Fleur bleue

Ce que j’éprouve pour elle, ce n’est pas seulement l’attrait superficiel et sensuel que vous a inspiré sa beauté, tout en méprisant la femme et en critiquant son caractère... Mon amour est lucide, clairvoyant, terriblement clairvoyant. Il n’en est que plus fort. Je connais ses défauts, ses tares même, je les admets, parce qu’ils font partie d’elle-même. Je sais qu’elle est coquette, légère et flirteuse... pire encore. Je ne doute pas qu’elle me fera terriblement souffrir… Qu’importe ! Je l’aime, vous dis-je...

Je rêvais de vous avoir pour moi seul ; de vivre pour vous comme vous auriez vécu pour moi. Cela vous faisait rire. Vous disiez que j’étais démodé, vieux jeu. Vous ne rêviez que flirts, amusements, plaisirs. Et vous auriez voulu rabaisser mon amour pour qu’il ne vous encombrât pas.

Il n’est pas nécessaire de se battre pour lutter. Il y a d’autres armes.

C’était l’autre qu’il aimait, celle qui s’était enfuie... Et au désespoir qui lui tordait le cœur, il comprenait ce qui s’était passé en lui... Il connaissait enfin cette vérité que trop de voiles lui cachaient, et qui surgissait en lui, éblouissante... Il savait enfin le nom du sentiment jamais’ ressenti qu’il éprouvait...
Ce besoin de la présence de Guillemette, ce désir de la protéger, de la rendre heureuse, ce qu’il prenait pour une grande amitié tendre, c’était de l’amour.

Il y a des choses que l'on devine trop tard.

Il ne faut jamais faire les choses à demi. Après m’avoir fait la charité d’un peu de lait, faites-moi la charité d’un peu de compagnie...

La femme idéale, au cœur pur, à l’âme non polluée que dans le secret de lui-même il rêvait, n’existait pas...

Est-ce qu’il l’aimait ? Etait-ce de l’amour cet attrait qu’il éprouvait pour elle, ce trouble qu’il ressentait lorsqu’il lui parlait, qu’elle le frôlait ? Il ne le savait pas... A cette époque, on écartait avec soin, dans le vocabulaire alors en usage chez les jeunes, tout ce qui pouvait avoir l’air sentimental. C’était démodé, ridicule. On ne parlait pas d’amour.

L’image représentait une très jolie créature en robe du soir. Jeune fille ou jeune femme ? On n’eût su le dire. Le visage savamment fardé, et mis en valeur par une chevelure artistement coiffée apparaissait d’une incontestable jeunesse, mais le sourire avait quelque chose d’imperceptiblement usé, de fatigué. Le galbe des épaules, de la gorge, les bras minces et ronds se voyaient, largement dévoilés par la robe ; et cette science de la toilette n’était pas non plus d’une jeune fille.