Citations sur Soixante-seize clochards célestes ou presque (9)
Robert Walser (1878-1956)
Robert Walser est un promeneur céleste. C'est un aventurier du minuscule. Un explorateur de l'évanescent. Après ses études, Robert Walser a tenté quelques métiers (domestique, employé, secrétaire), mais dès ses premiers succès littéraires d'estime, il cessa de travailler pour se consacrer à ses trois passions: écrire, marcher et disparaître. (....)
Robert Walser sait que l'essentiel est dérisoire et que le dérisoire est essentiel (p. 180)
Albert Cossery (1913- 2008)
"Pourquoi écrivez-vous , " , il répondait : "Pour que quelqu'un n'aille pas travailler le lendemain. " Merci Albert. (p. 59)
Jules Renard
(1864-1910)
Sa mère lui a appris la méchanceté très tôt, son père le courage qui se tait. Le ciel lui aura enseigné à nuancer ses grisailles. Eduqué, oui, lettré, oui, sauvé par les livres, sûrement. (...)
Trop tendre, trop juste, trop conscient. Pour ça qu'il s'habille d'épines. (p. 121)
Thierry Metz (1956-1997)
Thierry Metz a été exclu de la vie par la souffrance. C'était pas un gringalet. D'abord, il a été poète. Non, manœuvre. Non, poète. Non, manœuvre. D'abord il a été poète et manœuvre. Il écrivait avec sa pioche. Une fois la sueur évaporée, l'encre disait la pierre. Et la main. Et le souffle. L'encre disait le rien. La bouteille et la trime. Le temps qui creuse les lombaires. Le collègue. Le chef. Le mur. Autrement dit, l'encre disait le tout. (p. 125)
Le vieux Buk est devenu riche et célèbre en restant simplement aussi sincère qu'un crachat.
Le vieux Buk a toujours une main glissée sous la jupe du ciel et l'autre accrochée à la cuvette.
Le vieux Buk est un connard.
Le vieux Buk est une plaie.
Le vieux Buk est un poète.
Et y en a pas trois mille des poètes.
Jules Mougin (1912-2010)
Du début à la fin
Mougin était facteur
Dubuffet et Chaissac
lui écrivaient des lettres
Pendant qu'il leur dessinait des poèmes
il peignait directement
sur les branches de son jardin
Et sur ses filtres à café
C'était un petit chanteur de misère
marqué par le ventre de putain
de l'usine et de la guerre
"Occupe-toi de ta propre joie"
Voilà ce qu'il écrivait
sur les boîtes à camembert
Jules Mougin est mort le 6 novembre 2010
Il disait : " J'ai tellement regardé le vieux
mur de la grange du père Monnier .
C'est lui qui m'a appris à dessiner."
Il disait : "tout compte: le caillou, la bouse
de vache
et l'oignon." (p. 129-130)
Roger Rudigoz ( 1922- 1996)
Attention, chien méchant. On sait bien que les plus méchants sont les plus blessés. Tout lui saute à la gorge, tout lui crache à la gueule, à Roger Rudigoz. Il n'est qu'amour, mais faut pas non plus déconner. Roger Rudigoz est un écrivain qui se cabre, une bestiole mal-aimée au regard trop pointu. Sa femme et sa fille le sauvent chaque jour, écrire et lire le sauvent chaque jour, mais son cœur a l'échine hérissée en regardant par la fenêtre ce que les hommes font du monde. (p. 153)
Richard Brautigan (1935-1984)
Richard Brautigan est tout et son contraire, surtout son contraire. (...)
Il est comme ses haïkus, de "l'acier trempé dans une goutte de rosée" (p. 44)
Albert Cossery (1913- 2008)
...Sous les rides d'Albert Cossery, se cachait l'élégance fripée des corbeaux qui ne se laissent pas apprivoiser. (...)
Albert Cossery sait que les choses ne tournent pas rond et que ce n'est pas en allant pointer que la terre se remettra sur ses pieds. Albert Cossery se fait aider par Henry Miller pour publier son premier livre. Il est du côté de l'ironie de la vie et de l'insolence des mendiants. (p. 59)