bottes. » - Brave homme, si tout le monde se mettait à faire des bottes, l’Humanité finirait également. Il est vrai que nos successeurs sur la planète pourraient s’écrier avec orgueil à la vue de nos produits : « Comme nos devanciers se chaussaient bien !

-Avant-propos-
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Si vous pouviez vous rendre compte, un seul instant, de ce que vous m'avez fait, le remord empoisonnerait pour toujours votre quiétude inconsciente. Vous ne pouvez pas le savoir, ni le comprendre, de sorte que, pour comble d'ennuis, je n'ai même pas, avec vous, la ressource de la haine.
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Au fond rêver, c'est mourir ; mais c'est mourir, au moins, en silence et avec un peu de ciel dans les yeux !
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